Respire-moi...
Dit-elle à l'Univers...
You can't take pictures of this, lui dit-Il...
Enfin moi...
Dit le fou au voleur...
Bang Bang. Le coeur était si pressé de Le retrouver, et à son long hiver d'échapper, qu'il trouva son Big Bang. Il pleura alors des larmes d'étoiles. Et se fit pur regard, pour se faire pur accord avec un horizon sans frontières. Le coeur était si pressé de Le retrouver...
Bang Bang. Le coeur était si pressé de Le retrouver, et à son long hiver d'échapper, qu'il trouva son Big Bang. Il pleura alors des larmes d'étoiles. Et se fit pur regard, pour se faire pur accord avec un horizon sans frontières. Le coeur était si pressé de Le retrouver...
A la recherche de Cuba
Je suis Cuba. Une fois, Colomb débarqua ici. Il écrivit dans son journal : “ "C’est la plus belle terre que des yeux d’humains aient contemplée” ". Merci Senior Colomb ! Quand vous m’avez vue pour la première fois, je chantais et je riais. Je saluai les voiles avec mes palmes. Je crus que vous m’apportiez le bonheur. Je suis Cuba… Mon sucre, les caravelles l’emportaient…
mes larmes, elles les laissaient. Quelle chose étrange que le sucre, Senior Colomb. Que de larmes en lui. Pourtant, il est doux.
Au début, la caméra survole et explore un paysage de rêve (la mer, des palmiers immaculés) encore vierge, pénètre ensuite, délicatement, dans les terres, parmi les humains.
Voir Soy Cuba et s’abstenir de mourir. Voir le film de Kalatozov pour voir à quel point c’est beau une caméra qui fait l’amour. Encore plus beau quand elle est amoureuse de son sujet : Cuba. De son soleil, de sa canne à sucre, de ses forêts, de son océan, de ses fils et de ses filles. A pertes de vues. Encore plus beau quand la caméra s’ancre à une fille amoureuse. Sans rien lui voler. Une fille au visage d’ange et au si joli sourire. Une fille amoureuse encore vierge des garçons. Amoureuse du sucre de la canne. De l’air du temps et de celui qu’elle engloutit à pleins poumons pour s’enivrer d’une joyeuse chanson. Une chanson de son pays.
Elle ne sait pas…
Les quantiques de Carpenter
Chaque espèce ressent l’approche de son extinction. Dixit John Carpenter dans L’antre de la folie. Certains de leurs membres plus que d’autres, pourrait-on ajouter tant Carpenter, tout au long de sa carrière, et spécialement dans Prince des ténèbres, s’est attelé à filmer cette approche avec un sens aquatique de la mise en scène en parfaite adéquation avec sa vision adulte et quantique du monde. Une vision, des sons, qui rendent compte de la porosité, des failles et de la complexité de notre univers. Carpenter croit à la mécanique quantique. Il ne croit pas et n’aime pas le monde aujourd’hui perçu, aujourd’hui voulu, il rejette le rationnel naïf, et ne se satisfait pas du religieux qui l’est encore davantage. Qui dit approche dit préliminaires. Et qui dit préliminaires chez Carpenter dit menaces. D’où un sens du cadre dédié à mettre en exergue ces menaces. Carpenter, on le sait, préfère filmer les préliminaires au chaos ou l’après que le chaos lui-même. C’est pourquoi il s’attache à filmer des rues et des paysages déserts, à composer des musiques obsédantes annonciatrices d’apocalypses, à raconter des possessions et des expulsions, des sièges et des retraites, à filmer sans les dévoiler des créatures échappées de dimensions parallèles (bien souvent des fantômes ou des démons du passé), en réalité rappelés ou invoqués par une société répressive et oppressive (Michael Myers, le tueur d’Halloween en goguette, né du puritanisme hypocrite anglo-saxon, est requis pour réprimer le sexe chez les jeunes, les extraterrestres d’Invasion Los Angeles sont requis pour prêter main forte aux républicains dans leur volonté d’uniformiser, autrement dit d’empecher toute pensée libre), en somme à gratter le vernis, l’apparence (le Dr Loomis qui figure le cinéaste s’échine en vain à prévenir les autres du danger encouru), la perception religieuse et primitive de l’univers (le professeur Birack qui parle au nom de Carpenter dénonce les mensonges de l’Eglise, l’“homme” des étoiles est envoyé pour contredire le religieux et donner du baume au coeur des hommes sans les réprimer, sans les oppresser, sans les limiter).
Starman
Revoir vingt ans plus tard le très beau Starman de Carpenter pour constater que l’homme des étoiles n’a pas pris une ride, que la voix et le visage de Karen Allen ont toujours cette douceur et cette tristesse qui nous ont fait tant craquer adolescent, que Jeff Bridges, auréolé d’une musique céleste, est toujours aussi touchant dans sa façon non violente d’échapper à la paranoïa et à la bêtise des hommes, de voir le monde avec les yeux d’un nouveau né, de lui sourire et d’en goûter les délices (manger une tarte aux pommes à la crême fouettée, faire l’amour) avec une merveilleuse innocence, de s’émerveiller aux sons et lumières de Las Vegas, de tricher à ses jeux de hasard, de ressusciter un daim sur un capot de voiture, d’offrir à Karen Allen et à la Terre une magnifique preuve d’amour avant son retour aux étoiles.
Revoir Starman vingt ans plus tard pour dire qu’un bon cinéphile ne doit pas oublier ce qu’ont aimé ses yeux d’adolescent.
Revoir Starman vingt ans plus tard pour dire qu’un bon cinéphile ne doit pas oublier ce qu’ont aimé ses yeux d’adolescent.
Lily Ho
Ne vous fiez pas à sa frimousse mandarine, dans ses films, elle embrasse aussi les filles, bondit sur les garçons comme une tigresse, et vole comme une amazone…
La guerre des mondes
"Mais c’est quoi ?" s’exclame le fils. "J’ai jamais entendu ce bruit-là", répond le père.
Dans La guerre des mondes, les bruits mais aussi les silences, assourdissants et tétanisants (les cornes de brume annonciatrices des tripodes), implosent et explosent aux oreilles du spectateur, tandis que les images et la mise en images, toutes aussi apocalyptiques, le scotchent sur son siège pour lui glacer les sangs.
Expérience sensorielle extrême, à l’instar de Massacre à la tronçonneuse, le film de Spielberg, bien souvent, interdit le regard (les flots de lumière aveuglants) et l’ouïe du spectateur, comme de ses personnages. Témoin de cette censure, la scène emblématique du film où, dans la cave, le père met un bandeau sur les yeux de sa fille, et lui demande de se boucher les oreilles, alors qu’il s’apprête à tuer celui qui, par son comportement paranoïaque (l’Américain post-11 septembre), risque de les faire tuer.
Le dessein de Spielberg n’est pas d’éluder l’horreur, mais de désorienter davantage, d’accentuer le malaise, d’armer les électrochocs.
Expérience d’un spectacle cauchemardesque terrifiant, La guerre des mondes nous plonge aussi dans une apocalypse du regard.
Celui de Rachel qui ne peut s’empêcher de voir et qu’on ne peut empêcher de voir (extraordinaire performance de la petite Dakota). Ainsi, lors de cette séquence, où, d’abord attirée par le scintillement provoqué par la rencontre entre le soleil et le fleuve (l’émerveillement de l’enfance), elle voit ensuite le courant charier une multitude de cadavres (détruisant du coup son regard d’enfant).
Celui du héros : un monsieur tout-le-monde, un docker qui a bien du mal à gérer sa paternité. L’arrivée de ces extra-terrestres génocidaires va donner à ce héros-malgré-lui l’occasion d’acquérir un regard d’adulte (celui de Spielberg lorsqu’il réalise La liste de Schindler) après avoir été celui d’un gosse (celui du cinéaste lorsqu’il réalise Rencontres du 3ème type).
Celui du spectateur enfin qui, en même temps que le héros, contemple avec effroi un paysage à l’infini rouge sang.
Miss Alba
Boing Boing, la fantastique Jessica se dévoile davantage en public que sur scène. Hum…
Monts et merveilles…
Hum...
Jessica Alba dans Sin City.
Pierrot le fou
Elle est retrouvée.
Quoi ? – L’Éternité.
C’est la mer allée
Avec le soleil.
Un homme et une femme, Ferdinand et Marianne, Jean-Luc et Anna, ne sont pas faits pour s’entendre, vibrer au même diapason, exister sur les mêmes longueurs d’ondes, mais pour vivre vite de folles escapades. Nous dit Godard dans Pierrot le fou. Ferdinand ne rêve que de poèmes et de Florence, de peintures et de BD, de littérature et de cinéma, Marianne ne rêve que de dollars et de Las Vegas, de chansons et de polars américains, les poésies du premier échouant vainement sur les rivages frivoles de la seconde. Et vice-versa. Le premier n’aspire qu’à l’inaction, à la contemplation, à l’évocation (“je trouve que tes jambes et ta poitrine sont émouvantes”), la seconde n’aspire qu’à l’action, fusse-t-elle violente ou pornographique (“baise-moi”). La vie, insiste Godard, est essentiellement faite de monologues, parfois convergents, et de mensonges (Marianne/Anna), parfois sincères (“je t’aime à ma manière”). Des monologues pour une même incommunicabilité. Des mensonges détectés -traqués par une caméra infaillible : les paroles de Marianne disent souvent le contraire de ce que révèlent les regards d’Anna. Ferdinand comme Godard n’est pas dupe : “je te crois, menteuse”. Ferdinand ne sera le Pierrot de Marianne qu’en se dynamitant. Et Marianne ne sera la Renoir de Ferdinand que nature morte. Seule l’Eternité de Rimbaud parvient à concilier la mer et le soleil : la mer (Marianne) -insondable, insaisissable, intouchable et le soleil (Ferdinand) -qui n’est pas capable de sonder, de saisir, de toucher, sans causer de dommages, sans brûler les ailes de qui s’approche trop près.
Dans Pierrot le fou, Marianne échappe à Ferdinand comme Anna Karina échappe à Godard. Ferdinand qui, pour retenir Marianne, va jusqu’à la tuer et, pour la rejoindre, va jusqu’à s’auto-détruire. Des actes aussitôt regrettés, car le spectacle a vocation à continuer. Eminemment poétique et discrètement exutoire, Pierrot le fou met en scène la fin d’un couple qui n’a vécu que pour mourir, à l’image de la lune qui, chaque aurore, est vouée à s’évanouir, pour renaître jamais tout à fait la même.
Pierrot est fou.
Je m’appelle Ferdinand, je te l’ai déjà dit. Tu m’emmerdes à la fin, nom de dieu.
Embrasse-moi idiot !
Louer Billy Wilder revient à raconter une volonté constante de dresser de beaux portraits de femmes, de s’évertuer à mettre en scène des femmes à priori nunuches et naïves révélant un cran et un coeur énorme. De rédiger sur le ton de la comédie de formidables évangiles à la gloire de la femme. Jusqu’à travestir ses héros. Jusqu’à faire dire à l’un de ses personnages masculins que seule la femme peut être parfaite. Difficile d’aller plus loin et de faire plus drôle.
Raconter Billy Wilder revient aussi à souligner une volonté acharnée et toujours très estimable de botter le cul aux ligues de vertus américaines. Et par extension à toutes les ligues de vertus de la planète, d’hier comme d’aujourd’hui. En dénonçant la perpetuelle hypocrisie des moeurs américaines avec un entrain qui lui était propre et qui, en réalité, ne devait pas tellement à son maître avoué Ernst Lubitsch.
Raconter Embrasse-moi idiot, l’un de ses films les plus drôles et les plus attachants, revient à raconter un magnifique sourire et un touchant derrière. Le sourire si authentique de Felicia Farr qui passe son temps à éviter les embrouilles avec son mari, et le derrière si voluptueux de Kim Novak qui passe son temps à éviter les mains de ses clients. La première, épouse dévouée, doit déguerpir du foyer conjugual pour permettre à la seconde, fille de joie du lieu de perdition local, de la remplacer le temps d’une nuit, dans le but d’être confiée aux bons soins d’un crooner de passage, le mufle Dino, susceptible de faire publier les chansons du mari.
Billy Wilder n’avait peur de rien, il osait tout. Jusqu’à faire dire à l’épouse qu’elle avait couché avec un autre pour le bien de son époux. La tournure et la morale de l’histoire ne pouvaient évidemment pas être celles des ligues de vertus déjà citées : Polly le volcan avait un coeur à faire fondre la banquise, ne couchait au final ni avec le mari, ni avec le crooner ; Zelda, l’épouse vertueuse, se révélait très gironde et très sexy, réclamait ardemment à son mari une sieste crapuleuse totalement gratuite (entendez sans visée procréatrice, en plein après-midi et un jour de semaine !) pour finir la nuit dans les bras et les draps du beau Dean. Avant de retourner à son mari, libérée et épanouie. Avant l’invraisemblable vérité : son mariage allait bien mieux s’en porter.
Raconter Billy Wilder revient aussi à souligner une volonté acharnée et toujours très estimable de botter le cul aux ligues de vertus américaines. Et par extension à toutes les ligues de vertus de la planète, d’hier comme d’aujourd’hui. En dénonçant la perpetuelle hypocrisie des moeurs américaines avec un entrain qui lui était propre et qui, en réalité, ne devait pas tellement à son maître avoué Ernst Lubitsch.
Raconter Embrasse-moi idiot, l’un de ses films les plus drôles et les plus attachants, revient à raconter un magnifique sourire et un touchant derrière. Le sourire si authentique de Felicia Farr qui passe son temps à éviter les embrouilles avec son mari, et le derrière si voluptueux de Kim Novak qui passe son temps à éviter les mains de ses clients. La première, épouse dévouée, doit déguerpir du foyer conjugual pour permettre à la seconde, fille de joie du lieu de perdition local, de la remplacer le temps d’une nuit, dans le but d’être confiée aux bons soins d’un crooner de passage, le mufle Dino, susceptible de faire publier les chansons du mari.
Billy Wilder n’avait peur de rien, il osait tout. Jusqu’à faire dire à l’épouse qu’elle avait couché avec un autre pour le bien de son époux. La tournure et la morale de l’histoire ne pouvaient évidemment pas être celles des ligues de vertus déjà citées : Polly le volcan avait un coeur à faire fondre la banquise, ne couchait au final ni avec le mari, ni avec le crooner ; Zelda, l’épouse vertueuse, se révélait très gironde et très sexy, réclamait ardemment à son mari une sieste crapuleuse totalement gratuite (entendez sans visée procréatrice, en plein après-midi et un jour de semaine !) pour finir la nuit dans les bras et les draps du beau Dean. Avant de retourner à son mari, libérée et épanouie. Avant l’invraisemblable vérité : son mariage allait bien mieux s’en porter.
Nous les singes
Les hommes, ce sont aussi parfois les singes qui en parlent le mieux. Quand certains, fiers de leurs trophées et posant pour la postérité, se prennent pas le chou et se fendent la gueule, d’autres, stressés à les gérer, se prennent gravement la tête, la barbe et les orbites…
Quand la science-fiction se fait tout à la fois régressive et cruellement réaliste …
L'impératrice rouge
Le pouvoir érotique de L’impératrice rouge n’échappera à personne. Génie de l’illusionnisme, Sternberg maniait avec une maestria inégalée les jeux d’ombres et de lumières. Des ombres et des lumières, il en est beaucoup question dans ce film éminemment vénéneux qui, par sa beauté baroque et sa splendeur visuelle, comble le regard et, par son érotisme débridé, exacerbe les sens.
Grand magicien, Sternberg est aussi grand sorcier quand, au début du film, il met en scène sévices en tous genres, y compris les plus concupiscents, dénudant à l’envie les poitrines luisantes de belles jeunes filles promises aux flammes du bûcher, ou à la morsure du fouet. La caméra de Sternberg, voyeuriste et incantatoire, semble prendre un malin plaisir à ce spectacle à l’orientation ouvertement sexuelle. Dire que le cinéaste décline, dans ces images de débauche, une envie de sado-masochisme, il n’y a qu’un pas que nous pouvons aisément franchir à la vue de ces séquences à peine voilées, directement inspirées des visions du Marquis de Sade. Dire que le cinéaste, en filmant de près un tortionnaire prenant un grand plaisir à fouetter sa victime, se projette dans ce personnage, est sans doute hasardeux, mais très tentant à oser avancer.
Bien-sûr, ces séquences servent accessoirement à rappeler la folie régnante dans la Russie d’avant l’avènement de Catherine II.
Comme toujours chez Sternberg, la transition est sensationnelle : un malheureux pendu par les pieds et projetté contre une immense cloche fait place à la jeune Sophie faisant de la balançoire dans un cadre enchanteur, un jardin luxuriant tout de blanc vêtu. La couleur fétiche du film.
Pénétrée de rêves innocents lorsqu’àprès avoir quitté sa Prusse natale, elle débarque dans cette Russie en proie à un abruti congénital, la jeune Catherine, dans des décors fantasmagoriques, va très vite vouloir concrétiser ses envies de jeune fille ailleurs que dans le lit conjugal, pour être ensuite très vite pénétrée de l’envie de se débarasser de son idiot de mari. Après avoir grâcement distribué ses faveurs pour s’attirer celles de l’armée, Catherine II, dans la séquence orgasmique du film, mènera, tambour et coeur battant, une folle cavalcade au milieu de sa troupe de cosaques, avant de pénétrer le Palais de son mari (déjà mort), pour être ensuite sacrée Impératrice de toutes les Russies.
La fille du puisatier
Je voudrais qu’on me mette dans une boîte, et qu’on me porte au cimetière.
La fille du puisatier ou l’émotion blonde du blé qui s’offre avant l’heure de la moisson.
Josette Day.
Gran Torino
Depuis le seuil d’une maison, John Ford filmait le deuil d’une présence et l’attente de son retour. Clint Eastwood, dans Gran Torino, filme le crépuscule et le deuil d’une existence. Sa présence sur les écrans aussi. Ainsi, il en profite pour filmer ses dernières bières, ses dernières cigarettes à défaut de ses derniers cigares, ses derniers crachats, ses derniers jurons, sa dernière Dirty Harry’s touch, mais aussi son plus bel acte héroïque. Il en profite également pour filmer une fidèle labrador nommée Daisy, un garage propre comme un sou neuf, les outils de toute une vie, une rutilante voiture, des grognements de chien loup fatigué, une trogne de rottweiller usé, des fantômes coréens, et surtout le monde, les autres. Ici les Hmongs, ethnie bien souvent maltraitée du Sud-Est asiatique, poignante et première représentation dans le cinéma américain. Et contrairement à ce qu’il pensait, depuis la Corée sans doute, l’enfer ce n’est pas les autres. Mais en l’espèce les siens. Son attachement indéfectible pour sa Gran Torino, fidèle souvenir de ses années passées à trimer dans les usines Ford, figure son attachement pour un mode de vie, qui non seulement n’est plus mais ne l’a pas épargné.
Gran Torino est un film bon et optimiste en ce qu’il passe la main. Dans le cas présent, à des Hmongs nommés Sue et Thao Vang Lor. Des Américains qui n’oublieront pas leur identité Hmong, qui n’oublieront pas d’aller à un enterrement dans leur plus bel apparat traditionnel, non avec un portable à la main, les yeux débiles, la tête à claques, le nombril percé à l’air et le sourire niais aux lèvres, qui n’oublieront pas de respecter et vénérer leurs morts. Lui qui a toujours préféré filmer les crépuscules que les aurores, pour sa dernière apparition à l’écran, le grand Clint a choisi de terminer son film sur une route délicatement ensoleillée.
Million dollar baby
Mo Cruishle
Ces mots de gaelique sont la signature de Million Dollar Baby. Ils vous font chialer. Ils vous marquent à jamais. Mon sang, mon amour. Leur traduction, murmurée à Maggie au bout de son parcours, au bout de son récit de survie, au terme de sa sur-vie, vient conclure le plus beau film de Clint Eastwood. Bouleversante reconnaissance de paternité et magnifique déclaration d’amour, ces mots étaient jusque-là scandés par milliers, pour encourager et supporter Maggie lors de ces combats. Sans en comprendre le sens, Maggie aimait les entendre. Ils la transcendaient et l’avaient porté au sommet. Pourtant, Maggie ne manquait pas de courage ni de générosité. Chaque jour, tard la nuit, juste avant l’aube, elle s’entraînait dur. Chaque jour, elle mangeait les restes des autres. Frankie n’entraînait pas les filles, Maggie ne voulait que Frankie. Frankie avait fini par céder. Frankie, depuis longtemps, depuis Scrap, n’envoyait pas ses poulains au casse-pipes. Encore moins une pouliche. Mais Frankie, qui croyait tellement en Maggie, en oublia ses démons et l’envoya sur le ring affronter la championne du monde, une usurpatrice, une vicieuse, une salope. Maggie, elle, lui mit sa raclée, comme à toutes les autres. Sauf que ce soir-là, elle lui tourna le dos, et donc baissa sa garde, trop tôt.
Davantage qu’un film et une leçon de cinéma, Million Dollar Baby est une leçon de vie. Une leçon qui vous met KO à l’âme. Car, comme Maggie, le grand Clint décoche au spectateur un crochet du gauche dans le bide, un direct du droit en pleine face, sans frioriture, pour le mettre au tapis. Il ne s’en relèvera pas intact, ni identique.
Josey Wales hors-la-loi
Le sang est témoin.
Josey Wales hors-la-loi est l’histoire d’un homme qui, après avoir perdu sa famille nucléaire et anglo-saxonne, rêve en secret d’une famille nombreuse et pluri-ethnique, autrement dit l’histoire de l’Amérique rêvée par un cinéaste injustement taxé de manichéen. L’histoire en l’occurence d’un fermier qui entre en guerre après le massacre des siens.
L’Amérique d’Eastwood est fondée sur un acte violent et traumatique (comme la vraie), mais s’écrit loin des standards wasp ayant prévalu dans le pays et par voie de conséquence à Hollywood. Chez Eastwood, le rêve américain s’épanouit grâce un vieil indien toujours viril qui aimerait retrouver sa furtivité enfuie, une jeune squaw encore furtive qui n’a pas la langue dans sa poche, une vierge qui a la tête dans les étoiles et dans les yeux du grand Clint, une vieille bigote qui loue son fils davantage que Dieu, un cabot qui reste fidèle malgré les crachats, une tribu comanche qui, en Josey Wales, a trouvé la version visage pâle de ses propres malheurs et de ses propres souffrances. Remake fictif de Thomas Jeffords (pacificateur de Cochise), Josey Wales est un pacifiste qui s’ignore.
Chez Eastwood, le rêve américain n’est pas mercantile et doit s’affranchir de la tutelle des gouvernements, souvent indignes de confiance. Son cinéma est fait de pactes, nécessairement privés, hors les lois écrites. Le titre du film dit beaucoup : le héros de l’histoire n’a pas perdu son nom, et le mot “ "Outlaw” " ne lui est pas associé pour accrocher le chaland en quête de jeunots exaltés.
Mettre sur pellicule son désir avoué de refaire une virginité à l’Amérique, tout en exprimant son désir secret de se taper une vierge, telle a été la volonté d’Eastwood en réalisant The OutlawJosey Wales. Josey Wales qui, après le fiasco vietnamien, donne foi à ce qui a été dit sur le cinéma US, véritable sismographe du rêve américain. En 1976, année de réalisation du film, la tête d’Eastwood était à conter fleurette avec sa future et à fraterniser dans le sang avec un chef peau rouge.
Faudrait voir…
Josey Wales hors-la-loi est l’histoire d’un homme qui, après avoir perdu sa famille nucléaire et anglo-saxonne, rêve en secret d’une famille nombreuse et pluri-ethnique, autrement dit l’histoire de l’Amérique rêvée par un cinéaste injustement taxé de manichéen. L’histoire en l’occurence d’un fermier qui entre en guerre après le massacre des siens.
L’Amérique d’Eastwood est fondée sur un acte violent et traumatique (comme la vraie), mais s’écrit loin des standards wasp ayant prévalu dans le pays et par voie de conséquence à Hollywood. Chez Eastwood, le rêve américain s’épanouit grâce un vieil indien toujours viril qui aimerait retrouver sa furtivité enfuie, une jeune squaw encore furtive qui n’a pas la langue dans sa poche, une vierge qui a la tête dans les étoiles et dans les yeux du grand Clint, une vieille bigote qui loue son fils davantage que Dieu, un cabot qui reste fidèle malgré les crachats, une tribu comanche qui, en Josey Wales, a trouvé la version visage pâle de ses propres malheurs et de ses propres souffrances. Remake fictif de Thomas Jeffords (pacificateur de Cochise), Josey Wales est un pacifiste qui s’ignore.
Chez Eastwood, le rêve américain n’est pas mercantile et doit s’affranchir de la tutelle des gouvernements, souvent indignes de confiance. Son cinéma est fait de pactes, nécessairement privés, hors les lois écrites. Le titre du film dit beaucoup : le héros de l’histoire n’a pas perdu son nom, et le mot “ "Outlaw” " ne lui est pas associé pour accrocher le chaland en quête de jeunots exaltés.
Mettre sur pellicule son désir avoué de refaire une virginité à l’Amérique, tout en exprimant son désir secret de se taper une vierge, telle a été la volonté d’Eastwood en réalisant The OutlawJosey Wales. Josey Wales qui, après le fiasco vietnamien, donne foi à ce qui a été dit sur le cinéma US, véritable sismographe du rêve américain. En 1976, année de réalisation du film, la tête d’Eastwood était à conter fleurette avec sa future et à fraterniser dans le sang avec un chef peau rouge.
Faudrait voir…
Pat Garrett et Billy le Kid
T’as pas été jusqu’à 10.
J’ai jamais su compter.
La beauté élégiaque du film de Peckinpah tient au souffle crépusculaire donné à l’histoire et, plus encore, à la profonde mélancolie qui l’habite et s’en dégage. Une mélancolie qui doit beaucoup à la composition nonchalante et la voix en partance de Kristofferson, ainsi qu’à la musique et la présence fantômatique de Dylan. Le cinéaste filme la fin d’un monde, celui de Billy, celui de Pat avant qu’il ne devienne Garrett, celui du shérif Baker. L’Ouest légendaire, celui de la conquête, est à l’agonie. Peckinpah aussi.
Pat Garrett et Billy le Kid raconte la dépression d’un homme qui aurait voulu traverser la vie comme Billy ou Paco et qui pense l’avoir traversé comme Garrett. Voir la scène emblématique du film montrant Garrett tirer sur son propre reflet après avoir tué Billy. Garrett est une projection du cinéaste, les électeurs et Chisum celle du grand public et des producteurs profanateurs.
Dans Pat Garrett et Billy le Kid, le grand Sam apporte à l’agonie de ses personnages une grande nostalgie. Celle de Billy bien-sûr, mais aussi celle de ses amis et anciens complices, celle d’Alamosa et du shérif Baker. Les derniers souvenirs d’un monde révolu. Mais en premier lieu celle de Paco, l’éleveur de moutons qui, conscient de s’être trompé de rêve, veut retourner au Mexique pour y mener une vie en accord avec ses origines et avec la terre qui l’a vu naître. Paco qui, rattrapé par les hommes de Chisum, ne reverra pas son Mexique. Nul doute que ses dernières paroles consacrent la vision du paradis révé par le cinéaste. Les plus belles scènes de Peckinpah sont ses plus pudiques. Preuve une nouvelle fois que son cinéma, souvent accusé de violence outrancière, en réalité cathartique, est en vérité l’un des plus sensibles.
Enfin, chose habituelle chez ce réalisateur à la réputation pourtant mysogyne, les personnages féminins ont le beau rôle, celui de donner à la mort du compagnon le charme nostalgique recherché par le cinéaste, celui d’offrir un dernier instant d’amour, celui aussi de dénoncer sa corruption et la trahison de son ancienne existence.
Le film se clôt sur un enfant mexicain jetant des pierres sur Garrett qui s’éloigne à l’aube d’un nouveau jour, d’un nouveau monde.
Je vais te dire la maison que je veux construire. Pas ici. Pour nous, amigo. De l’autre côté, au Mexique. Je vendrai mes moutons. Je la construirai à la mexicaine. Tu sais, Billy, je planterai une vigne sous la véranda. Et j’aurai trois chaises. Je m’assiérai au milieu et quiconque offensera la nature ou ma mère, je lui ferai sauter la cervelle. Como sientes tu, Billy ?
Modifiée dans le montage de 2005, cette séquence, déjà magnifique dans la version de 1988, n’est pas dédiée au Kid, mais à celui qui ne voit plus les cartes. A celui qui voulait faire boire les chevaux et à qui on n’a pas laissé le temps de dégainer, ni de voir les tireurs qui, sans sommation, lui ont logé deux balles dans le ventre. A celui qui va se relever pour affronter les hommes de Garrett. C’est là la grande force du cinéma de Peckinpah que d’insuffler une grande mélancolie à la mort de ces personnages périphériques et sans passé. Aussi grande que celle des personnages principaux.
Fin de cavale
Dites, vous allez pas me tuer, hein ?
Non.
Ah tant mieux. Vous êtes mariés ?
Oui.
Ah, çà me fait plaisir, les jeunes maintenant, ils n’ont plus de morale !
Revenons un peu sur terre, combien tu t’es fait à peu près dans ton année ?
Oh, je me suis fait à peu près 5000.
Suppose que je te donne 10000 dollars.
Sérieux ?
Et pourquoi pas 30 ?
Allez donne lui, va !
Vaya con dios… Faites attention à vous…
Steve McQueen, Ali McGraw et Slim Pickens dans The Getaway de Sam Peckinpah.
Loin d’être une quelconque concession, le happy end de Guet-apens, marqué par l’apparition à la fois drôle et émouvante de Slim Pickens (le shérif Colin Baker dans Pat Garrett et Billy le Kid), était une grande bouffée d’optimisme dans l’univers sombre et dépressif de son auteur. Et offrait un spectacle rare (donc précieux) dans le cinéma de Peckinpah, d’ordinaire consacré par la mort de ses personnages : un couple (ré)uni pour le meilleur partant pour le Mexique. Le grand rêve et la grande évasion selon le grand Sam.
Si t’essaies de me renvoyer en taule, t’as qu’à continuer dans cette voie.
Oh, ne te fais pas de soucis pour çà, j’aurai les moyens de te faire remettre en liberté si je voulais, j’aurais qu’à coucher avec tous les directeurs de prison du Texas si besoin était.
C’est grand le Texas.
çà me fait pas peur.
J’en suis persuadé.
Doc et Carol, Guet-Apens.
Guet-Apens
Doc McCoy, après avoir purgé une longue peine, bénéficie d’une libération conditionnelle. Entendre par conditionnelle : organiser et exécuter un hold-up, en réalité un marché de dupes. Le braquage tourne à l’homicide, le butin est moins conséquent que celui annoncé par le journal télé et une fois la mission remplie, son commanditaire cherche à le supprimer. Sans compter que sa femme a payé de sa personne pour le faire libérer. Leurs retrouvailles physiques après une longue séparation sont marquées par la gêne. Et sans doute aussi pour Carol par le goût amer de son rapport sexuel avec Benyon. “ "Tout le plaisir était pour moi” ", confessera t-elle à son mari. Les corps, devenus étrangers, se sont oubliés, les regards se prolongent, retardant l’échéance. (Re)faire l’amour s’avère plus une épreuve nécessaire qu’une nécessité amoureuse. Une reprise de contact plus qu’un élan. Davantage que dans la violence des gunfights, le cinéma de Peckinpah se révèle dans les moments les plus intimes, les plus silencieux, les moins spectaculaires. Et aussi dans les violences conjugales, celle exercée par McCoy sur son épouse quand il apprend qu’elle s’est salie pour le faire sortir : les gifles adressées, les larmes versées sont les saillies amoureuses du film.
Le réalisateur de Pat Garrett et Billy le Kid a fait de la chute le motif principal de son cinéma. Un motif autant mélancolique qu’esthétique. Chute des corps, chute des âmes. Vécue au ralenti ou en accéléré. Notable exception dans la cinématographie dépressive de son auteur, Guet-apens ne raconte pas une chute mais une renaissance. Ici, le style convulsif de Peckinpah conjugué à l’élégance corporelle de Mc Queen et à la vérité amoureuse de MacGraw, se marie parfaitement à cette histoire de couple à la dérive qui, lors d’une cavale, est amené à se retrouver. A se reconstruire. Dans la tension et l’exacerbation violente forcément. La beauté singulière des films de Peckinpah ne tient pas seulement à son style. Un style epileptique et elliptique guidé par un souci de véracité dans la violence exhibée, et par une recherche esthétique dans la façon de l’exprimer. La profondeur de ses films doit également beaucoup à la vérité de ses acteurs. A leur véracité expressive et émotionnelle. Ici aux poignantes expressions de MacGraw. Quand Carol met Doc en joue après avoir flingué Benyon. Quand elle lui fait promettre de ne plus remettre çà sur le tapis après qu’il l’ait violemment sermonnée. Et quand elle accélère trop brutalement, empechant Doc de s’engouffrer dans leur voiture. Comme un écho au personnage du kid désarçonné par un cheval trop fougueux, dans Guet-apens, le truand chevronné est désarçonné (volontairement ?) par son épouse !
Wanted...
Boss et fusible pour F.B.I. Chanteur hors pair. Corrado Soprano dit Oncle Junior. Made by Dominic Chianese.
American history X
Born to eat and to be wild.
To be a serial killer and a serial fucker, or not to be.
Tony Soprano and Co. NC-17 rated.
May contain very strong sexual or offensive language,
strong explicit nudity,
very strong gore or disturbing violence,
or graphic drug abuse.
Made in U.S.A.
Filmer une mort relève d’un exercice extrêmement perilleux. De haute voltige et donc casse-gueule. Trouver la mort juste : dans le sens, inévitable et logique, sans se soucier du quand dira le spectateur. Certes, la mort de Christopher Moltisanti (Michael Imperioli) ne peut être la bienvenue, tant le personnage avait beaucoup de charisme et nous tenait compagnie depuis longtemps. Cette mort-là vient pourtant clore un parcours. De ses années de soldat à ses premiers et ultimes pas en tant qu’affranchi. De ses années de débiteur et fossoyeur de cadavres encombrants à ses années placées sous le sceau du commandement et du management (estampillés “ "mafia du New Jersey” ") en passant par ses vélleités de faire du cinéma (fusse-t-il horrifique). De ses années junkie à ses années de sobriété. Une sobriété, au final, trop difficiles à gérer dans ce milieu impitoyable.
Plusieurs fois repoussée, mainte fois annoncée (le corbeau en guise de bienvenue dans la famille), la mort de Christopher arrive pourtant à un mauvais moment pour Tony, sur le point d’entrer en guerre contre une puissante famille new-yorkaise. L’ancien exécuteur des basses oeuvres n’ayant jamais perdu la main, son aide lui aurait été fort précieuse dans une résolution armée du conflit : ç’aurait eu forcément de la gueule, c’eut été immanquablement spectaculaire. Mais le spectacle n’a jamais été la préoccupation première de Chase, créateur et superviseur de la série. L’excellence des Soprano en termes d’écriture, son part-pris de chronique familiale à laquelle vient se greffer la vie professionnelle (et non l’inverse), son souci de véracité (sa marque de fabrique et l’un de ses atouts maîtres) l’ont conduit bien des fois à prendre à rebrousse poil le désir du spectateur. Grâce doit lui en être rendue. Il allait de soi que Chris en fasse cette fois-ci les frais. Définitivement. Car l’héritier présomptif commençait à avoir du vague à l’âme, à penser trop fort “ "programme de protection des témoins” ". Une pensée que seul Tony, dans un sens inné de conservation, a entendu. Fort et clair. N’ayant jamais trahi ses personnages ni leur histoire, David Chase, le génial stratège, aurait trahi l’essence de Moltisanti s’il avait décidé de le transformer en pathétique repenti. Piètre scénariste (de son propre inconscient, de ses propres crimes), Christopher avait vocation à n’exister qu’au sein de la mafia, tout en n’ayant pas celle d’y réussir. Spontané et sincère dans sa violence, l’esprit calculateur de Tony lui faisait défaut. Davantage que la disparition même du personnage (son temps était bel et bien révolu), l’électrochoc fut dans le moyen employé : Chris ne meurt pas comme un soldat, l’arme à la main, et ne reçoit aucun projectile. Aussi, il faut voir dans cette mort à huit-clos, non un camouflet au personnage, mais véritablement un refus de souscrire à un spectacle hors sujet (donc complaisant et grandiloquent). Mieux, une marque d’attachement particulier de Chase pour Christopher. A bien y regarder, seules ses morts ratées pouvaient être affiliées à celles de ses modèles incarnés par Robinson ou Cagney. Ainsi, seule l’intimité d’une main familière pouvait mettre un point final à l’histoire tragi-comique de Christopher Moltisanti.
Lui qui avait soif de reconnaissance manquait même sa sortie.
White pitbull
Vic Mackey. R-rated.
Made in Farmington, L.A.
To be continued…
Morveux
(Alors, comment il s’appelle ?)
Morveux.
(T’as dit Morveux ?)
Ouais, c’est çà.
(“ "Morveux” ", çà lui plait ? Ce type que sa mère s’est fait chier à appeler Omar Isaiah Betts. Tu sais, il oublie sa veste. Son nez se met à couler et un connard, au lieu de lui passer un kleenex, l’appelle “ "Morveux” ". Et voilà, il est baptisé pour toujours. C’est vraiment pas juste.)
Faut croire que c’est la vie.
(Alors, qui a tué Morveux ?)
Je ne vais pas au tribunal. Quand même, cet enculé aurait pas du le tuer.
(C’est très vrai.)
Il aurait pu lui casser la gueule, comme on fait d’habitude.
(Je suis bien d’accord.)
Et il tue Morveux. Morveux fait les mêmes trucs depuis des années. Tuer un mec pour des conneries. Tous les vendredis soirs, dans la ruelle derrière le magasin discount, on joue aux dés. Avec les gars du quartier, on joue toute la nuit. Et chaque fois, Morveux venait lancer les dés. Il jouait jusqu’à ce qu’il y ait une cagnotte puis il se cassait avec.
(Chaque fois ?)
Il pouvait pas s’en empêcher.
(Que je te comprenne. Tous les vendredis soirs, toi et tes potes, vous jouez aux dés. Et tous les vendredis soirs, ton pote Morveux attendait qu’il y ait de l’argent sur la table et puis se cassait avec en courant ? Vous le laissiez faire ?)
On lui cassait la gueule. Mais personne est allé plus loin.
(Laisse moi te poser une question. Si Morveux se tirait chaque fois avec l’argent, pourquoi vous le laissiez jouer ?)
Quoi ?
(Si Morveux volait toujours l’argent, pourquoi le laissiez-vous jouer ?)
Fallait bien. On est en Amérique.
Apocalypse now…
Welcome in Baltimore, USA. Have a nice trip…
The Wire
De Baltimore, cité portuaire du Maryland, ville mortuaire d’Edgar Allan Poe, nul ne peut s’évader, tout au moins impunément. Représentants de l’ordre et hors-la-loi sont logés à la même enseigne. La plupart de ses habitants également. Dockers, chômeurs à temps partiel, futurs chômeurs à plein temps, putes locales ou d’ailleurs, futures putes, futures mortes ou mortes-vivantes, déshérités en tous genres, noirs ou blancs. Ceux ou celles qui résistent à son oppression finissent impitoyablement dans son estuaire. Même lestés, leurs corps- martyrs remontent toujours à sa surface. Toujours recrachés et rendus à la ville, jamais au comté voisin. Sur la table d’autopsie de sa morgue bondée, jamais rassasiée, échouent également les plus rêveurs. Après avoir goûté au bitume de ses rues, aux murs de ses squatts. Un bitume, des murs qui ont beaucoup à témoigner sur la violence qui gangrène la ville. Sous les pavés, encore des pavés, jamais la plage. Portuaire ne veut pas dire balnéaire. Animé par une sourde volonté de quitter son milieu natal, celui de la rue, celui des gangsters, Stringer Bell fut le plus grand de ces rêveurs. C’était qui ce mec ? Son rêve américain finira là où il l’avait conduit. Dans un immeuble en construction, qui ne sera jamais achevé. Comme tous les rêves. La faute à plus vicieux et plus puissant que lui : le monde véreux de la politique et de la finance, intimes à en vomir. Avon Barksdale, quant à lui, est un gangster pour toujours. Il restera à jamais prisonnier de Baltimore. De ses coins de rues à deals : son seul horizon. Marquer son territoire est son unique but. Il ne franchira jamais les quartiers ouest de Griseville.
Baltimore est la grande salope de The Wire, série sublime et démentielle créée par David Simon et co-écrite avec Ed Burns. Ses amants les plus cannibales ne sont ni Stringer Bell, ni D’Angelo Barksdale, mais bel et bien ceux qui la baisent officiellement : ses huiles et ses élus corrompus. De tous les personnages de The Wire, Omar Little est son amant le plus fidèle et le plus sincère. Le plus flamboyant. Le seul à pouvoir l’aimer. Le seul à réussir à la baiser en douce, à en connaître et à en investir le moindre recoin. A finalement lui échapper tout en ne pouvant la quitter. A une exception près, à s’en tirer chaque fois plus vivant qu’avant. Omar est un survivant de l’apocalypse. Pour ce personnage en marge des marginaux, totalement affranchi, nul besoin de s’en évader. Il est chez lui. Et s’y sent parfaitement à l’aise. Omar Little, après des replis stratégiques ou récréatifs, revient toujours à elle. Ce Scarface-là est tragique. Davantage que l’une des plus grandes séries jamais pensées, écrites, réalisées et interprétées, The Wire est son écrin..
24 : 00 : 00 : 00
24 finit donc sur un gros plan. Après avoir conçu et mis en scène une vie, des vies, en split-screens, pour traduire les nombreux dilemnes et résistances vécus par les personnages, et Jack Bauer en particulier. Le gros plan en question est d’anthologie, déjà un classique de la télé. Filmé par un drone qui comme une étoile apparaît dans un ciel chargé. Capté par une arme moderne et très américaine, un visage, tragique, celui de Jack Bauer, qui finit par se brouiller, avant de disparaître des écrans de la CTU, donc des Etats-Unis d’Amérique. Dans le secret, redevable à jamais. Mais aussi dans une ingratitude éternelle. Un visage retransmis sur un écran géant, avant de se soustraire à la vue de Chloé, sa plus fidèle alliée, sa complice de toujours. Un visage blessé, traqué, mais sauvé de justesse d’une dark side qui, dans cette dernière saison, explorée comme jamais, lui aura fait porter un tétanisant masque noir. Après avoir revêtu une armure invincible et terrifiante, Jack Bauer ne finira pas dans la peau d’un terroriste. In respect memory : la saison 8 riche en émotions fortes, et d’une intensité égale à la 5, met ainsi fin aux aventures télévisuelles et hi-tech d’un super-héros d’aujourd’hui. En le condamnant à une cavale perpetuelle. En lui rendant un hommage respectueux et poignant. Au spectateur de verser, comme Chloé, sa petite larme. Sans dire adieu au personnage.
Coupe la transmission…
Jack Bauer, to be continued…
Coupe la transmission…
Jack Bauer, to be continued…
A la recherche de Jack
Tiens, çà c’est pour la douleur…
Jack Bauer.
24
A raconter des dilemnes et des résistances, 24 culmine lors de ses abandons et lors de ses délivrances. A questionner l’opportunité du sacrifice et de la torture (pour empecher l’explosion imminente d’une bombe nucléaire, la diffusion d’un gaz neuro-toxique ou bien encore d’un virus mortel), 24 se veut spectacle tachycardique qui donne à l’urgence et à l’importance du danger le pouvoir exceptionnel de déroger à la rythmie de moins en moins sûre en vigueur dans nos démocraties. Autrement dit, 24 ne sied pas à ceux qui, vivant dans leur nid paisible et douillet, ont le temps de réflechir au moindre battement de leur coeur (dans le cas des terroristes de 24 ou de leurs complices, tout à fait injustifié). Sans évacuer le danger de voir l’arythmie ériger en norme de vie (jusqu’où une démocratie peut aller sans se renier, jusqu’où veut-elle aller pour pouvoir se défendre contre la terreur et la barbarie, contre des individus qui entendent la détruire ?), la série nous dit avec force que les droits de l’homme sont parfois l’ennemi de la rationalité et de l’intérêt commun (qui veut notamment qu’il vaut mieux sacrifier quelques vies que des milliers ou des millions d’autres), opposant constamment l’intelligence quasiment sans faille de Jack Bauer à la lâcheté toujours plus grande de ses supérieurs ou de ses juges. A jouer un spectacle bigger than life, 24 n’en est pas moins une série engagée et anticipatrice. La saison 2 n’octroie pas seulement la présidence des Etats-Unis à un afro-américain, elle désigne aussi les instigateurs et profiteurs d’une guerre à venir, la guerre d’Irak : les marchands d’armes et les pétroliers. Il est bon de rappeler que les barbus et autres fanatiques adeptes du retour au Moyen-Âge (voire à l’âge de pierre) ont dans cette série quasiment toujours le concours de hauts responsables gouvernementaux (dans le but de les instrumentaliser) et/ou de multinationales opaques (dans le but de servir leur but mercantile et leur soif de pouvoir). Enfin, à mettre en scène avec brio des attentats terroristes et des complots, 24 réussit aussi dans l’intime : le discours de Jack à Nina sur ce qu’elle a enlevé au monde, les remerciements du Président David Palmer à son ami Jack, ou encore Bauer en rage contre le ministre Heller à la fin de la saison 6.
Taizhen
Quelles sont les beautés du cinéma et des séries télé ? Danser et flirter avec les étoiles, avec les ghaziyas et les apsaras, avec des princesses d’Inde et d’Egypte. Filmer les absents. Filtrer la vérité et la beauté du monde. Maquiller la vie d’un rimelle de mélancolie, l’habiller d’un voile d’extase antique. S’inventer des milliers de souvenirs. Se réinventer tous les jours. Vivre des milliers de fantasmes. Se réincarner à volonté, sans faire abstraction de ses précédentes expériences.
Quelles en sont les beautés secrètes ?
Chez Wong Kar-wai, révéler le langage secret de la bouche de Zhang Ziyi, dire des femmes sublimes qu’elles finissent en fumerolles de cigarettes, qui deviennent autant de nuages flottants, dire qu’une larme de Zhang a la grâce cristalline d’une note de piano de Philip Glass, dire aussi qu’une Zhang, visage de fleur et teint de neige, a tout d’une Taizhen (Très pure essence).
Chez Gus Van Sant, d’Elephant à Gerry, murmurer le secret du cosmos, qui crée autant de mirages et de vertiges.
Chez Satyajit Ray, dévoiler le langage secret du lotus et de la rosée, ou des jeunes filles qui dansent sous la pluie.
Chez Mamoru Oshii, comme chez Ronald D. Moore, dire que les poupées pleurent aussi, montrer qu’en chaque plume ou chaque flocon de neige versé on peut voir un ange tomber ou sanctifier, qu’en nombre d’hélicos ou vipers s’élever on peut admirer un ange s’envoler, qu’en nombre de balles déversées on peut voir une larme absoudre, dévoiler le langage secret des mouettes ou des colombes, dire enfin qu’Oshii se prononce aussi Tsugé.
Chez John Ford, pleurer des déserts perdus et filmer des cavaliers qui pleurent des absentes.
Chez Akira Kurosawa, où en chaque flèche tiré on peut voir une âme terrassée, montrer également des âmes chanceller.
Chez Michael Mann, filmer en haute définition des fantômes apaches hantant les nouveaux déserts d’Amérique.
Chez Mikio Naruse, dire que d’une larme d’Hideko affleure la promesse d’un sourire. Et inversement.
Chez Kijû Yoshida, dans La source thermale d’Akitsu, montrer une nuque blanche pour pleurer un ange mortifié, dire que de son sang versé la Voie lactée bien qu’attristée en soit constellée.
Chez Kenji Mizoguchi, dire qu’un lac gelé ne gèlera jamais une âme échappée, dire aussi que d’un palais endormi, l’écho de deux rires libérés verra à l’aube chanter l’oiseau Nue.
Chez Stanley Kubrick, donner une vision implacable et exaltante de l’Univers, de l’Homme et des aléas de son Evolution, autrement dit ne pas prendre les certitudes scientifiques et prétentieuses de l’homme pour des réalités universelles, dire merde à la stupide théorie de Fermi, dire merde à Einstein aussi.
Chez Andreï Tarkovski, c’est la mer allée avec l’âme, où il est dit aussi que chaque flocon de neige est une larme d’ange, connaître le secret de la cloche et du cuivre qui sonne, connaître le langage des algues et des ruisseaux, de la pluie et du vent.
Chez Jean-Pierre Melville, c’est l’océan allé avec l’âme des résistants et des samouraïs, où il est dit qu’une larme travestie appartient à celui qui la met en scène.
Chez Quentin Tarantino, dire de la pellicule et d’un écran de cinéma qu’ils sont tout puissants.
Chez George A. Romero, où il est dit qu’un mort peut avoir du vague à l’âme.
Chez Dario Argento, donner un sens opératique, esthétique, érotique, lunatique, baudelairien à la peur, dire que son vertige est aussi son exaltation.
Chez John Carpenter, dire merde à notre perception naïve de la réalité du monde en créant d’innombrables et insaisissables créatures quantiques, accorder foi à la théorie du Multivers, donner un sens infiniment plus profond aux miroirs, dire qu’un miroir est aussi un vortex.
Chez Peter Jackson, traduire Victor Hugo au cinéma, dire qu’un regard de Kong peut être aussi bien une brise qu’un ouragan.
Chez Tsui Hark, dire merde à Einstein et à sa loi de la relativité, vouloir franchir le mur soi-disant infranchissable de la vitesse de la lumière ; dire merde à Newton et à sa loi de la gravité, s’affranchir du diktat de la pesanteur.
Chez Shunji Iwai et dans Love Letter, dire que la neige réveille les tendres souvenirs de l’enfance et n’efface pas les douleurs de l’adulte.
Chez Ridley Scott et dans Blade Runner, dire que les jouets orphelins de J.F Sebastian attendent tous les jours son retour, dire qu’une langue d’androïde flamboyante est précieuse, dire que seuls les androïdes peuvent encore pleurer, montrer aussi que d’une larme de Nexus on peut voir une âme couler sans se renier.
A suivre…
Inglourious Basterds
Vous, je sais pas, mais moi, je suis pas descendu de ma montagne, je me suis pas tapé 5000 kms d’océan et la moitié de la Sicile, j’ai pas sauté d’un avion pour donner aux nazis une leçon d’humanité.
Aimer le dernier Tarantino se nourrit du sentiment indéfectible que son cinéma n’est pas “du cinéma”. D’une foi infaillible qu’il n’est pas feint, ni vain. Qu’il a une volonté et une conscience propre. Celle de (se) faire jouir, et de donner un cachet de plus en plus exutoire à ses histoires. Jusqu’à vouloir, avec Inglourious Basterds, venger un génocide en jouant à l’apache, et en donnant à la pellicule de cinéma le pouvoir d’exercer ladite vengeance. Jusqu’à échafauder la chute fantasmée d’un régime de folie, en l’occurence la chute du IIIème reich dans un cinoche, non ce qu’elle fut donc, mais ce qu’elle aurait du être : le résultat d’une vengeance identitaire, personnelle, intime. Jusqu’à parvenir à filmer la douleur, l’enfer et l’abîme. Que toutes les citations de Tarantino ne lui servent ni à trahir ni à s’approprier le bien d’autrui pour berlurer les cinéphages en herbe. Car Inglourious Basterds est aussi un flagrant et violent démenti à tous ceux qui voient en Tarantino un faussaire, un usurpateur, un abuseur, un compilateur. Car voyez-vous, la volonté dont il est question dans Inglourious Basterds s’appelle de la rage. Et la rage n’est jamais calculée. Que ceux ayant qualifié Tarantino de crétin et clamé la mort du cinéma avec les années 60 devraient ravaler leurs paroles en tremblant devant la cavale désespérée de Shosanna, devant sa chute, ou durant sa vengeance d’outre-tombe. Que le dialogue au début du métrage entre le colonel SS (génial Christoph Waltz) et le fermier français n’a pas vocation à asséner au spectateur le goût de Tarantino pour le lait ou à nous livrer sa fable du rat et de l’écureuil, mais bel et bien à nous offrir un monument à la gloire du cinéma, un moment de tension indélébile. Que les larmes de Perrier Lapadite ne sont pas de crocodile, mais bel et bien celles d’un homme déchiré qui doit sacrifier une famille pour sauver la sienne, que la mise en scène de la fuite de Shosanna n’est pas seulement un hommage à Sergio Leone et à John Ford, mais figure, avec une intensité inouie, toutes les évasions à la barbarie, nazie ou autre. Qu’à l’inverse la confrontation en italien entre le colonel SS et Aldo l’apache est à mourir de rire. Qu’embraser un cinéma, autrement dit un lieu sacré pour Tarantino et nous autres, ne sert pas seulement à l’histoire, à retourner l’horreur et le feu à l’envoyeur, à exercer une vengeance posthume (la plus sensationnelle jamais filmée), à dépolluer un lieu souillé, à mettre en scène une déclaration d’amour fou d’un artiste envers son art, mais réifie aussi un affranchissement total, celui d’un cinéaste qui revendique la toute puissance du cinéma et clame haut et fort que son cinéma ne doit son ampleur dantesque qu’à lui-même. Oui, Quentin, il s’agit bien là de ton chef d’oeuvre.
Oui, Shosanna.
Welcome to Hell and burn. Have a fucking bad trip, mother fuckers…
Je suis Shosanna.
A la recherche de Rose et Jack
A l’heure du triomphe tant artistique que commercial d’Avatar, rappeler que le temps ne saurait altérer le chef d’oeuvre de James Cameron, l’un des plus beaux joyaux et l’un des plus beaux vertiges qui soient, j’ai nommé Titanic. A l’heure où Avatar détrône Titanic au box office mondial, rappeler que Cameron, en filmant le naufrage d’un fleuron de la civilisation (pour ruiner sa prétention à maîtriser Mère Nature, pour ruiner celle des nantis à toujours gagner), a filmé aussi l’une des plus belles histoires d’amour, les plus beaux vestiges et les plus beaux poèmes, les rayons et les ombres de Victor Hugo, l’Ophélie de Rimbaud et la mort des amants de Baudelaire. A l’heure où Avatar entend venger tous les peuples naturalistes génocidés, Titanic, en filmant notamment le plus beau crachat au visage et la plus éloquente galerie de photos de femme libre, s’évertuait à venger toutes les héroïnes sacrifiées et crucifiées de Mizoguchi. A l’heure où Avatar donne à voir de fantastiques chimères, Titanic offrait au spectateur l’une des plus palpitantes poitrines que des yeux de cinéphages aient contemplées et une sublime voûte étoilée dédiée à accueillir des centaines d’âmes gelées, avant de lui offrir les plus émouvantes retrouvailles et les plus belles noces post-mortem. A l’heure où Avatar donne à son héros la faveur de voir, Titanic offrait au spectateur l’immense privilège d’écouter le coeur d’une femme et son océan de secrets : l’océan de Rose Dawson. Et de voir son précieux couler dans l’océan pour rejoindre le jeune homme qui l’avait sauvé : Jack Dawson. A raconter une tentative de génocide ou une catastrophe, Cameron ne cesse en réalité de filmer des rayons fabuleux, des rayons nommés Jake et Neytiri ou Jack et Rose.
King Jackson
Le cinéma de Peter Jackson emprunte beaucoup à la poésie de Victor Hugo, fusse t-elle dessinée : il embrasse aussi bien le rêve des anges et des petits que la légende des rois, la caresse d’un regard et d’une brise que le fracas des épées et le vent de l’épopée, l’éclosion et le baiser d’une fleur que l’éruption et l’explosion d’un volcan. Ses élans, ses châtiments, ne gâtent jamais ses arrêts, ses contemplations. Son cinéma, comme la poésie d’Hugo, est ordonné par les rayons et les ombres, fait sienne l’idée que la beauté est à la fois ardente et mélancolique, l’idée aussi qu’un palais n’est rien sans sa rose et la femme à qui elle est dédiée, l’idée que cette rose vouée à lui rendre hommage, et inversement, peut, en se fanant ou par son épine, l’en affecter. On peut le voir, Jackson, en réalisant la monumentale trilogie du Seigneur des anneaux, n’a pas seulement adapté Tolkien, il a traduit Hugo dans un genre, l’héroïc fantasy, et dans un langage, le cinématographe, qui, si le poète était né 100 ans plus tard, auraient peut-être et sans doute eu également ses faveurs. Dans Le Seigneur des anneaux, Jackson a filmé dans les yeux d’un enfant pas encore conçu la tristesse de voir sa mère ne pas prendre le chemin de son père, serti des cités fabuleuses ou des vestiges ô combien poétiques dans des montagnes, des vallées ou des forêts fantasmagoriques, pétrifié des anges ou des démons pour veiller sur des âmes blanches ou noires, levé des colosses gardiens de peuples, des tours monstrueuses aussi lugubres que la Tour des choses, levé des légions de créatures effrayantes pour en suspendre les horreurs en filmant le vol d’un papillon, suspendu le temps et offert le paradis en filmant le bonheur d’un pays de cocagne nommé Comté.
Son seigneur des anneaux vise bien souvent au même dessein supérieur que La légende des siècles : réinventer le monde pour défendre sa beauté, sa grâce et sa musique, contre ses misères et ses corruptions, contre les outrages qui lui sont infligés, contre l’industrie et le bruit de ses forges – déshumanisées mais néanmoins fascinantes. Où il est dit que la déforestation est un génocide, que la force naturelle (l’eau pour l’Isengard, le feu pour le Mordor et l’anneau) est seule capable de laver les péchés des pères. Où il est dit aussi que les petites gens doivent avoir l’hommage des grands.
Bronson
Un acteur de légende, c’est forcément une gueule. Celle de Bronson est exemplaire. Taillée à la dure, burinée par le charbon. D’origine lituanienne, cette gueule-là était destinée à habiter les territoires désertiques Navajos. A faire partie des paysages de l’Ouest américain. A les marquer de son empreinte. Cette gueule-là était destinée à jouer de l’harmonica pour mieux annoncer une vengeance. A donner la réplique aux monstres en tous genres. Elle était vouée à faire un carton sur un ascenseur et à flinguer la femme de sa vie. Cette gueule-là était destinée aux obsessions de Leone et Sollima. Cette gueule-là se méritait.
Le Grand McLintock
Ancien assistant de Ford, fils du Sergent Quincannon de La charge héroïque, Andrew V. McLaglen aimait John Wayne, et comme il aimait aussi les Indiens, il a réconcilié le Duke avec les Comanches dans Le Grand McLintock. Il aimait tellement John Wayne qu’il l’a également réconcilié avec la société, en l’entourant d’une famille hétéroclite et multi-ethnique. Il lui a donné une fille, Stéphanie Powers, un fils, le sien, une femme au bord de la crise de nerfs, Maureen O’Hara, l’occasion lors d’une scène de ménage de détruire en sa compagnie la moitié d’une ville, l’occasion inestimable de la fesser en public et l’occasion de se rabibocher avec elle pour vivre une longue vie pleine de douceurs et d’ivresse. Il aimait tellement John Wayne que, mine de rien, il lui a offert des rôles en or, parmi les plus sympathiques de sa carrière.
Nul doute que John Ford et John Wayne aimaient les westerns d’Andrew V. McLaglen.
Nul doute que John Ford et John Wayne aimaient les westerns d’Andrew V. McLaglen.
Rancho Bravo
Non content d’aimer filmer John Wayne, Andrew V. McLaglen aimait aussi filmer James Stewart, de sorte qu’il lui a offert, dans Rancho Bravo, avant Bandolero, l’un de ses rôles les plus touchants, à savoir celui d’un cowboy vieillissant et entêté à la recherche d’un taureau anglais perdu dans les landes texanes enneigées vouées à l’élevage de bêtes à cornes. Tout çà pour mettre le grand échalas dans les bras de Maureen O’Hara, et donc pas seulement pour la bouille et les prunelles attachantes dudit taureau. McLaglen aimait aussi filmer l’Irlande, donc les rouquins bourrus, ici Brian Keith, et les cornemuses, n’hésitant pas à faire appel au “ "God save the queen” " pour commander au taureau en question, tout en entourant ces personnages wasp de non wasp, des indiens pour John Wayne, des mexicains pour James Stewart et Brian Keith. Ce cinéaste si généreux aimait filmer des familles formidables, toujours métissées. A l’image d’un petit veau rouquin et moelleux, fruit de l’union entre une vache à cornes texane à poils durs et d’un taureau britannique à poils soyeux.
Bandolero
James Stewart, en 1968, n’est plus tout jeune. Quand il pleure Dean Martin à la fin de Bandolero, son visage a beau être bouffi par le poids des années passées à manger la poussière pour le compte d’Anthony Mann ou de John Ford, ses larmes sont faites du minerai le plus précieux, du sel le plus authentique, le plus pudique. A quoi il pense James quand il joue cette scène ? Qu’il pleure dans un western pour la dernière fois ? A quoi il pense quand il s’écroule une fois les larmes versées ? Qu’il ne fera peut-être plus jamais semblant de s’écrouler dans la poussière près d’une cantina ? Qu’il n’avait pas l’habitude de mourir dans ses westerns de jeunesse et que c’est parfois beau de mourir dans un western ? Surtout à son âge.
Dean aussi est touchant dans ce western, à abandonner son assurance habituelle de crooner playboy, à afficher une fragilité moins alcoolisée que celle de Rio Bravo, à ne pas croire, jusqu’au dernier moment, à la fortune qu’il a toujours rêvé secrètement d’embrasser : l’amour sincère d’une femme.
Qu’il est touchant ce final en forme d’épitaphe. Deux frères qui finissent côte à côte, six pieds sous la terre d’un village mexicain abandonné à la poussière du temps muet. Le cadet qui, après avoir accepté d’y croiser cheyennes, sioux, apaches, iroquois et autres tribus indiennes potentiellement hostiles, venait de consentir au même rêve que l’aîné. C’est beau deux tombes voisines qui regardent dans la même direction : le lointain Montana, plus vraiment loin à vols d’âmes.
Django
De quel cimetière tu sors, toi ?
Du western pur jus américain moribond, serait-on tenté de répondre. Le héros anglo-saxon est vieillissant, vive le héros latin. A la question, Django répond en abattant illico presto celui qui la pose. Avant çà, Django fut écrit en lettres de sang dans un générique édifiant. Filmé de dos, le héros en question avait déjà perdu son cheval et traînait un cercueil comme on porte une croix. Corbucci n’y va pas de main morte. La vie de son héros est déjà derrière lui. Ce héros-là est un mort-vivant. Un déterré de la guerre de sécession, anéanti par l’assassinat de sa femme. Un nom devenu mythique célébré par une chanson à jamais gravée dans les mémoires.
Tombstone, revue et corrigée par Corbucci, Franco Nero et Luis Bacalov, n’est plus le théatre de duels épurés et incolores (indolores) entre un shérif, Wyatt Earp, et des hors-la-loi. La ville-cimetière, déserté par ses habitants (sauf un patron de saloon et ses quelques putains), empétrée dans la boue la plus collante (figurant l’âme perverse et sadique de ceux qui se la disputent), est désormais le lieu d’un duel impur et fétide. Un duel qui fait mal entre un bandido mexicain, un ex-major de l’armée sudiste qui, avec ses affreux en cagoule rouge (singeant ceux en cagoule blanche), veut génocider tous les non-wasp, et un pistolero nordiste brûlé par le soleil (sorti d’outre-tombe avec son cercueil) qui, pour venir à bout de ses nombreux ennemis, triche à ses duels en (ab)usant d’une mitrailleuse, préfigurant ainsi les gunfights rageurs de Peckinpah et de sa horde sauvage.
Au nom du père, du fils et du saint esprit…
Ainsi soit-il : la fusillade qui s’ensuit dure deux secondes chrono, et fait six morts. Le western à l’italienne trouve là l’une de ses plus fameuses signatures : une ordure qui cite une prière, un héros qui la conclut à sa manière. Une ordure comme dans la vraie vie, un héros bigger than life, ainsi va le western transalpin et Django en particulier.
Django qui, les mains en bouillie, signe sa vengeance sur la pierre tombale de sa femme.
Corri, Uomo, Corri...
Cours, homme, cours…
Le sens du titre original colle comme de la glue au héros du film, voleur à la petite semelle à la recherche d’un trésor plus gros que son ventre et que son cerveau. Un cerveau en manque de neurones et de repères moraux. Le trésor dont il est question est celui de Juarez : 3 millions de dollars cachés dans un village gringo, frontalier du Mexique. Le Mexique de Diaz le dictateur et de Santianna le général révolutionnaire.
L’homme, c’est Cuchillo, ainsi surnommé en raison de sa grande habileté au lancer de couteau, et habité par un poignant Tomas Milian.
Le film, réalisé par le militant Sergio Sollima (Le dernier face à face), raconte une cavale à l’envers. Le parcours initiatique d’un peon. Un parcours du combattant où les obstacles, nombreux et symboliques, lui serviront à acquérir cette conscience si chère au réalisateur. A ses trousses, deux mercenaires français à la solde du gouvernement américain, une horde sauvage de bandidos mexicains, un ancien shérif reconverti en chasseur de trésors après avoir perdu (momentanément) sa conscience sociale.
A ses basques également, une belle américaine de l’armée du salut qui voit le péché partout et voudrait bien faire de lui un digne soldat du seigneur. Sans compter la farouche fiancée d’ascendance guadeloupéenne qui le suit comme son ombre afin de s’assurer d’une petite part du butin pour fonder leur futur foyer.
Dénonciation partisane d’un capitalisme sans foi ni loi, Sollima l’apôtre de la justice sociale n’en oublie pas de nous offrir un spectacle débordant d’énergie, d’intensité, de drôlerie (Cuchillo qui, après avoir volé une montre, apprend que son propriétaire est un shérif, grand pistolero de surcroît), porté par un score épique et magnifique de Nicolai. Un spectacle coloré, à l’image de cet homme dont la fragilité morale et la faculté physique à surmonter toutes ses crucifixions ne cessent de poursuivre le spectateur à la fin de la projection.
Tout comme l’entraînante chanson du générique, interprétée par Milian : Espanto en el corazon… Et surtout son préambule à ficher des frissons :
Mes chers amis, je m’en vais loin faire cette guerre cruelle. Peut-être que le courage naîtra, qu’il se réveillera. Qui sait si l’espoir sera vain ou si la terreur se répandra. Mais soyez sûrs qu’il s’agit là d’une belle chanson, une belle chanson qui est ici dans mon coeur, dès à présent…
Le sens du titre original colle comme de la glue au héros du film, voleur à la petite semelle à la recherche d’un trésor plus gros que son ventre et que son cerveau. Un cerveau en manque de neurones et de repères moraux. Le trésor dont il est question est celui de Juarez : 3 millions de dollars cachés dans un village gringo, frontalier du Mexique. Le Mexique de Diaz le dictateur et de Santianna le général révolutionnaire.
L’homme, c’est Cuchillo, ainsi surnommé en raison de sa grande habileté au lancer de couteau, et habité par un poignant Tomas Milian.
Le film, réalisé par le militant Sergio Sollima (Le dernier face à face), raconte une cavale à l’envers. Le parcours initiatique d’un peon. Un parcours du combattant où les obstacles, nombreux et symboliques, lui serviront à acquérir cette conscience si chère au réalisateur. A ses trousses, deux mercenaires français à la solde du gouvernement américain, une horde sauvage de bandidos mexicains, un ancien shérif reconverti en chasseur de trésors après avoir perdu (momentanément) sa conscience sociale.
A ses basques également, une belle américaine de l’armée du salut qui voit le péché partout et voudrait bien faire de lui un digne soldat du seigneur. Sans compter la farouche fiancée d’ascendance guadeloupéenne qui le suit comme son ombre afin de s’assurer d’une petite part du butin pour fonder leur futur foyer.
Dénonciation partisane d’un capitalisme sans foi ni loi, Sollima l’apôtre de la justice sociale n’en oublie pas de nous offrir un spectacle débordant d’énergie, d’intensité, de drôlerie (Cuchillo qui, après avoir volé une montre, apprend que son propriétaire est un shérif, grand pistolero de surcroît), porté par un score épique et magnifique de Nicolai. Un spectacle coloré, à l’image de cet homme dont la fragilité morale et la faculté physique à surmonter toutes ses crucifixions ne cessent de poursuivre le spectateur à la fin de la projection.
Tout comme l’entraînante chanson du générique, interprétée par Milian : Espanto en el corazon… Et surtout son préambule à ficher des frissons :
Mes chers amis, je m’en vais loin faire cette guerre cruelle. Peut-être que le courage naîtra, qu’il se réveillera. Qui sait si l’espoir sera vain ou si la terreur se répandra. Mais soyez sûrs qu’il s’agit là d’une belle chanson, une belle chanson qui est ici dans mon coeur, dès à présent…
Companeros
Pour un dollar…
Vamos a matar companeros…
Fureur apache
Ne pas prendre Fureur apache pour ce qu’il n’est pas : un petit western relatant une colère passagère ou une colère tout court. Fureur apache est un western existentiel, qui ne reste pas à hauteur d’hommes. Fussent-ils Apaches. De ceux qui invoquent le ciel et les forces mystérieuses qui nous entourent et nous dirigent. Ne pas se méprendre non plus : le film ne raconte pas une cavale. Aldrich filme le dernier des apaches. A travers le raid d’Ulzana, il vise à le réconcilier avec sa nature et son environnement. Avec son goût immodéré pour le sang, avec sa violence extrême donc, mais aussi avec sa fantastique capacité de se fondre dans le paysage. Une nature violente et caméléon pour répondre à un environnement aride et hostile. Davantage qu’une chasse à l’apache, et qu’un raid sanguinaire, Aldrich nous plonge dans une quête. Une quête de force et de liberté. En quittant sa réserve, l’Apache Ulzana retrouve ses racines sauvages pour sentir une dernière fois l’odeur du feu et du sang, entendre une dernière fois l’aigle et le coyote, tutoyer une dernière fois les falaises de ses premières chasses. La plus grande réussite d’Aldrich fut de filmer avec respect son dernier baroud d’intégrité. Et le respect chez Aldrich va forcément de pair avec un souci de véracité, dans la quête d’Ulzana comme dans les horreurs qu’il commet. Depuis, on n’a jamais filmé Apache avec autant de silence et de vérité. Ecouter le coucou avant qu’Ulzana ne rejoigne le grand manitou pour s’en convaincre.
Ridley Scott, dix ans plus tard, remplaçait les Apaches par des Androïdes.
Ridley Scott, dix ans plus tard, remplaçait les Apaches par des Androïdes.
La femme hawksienne
Hawks, on le sait, était un amateur éclairé de belles carrosseries et de cylindrées d’exception. Des fuselages de rêve qui en avaient dans le capot, des cylindrées qui avaient du coffre. Du corps et de la voix, en somme. Autrement dit, Hawks l’aventurier aimait les jolies pépées qui avaient du chien et un esprit bien trempé. Qui avaient du répondant. Avec une capacité d’insolence, à la ville comme à l’écran. Expert en langage féminin, le réalisateur de Rio Bravo offrait à ses actrices des rôles en or, dès lors qu'elles parvenaient à tenir la dragée à ses acteurs fétiches, John Wayne, Bogart, et consorts.
Angie Dickinson fut l’une d’elles. Aux côtés des rutilantes Lauren Bacall, Rita Hayworth et Frances Farmer.
« Tout d’un coup, cette gamine est apparue, en jupe de gabardine et en tricot. Elle n’avait que dix-neuf ans. Et ma foi, elle parlait d’une voix aiguë et nasillarde. Mais elle était si ardente que je ne pouvais pas la renvoyer chez elle… Alors, elle a été si mauvaise que j’en ai ri aux larmes. Elle a gueulé : « d’accord, espèce de fils de pute ! »… Elle a appris sept accents différents… Elle pouvait jouer n’importe quoi. Et j’ai fini par décider : « je vais lui donner la vedette ». Tout le monde m’a répondu : « tu es dingue ». Mais çà a marché et elle est instantanément devenue une star » : Howard Hawks.
Rio Bravo
Un film de Howard Hawks, çà n’a pas de prix. Qui plus est, un western. A plus forte raison, Rio Bravo, la Rolls Royce du genre, avec en tête d’affiche sa figure emblématique : John Wayne. Mais un John Wayne sans son cheval. Un John Wayne piéton et urbain. Un John Wayne shérif qui en a ras le chapeau de supporter son borachon d’adjoint : Dean Martin. Martin, en alcoolo qui en a marre de fouiller dans les crachoirs (sa rédemption est l’un des moteurs de l’histoire). Un John Wayne secondé par l’idole des jeunes Ricky Nelson (qui joue aussi bien de la gâchette que de la guitare et de ses cordes vocales), et surtout par un très grand acteur, formidablement attachant, à l’image de son personnage : Walter Brennan alias Stumpy (hors d’usage en argo yankee). Walter en estropié édenté qui râle tout le temps : il veut convaincre qu’il peut encore servir, se prend pour une taupe et a peur que la lumière du jour l’éblouisse.
Surtout, un John Wayne amoureux d’une jeunette : Angie Dickinson. Angie en joueuse de poker professionnelle, qui cherche à se caser dans les bras confortables du Duke. Angie qui ne prendra jamais la diligence. D’où un John Wayne irritable et confus. Donc essentiel.
Filmé à hauteur d’hommes (donc du spectateur), Rio Bravo mise énormément sur ses personnages. Les cernant au plus près, Hawks s’attache à leur donner un cachet authentique, prégnant dans son cinéma, mettant l’accent sur leurs faiblesses (physiques et morales) tout en soulignant leurs qualités de coeur.
Western en vase clos, Rio Bravo rejette les grands espaces inhérents au genre pour maximiser la formation ou la résurgence des liens au sein du groupe, thématique chère au réalisateur. Confinés dans un hôtel, un saloon, une prison, les protagonistes sont poussés à une proximité (promiscuité) qui, ici et comme souvent chez Hawks, s’avère cathartique et salutaire. Et source de beaucoup d’humour. Le héros hawksien, ainsi que le spectateur, est peu distrait par le décor : l’intrigue, classique et secondaire dans Rio Bravo (un shérif loyal et courageux aux prises avec un propriétaire terrien décidé à faire sortir son frère de prison par tous les moyens), a pour mission de servir et nourrir l’histoire des personnages. Non l’inverse. Une fois libéré de son héroïsme et de ses démons (ici sur fond de deguello, la chanson du coupe-gorge qui file la chair de poule), le héros hawksien, contrairement au héros fordien qui s’évanouit dans le paysage et la légende, ne quitte pas la ville et reste en famille.
The Big Lebowski
L’histoire du Dude commence par un séjour dans la cuvette de ses toilettes, une méprise qui conduit aussi l’un de ses agresseurs à souiller son tapis fétiche. L’histoire s’arrêterait là si l’ami du Dude, un vétéran du Vietnam (qui ramène tout au Vietnam), l’incitait à ne pas en rester là. Eminemment cool, le Dude a en effet érigé en mode de vie la non violence extrême (le Dude est prêt à tendre les deux joues, voire plus si affinités) et la paresse suprême. Sa passion, son unique passe temps : le bowling, un sport ludique point trop fatiguant. Un modèle pour nous autres, un héros, mais le pire cauchemar des bellicistes en tous genres, à faire également frémir les adeptes du travailler toujours plus. Ainsi, le Dude pour payer le pressing décide de réclamer indemnité à son homonyme, qui l’envoie bouler, avant de solliciter son aide pour récuperer sa tendre épouse Bunny aux mains d’odieux kidnappeurs. Bunny qui est à l’origine des déboires du Dude. Bunny qui rendrait Monk fétichiste des pieds. Bunny qui propose de sucer les glands pour 1000 dollars, 100 si le secrétaire de son mari regarde. Dès lors, l’histoire se complique pour le Dude qui sera confronté à des pornographes, à une femelle en plein désir de procréation (le Dude n’est pas prêt à engendrer, et fuit autant que possible les coïts), à son homonyme pas content qu’on ait abimé le pied de son épouse, à des nazis de pacotille (pour les calmer, le Dude est prêt à leur donner 4 dollars) et surtout à Jésus (Quintana, pédophile repenti) dans une séquence mémorable où ce dernier va, en abattant les quilles à volonté, narguer le Dude sur fond d’Hotel California gypsy.
Au terme de l’histoire, le Dude, victime de vents contraires, se met en colère. Une colère toute passagère, le Dude ayant le pardon facile. L’histoire du Dude emprunte parfois à celle de Jésus, le vrai.
Personne ne se fout de la gueule de Jésus…
Au terme de l’histoire, le Dude, victime de vents contraires, se met en colère. Une colère toute passagère, le Dude ayant le pardon facile. L’histoire du Dude emprunte parfois à celle de Jésus, le vrai.
Personne ne se fout de la gueule de Jésus…
Désir
Réalisé par le prince du mélo Frank Borzage, supervisé par le roi de la comédie sophistiquée Ernst Lubitsch, Désir réunit deux grandes étoiles du cinéma, Marlène Dietrich et Gary Cooper, pour illuminer une histoire à la fois romantique et comique.
A bord d’un bolide, après avoir à Paris fait main basse sur un collier de perles très précieuses (“ "des larmes de sirènes” "), l’européenne et perfide Madeleine fonce vers l’Espagne et fait la connaissance (entendez l’éclabousser de boue à son passage, entendez lui faire mordre la poussière) de l’américain et faussement naïf Tom Bradley. Avant de lui confier le collier (entendez à son insu) pour passer la frontière en toute tranquillité puis de le soulager de sa Bronson 8 (en la lui dérobant, en la réduisant à l’état d’épave). En quête de rédemption, après avoir feint puis trouvé l’amour auprès de Tom, Madeleine devra renoncer à sa vie de faux semblants pour convoler avec son “ "petit” " ingénieur.
Résumé ainsi, il est aisé de percevoir les bénéfices de l’association entre les deux cinéastes, Borzage représentant la sensibilité mélodramatique américaine et Lubitsch la finesse et la mesure européenne, effaçant du coup les exagérations de la première et la préciosité calculée de la seconde. En conjuguant leurs styles et artifices (dialogues savoureux et ressort comique irrésistible, volupté des images et limpidité du montage), en mariant pour le meilleur la fragilité de Dietrich et la candeur de Cooper, en mettant en scène une histoire confrontant l’Europe à l’Amérique, Borzage et Lubitsch ne devaient sans doute pas s’attendre à livrer leur plus beau film. A l’image du climax du film, entraînant et langoureux, exquis et touchant, sucré et salé, un dîner confrontant Tom et Madeleine à “ "Oncle Carlos” " et la vieille fille, la Lubitsch’s touch est au service de l’histoire d’amour racontée par Borzage.
A bord d’un bolide, après avoir à Paris fait main basse sur un collier de perles très précieuses (“ "des larmes de sirènes” "), l’européenne et perfide Madeleine fonce vers l’Espagne et fait la connaissance (entendez l’éclabousser de boue à son passage, entendez lui faire mordre la poussière) de l’américain et faussement naïf Tom Bradley. Avant de lui confier le collier (entendez à son insu) pour passer la frontière en toute tranquillité puis de le soulager de sa Bronson 8 (en la lui dérobant, en la réduisant à l’état d’épave). En quête de rédemption, après avoir feint puis trouvé l’amour auprès de Tom, Madeleine devra renoncer à sa vie de faux semblants pour convoler avec son “ "petit” " ingénieur.
Résumé ainsi, il est aisé de percevoir les bénéfices de l’association entre les deux cinéastes, Borzage représentant la sensibilité mélodramatique américaine et Lubitsch la finesse et la mesure européenne, effaçant du coup les exagérations de la première et la préciosité calculée de la seconde. En conjuguant leurs styles et artifices (dialogues savoureux et ressort comique irrésistible, volupté des images et limpidité du montage), en mariant pour le meilleur la fragilité de Dietrich et la candeur de Cooper, en mettant en scène une histoire confrontant l’Europe à l’Amérique, Borzage et Lubitsch ne devaient sans doute pas s’attendre à livrer leur plus beau film. A l’image du climax du film, entraînant et langoureux, exquis et touchant, sucré et salé, un dîner confrontant Tom et Madeleine à “ "Oncle Carlos” " et la vieille fille, la Lubitsch’s touch est au service de l’histoire d’amour racontée par Borzage.
Triangle
Polar déjanté qui part dans tous les sens mais qui au final en trouve un beau, Triangle emprunte beaucoup à l’électricité.
Des électrons en folie, des électrons libres, à qui on assigne néanmoins un but : amener la lumière. Des électrons à l’image des trois réalisateurs qui, sans perdre leur identité, fournissent la débauche d’énergie nécessaire pour atteindre la magique communion. Des électrons à l’image des personnages, qui tournent en rond, se croisent, se perdent, se (re)trouvent, s’entrechoquent, se percutent, échangent, sans se mélanger, excités et piégés par un courant conducteur. Qui les ramène tous et toujours au même point, dixit l’un des protagonistes.
Sauf qu’à la fin, le trio d’amis cessera de courir après sa chimère, une antique tunique, pour conserver l’essentiel : la vie.
çà saute sans arrêt, sauf qu’à la fin, grâce au génie de Johnnie To, l’électron de valence du trio, la lumière surgit : pure, miraculeuse. Tout çà pour çà ? Non, car le segment du frère To est éblouissant.
Film sur les atomes et les photons, se débattant au sein du grand cosmos pour trouver leur petit bout de paradis, le métrage des frères Hark, Lam et To est précieux en ce que les électrons de l’histoire s’en affranchiraient presque, dudit cosmos et dudit métrage. Lors d’un final forcément atomique, plein d’intensité. Mais aussi plein de drôlerie.
L’électricité ressemble à un effort de la matière pour devenir esprit. On dirait que la matière, par l’électricité, essaie d’avoir une extase.
Ernest Hello.
Big Bang
Je suis désolé que nous ayons résolu cette affaire…
C.S.I Las Vegas raconte des histoires de trajectoires, de plus en plus tragiques, de plus en plus poignantes, de plus en plus cathartiques. Les résoudre est l’affaire des experts de Sin City. Neutre et sans état d’âme, la science ne supporte qu’une vérité. Et Grissom fut longtemps son apôtre le plus dévoué, même si certaines trajectoires font plus mal que d’autres. Au fil des épisodes, résoudre ces trajectoires se révèle pour Grissom de plus en plus difficile, de plus en plus douloureux. La dernière saison est son oraison. L’expert infaillible en a trop vu, et l’histoire de Park et Sung Bang achèvera ses certitudes. C.S.I raconte aussi une solitude.
Bang Bang, j’avais huit ans et déjà un sujet d’expérience j’étais devenu
Bang Bang, des ténèbres par un ange bienveillant je fus délivré un beau jour ensoleillé
Bang Bang, elles voulaient me rattraper et je les ai tué…
Bang Bang, my baby shot me down et je l’ai bien mérité…
C.S.I Las Vegas raconte des histoires de trajectoires, de plus en plus tragiques, de plus en plus poignantes, de plus en plus cathartiques. Les résoudre est l’affaire des experts de Sin City. Neutre et sans état d’âme, la science ne supporte qu’une vérité. Et Grissom fut longtemps son apôtre le plus dévoué, même si certaines trajectoires font plus mal que d’autres. Au fil des épisodes, résoudre ces trajectoires se révèle pour Grissom de plus en plus difficile, de plus en plus douloureux. La dernière saison est son oraison. L’expert infaillible en a trop vu, et l’histoire de Park et Sung Bang achèvera ses certitudes. C.S.I raconte aussi une solitude.
Bang Bang, j’avais huit ans et déjà un sujet d’expérience j’étais devenu
Bang Bang, des ténèbres par un ange bienveillant je fus délivré un beau jour ensoleillé
Bang Bang, elles voulaient me rattraper et je les ai tué…
Bang Bang, my baby shot me down et je l’ai bien mérité…
Soleil vert
"L’homme est de tous les animaux celui qui peut le moins vivre en troupeaux. Des hommes entassés comme des moutons périraient en très peu de temps. L’haleine de l’homme est mortelle à ses semblables": Jean-Jacques Rousseau.
Après avoir épuisé la faune et la flore de la planète, l’homme qui s’est parallèlement multiplié, encouragé par ses religions, ne se nourrit plus que de galettes, diffusées avec parcimonie, leur fabrication étant tributaire d’un approvisionnement aléatoire.
Dans le New York policier de 2022, où la seule échappée possible réside dans le suicide (un suicide organisé au cours duquel il est rappellé au candidat ce que l’homme a perdu), où l’on écrase les révoltes en engageant des camions bennes, le héros est contradictoirement l’un de ses flics (corrompu comme tous les autres) qui, lors d’une enquête sur l’assassinat d’un notable (il ne veut pas croire à une mort crapuleuse), se lie sexuellement puis sentimentalement avec le meuble dudit notable, avant d’apprendre l’horrible secret sur le dernier “soleil” à la mode (le fameux soleil vert) : l’homme en est réduit à consommer son semblable.
Soleil vert nous parle de la fin de l’humanité.
Après avoir épuisé la faune et la flore de la planète, l’homme qui s’est parallèlement multiplié, encouragé par ses religions, ne se nourrit plus que de galettes, diffusées avec parcimonie, leur fabrication étant tributaire d’un approvisionnement aléatoire.
Dans le New York policier de 2022, où la seule échappée possible réside dans le suicide (un suicide organisé au cours duquel il est rappellé au candidat ce que l’homme a perdu), où l’on écrase les révoltes en engageant des camions bennes, le héros est contradictoirement l’un de ses flics (corrompu comme tous les autres) qui, lors d’une enquête sur l’assassinat d’un notable (il ne veut pas croire à une mort crapuleuse), se lie sexuellement puis sentimentalement avec le meuble dudit notable, avant d’apprendre l’horrible secret sur le dernier “soleil” à la mode (le fameux soleil vert) : l’homme en est réduit à consommer son semblable.
Soleil vert nous parle de la fin de l’humanité.
Le survivant
Tiré du roman de Richard Matheson “ "Je suis une légende” ", le film avec Charlton Heston n’est pas seulement marqué par son époque : 1971, le Vietnam, Woodstock. Il trouve dans la nôtre une résonnance encore plus grande : la menace bactériologique et l’obscurantisme religieux sont plus que jamais d’actualité.
Dans un Los Angeles désert, saisissant de désolation et jonché de cadavres en décomposition, des albinos technophobes allergiques à la lumière et à ses bienfaits (en lieu et place des vampires new age du livre) cherchent à éliminer le dernier savant sur Terre. “Rendez-nous la nuit”, c’est le message de ces abbés d’un autre temps, prêcheurs d’une nouvelle inquisition. Quant au survivant du titre, il n’est plus le dernier de sa race, ni la légende du livre. Son sang, du pur écossais, garanti d’origine, seul porteur d’un vaccin expérimental inocculé in extremis avant le cataclysme ayant décimé la quasi-totalité de la population, va servir à purifier celui, déjà contaminé mais non déclaré, non “tertiaire”, d’une petite communauté d’enfants exilée aux abords de la Ville. Le vrai futur de l’humanité. L’alternative à la “ "famille” ", l’alternative aussi à ce qui fut. A la recherche d’un nouveau jardin d’Eden, débarrassé du serpent.
Au début, le survivant n’est plus que l’ombre du savant qu’il fut, filant dans la ville, fuyant la nuit, imaginant des sonneries de téléphone, canardant des ombres.
Est-ce vraiment là une manière de traverser la vie ? Viendra alors la femme, une jolie donzelle de souche africaine. Heston l’embrasse, Neville lui fait l’amour. Pas seulement parce qu’elle est la dernière femme et qu’il est le dernier homme sur Terre.
Kapo
Ils nous ont trompés Karl, ils nous ont eu tous les deux ! Karl, enlève-moi çà…
Seigneur,
Mon Dieu, toi qui brises les chaînes des esclaves…
Du final de Kapo, film qui retrace l’histoire d’une jeune déportée dans un camp de concentration nazi, le spectateur ne sort pas seulement bouleversé. C’est un sentiment de fin de toute chose qui l’étreint. Nicole la kapo sacrifie sa vie pour en sauver de nombreuses autres, à la demande de Sasha le soldat soviétique dont elle est tombée amoureuse. Dans les bras de Karl le SS mélancolique, elle réintègre son identité et redevient Edith la juive qui, à 14 ans, avait assisté au départ de ses parents pour la chambre à gaz. Edith demande à Karl de lui retirer le symbole de sa collaboration et récite une prière juive.
Kapo est le recit d’une survivance, d’une compromission, d’un suicide (comme moyen de ne pas perdre son humanité), d’un sacrifice, et finalement d’une apocalypse. Car Sasha, lui, n’a pas couru. Il est resté dans la fosse, parmi les cadavres. Il n’en sortira pas pour s’enfuir, mais pour crier sa douleur infinie. D’avoir perdu Edith. Il émerge du charnier pour s’engouffrer dans le néant. Figuré par cette bouche qui ne se referme plus, le trou noir formé par cette mort-là et cette douleur n’engloutit pas seulement les personnages (et le spectateur), il emporte beaucoup du monde qui va leur survivre. Un monde qui ne sera plus jamais le même sans Edith et sans Sasha. Sans tous les autres que des humains ont voulu “annuler” en niant leur humanité.
Après çà, l’homme ne pourra plus revendiquer avec autant d’aplomb l’Evolution. Rivette et Daney n’avaient rien compris. La fiction de Kapo n’est pas l’ennemie de la vérité, ni de la sincérité. Elle n’outrage pas ce que fut l’Holocauste : un cataclysme, un trou noir ressenti à l’échelle de l’univers. Et c’est là le grand mérite du film de Pontecorvo de nous le faire saisir aussi profondément et viscéralement.
Seigneur,
Mon Dieu, toi qui brises les chaînes des esclaves…
Du final de Kapo, film qui retrace l’histoire d’une jeune déportée dans un camp de concentration nazi, le spectateur ne sort pas seulement bouleversé. C’est un sentiment de fin de toute chose qui l’étreint. Nicole la kapo sacrifie sa vie pour en sauver de nombreuses autres, à la demande de Sasha le soldat soviétique dont elle est tombée amoureuse. Dans les bras de Karl le SS mélancolique, elle réintègre son identité et redevient Edith la juive qui, à 14 ans, avait assisté au départ de ses parents pour la chambre à gaz. Edith demande à Karl de lui retirer le symbole de sa collaboration et récite une prière juive.
Kapo est le recit d’une survivance, d’une compromission, d’un suicide (comme moyen de ne pas perdre son humanité), d’un sacrifice, et finalement d’une apocalypse. Car Sasha, lui, n’a pas couru. Il est resté dans la fosse, parmi les cadavres. Il n’en sortira pas pour s’enfuir, mais pour crier sa douleur infinie. D’avoir perdu Edith. Il émerge du charnier pour s’engouffrer dans le néant. Figuré par cette bouche qui ne se referme plus, le trou noir formé par cette mort-là et cette douleur n’engloutit pas seulement les personnages (et le spectateur), il emporte beaucoup du monde qui va leur survivre. Un monde qui ne sera plus jamais le même sans Edith et sans Sasha. Sans tous les autres que des humains ont voulu “annuler” en niant leur humanité.
Après çà, l’homme ne pourra plus revendiquer avec autant d’aplomb l’Evolution. Rivette et Daney n’avaient rien compris. La fiction de Kapo n’est pas l’ennemie de la vérité, ni de la sincérité. Elle n’outrage pas ce que fut l’Holocauste : un cataclysme, un trou noir ressenti à l’échelle de l’univers. Et c’est là le grand mérite du film de Pontecorvo de nous le faire saisir aussi profondément et viscéralement.
Lost in translation
Il la serre dans ses bras ; il lui dit qu’il va la rappeler, qu’ils vont se revoir. Il l’embrasse. Elle lui sourit et pleure aussi. Le désir du spectateur est ainsi satisfait. De voir ses personnages échoués au Japon (le plus dépaysant des pays) abandonner la virgule pour mettre un point à leur histoire, la réalisatrice d’une sensibilité à fleur de peau, à l’image de son héroïne Charlotte (Scarlett Johansson poignante de fragilité), n’avait cessé de souffler sur ce désir, de l’attiser discrètement. Point à la ligne, ou point final à une rencontre. La rencontre entre une solitude et une dépression dans un Tokyo nocturne joliment filmé et photographié. Chacun y verra midi à sa porte. L’important était de finir la phrase. Dans le cas de Lost in translation, il n’est pas excessif de parler de vers, tant le cinéma et le désir de cinéma de Sofia Coppola tendent à une volonté d’harmonie (formellement avouée quand Charlotte est invitée à placer une branche dans une composition florale), celle qui conduit justement à composer un joli bouquet, sans surcharge, avec sobriété, tout en disant beaucoup, tout en affichant une profondeur sincère. A embellir l’histoire sans outrance, sans (mélo)dramatiser. A lui adjoindre aussi un humour fin et irrésistible. A distiller l’émotion avec justesse et retenue. A provoquer une jolie empathie pour Bob et Charlotte.
Longue nuit
le singe rêve
aux moyens d’attraper la lune.
Shiki
Les tontons flingueurs
Quelques plans pour attester que la dynamique comique des Tontons flingueurs ne tient pas seulement au génie dialoguiste d’Audiard et à la formidable carrure des acteurs, mais doit également beaucoup à la mise en scène de Lautner. C’est connu, Lautner était moins bon sans Audiard et Audiard moins efficace sans Lautner. Ce duo magique du cinéma français marchait au contraste. Comme en témoigne ces images et les scènes qui s’y rapportent, chaque comportement, chaque mouvement, chaque action, chaque expression, possède son contraire. Bien souvent dans le même cadre.
A l’actionner agité, trouve souvent un observateur avisé. A la mobilité forcée d’un porte-flingue, trouve l’immobilisme sûr de lui, le flegme supérieur du teuton représentant en pastis. Au traumatisme de Raoul, le sourire et le gâteau de Paul. Une volonté affichée ne trouve trop souvent qu’un regard éteint ou une attitude détachée. De brefs et cinglants propos, une attitude légère, un magistral bourre-pif, viennent annuler ce qui précèdent, un discours enflammé sur l’honneur des hommes, une volonté de rester droit dans ses bottes.
Le cinéma de ce duo, à vrai dire et comme on le voit, doit beaucoup à Bip bip et Coyote. Bien entendu, Bernard Blier est Vil Coyote, Lino Ventura est Bip bip.
Ainsi naît le comique selon Saint Georges et selon Saint Michel.
L'auberge rouge
Chrétiens, venez tous écouter une complainte véritable, celle de trois monstres inhumains, leurs crimes sont épouvantables. Il y a de cela cent vingt ans, ils assassinaient les passants. A Peyrebeille, en Vivarais, dans le département d’Ardèche, sur une route isolée, ils établirent leur commerce, l’auberge est sur le grand chemin où ils égorgèrent les humains. Ces monstres avaient une fille et, bien qu’elle soit si gentille, elle n’avait pas d’amant. Connait-on beaucoup d’auberges où, du soir jusqu’au matin, une fille reste vierge comme la fille Martin ? On ne pourra jamais savoir le nombre de victimes, on les porte à cent trente trois mais il y en a peut-être mille. Fremissez tout noisillon des crimes de cette maison. On avait dans la montagne pour Martin et sa compagne de la considération. En les sachant à leur aide, on croyait à leur vertu, car souvent, ne vous en déplaise, l’estime suit les écus. Joueur d’orgues de barbarie, ce pauvre diable un soir de neige avec un singe travesti à l’auberge fut pris au piège.
Toute ressemblance avec des faits et des personnages ayant réellement existé ne serait ni fortuite ni involontaire. Bien-sûr, le film de Claude Autant-Lara n’a pas le caractère dramatique des évenements ayant, au milieu du 19ème siècle, réellement ensanglanté l’auberge ardéchoise de Peyrebeille. Le film interprété par Fernandel, Françoise Rosay et Julien Carette, trois acteurs formidables, secondé par un inoubliable Lud Germain (Fétiche), est un bijou d’humour noir. Filmé dans des décors magnifiques créés pour l’occasion, restituant à merveille la beauté onirique et fantasmagorique des lieux (“à gauche, c’est la forêt, donc les loups ; à droite, c’est le précipice”), L’auberge rouge raconte l’histoire d’une famille homicide, les Martin, qui, avec la complicité de leur domestique noir, le bien nommé Fétiche, tue ses clients (avec un marteau ou un couteau, c’est selon), anticipant d’une bonne centaine d’années la folie meurtrière de la famille dégénérée de Massacre à la tronçonneuse.
Un soir de neige donc, l’auberge sanglante reçoit la visite d’un joueur d’orgues de barbarie, aussitôt zigouillé et dévalisé. Les Martin viennent de commettre leur 102ème méfait. Ce crime abominable a néanmoins son témoin génant : le petit singe du malheureux, très adroit au lancer de boules de neige, qui va réussir à prendre la tangente. Pierre Martin le prédira fort justement : “ce singe-là, çà sera notre perte”. En usant du fusil, Pierre Martin guidera en effet deux visiteurs fort encombrants (“ah depuis que vous êtes là, je m’en fais du mauvais sang”) : un moine et son moinillon. C’est le début de la fin pour les Martin. Car le premier recevra confesse de Marie Martin (qui, contrairement à son époux, a encore de la religion) et le second, en renonçant à sa planche et à creuser sa tombe chaque matin, détournera la fille Martin de sa mission familiale : attirer le chaland. Et Mathilde, en cette nuit de grand froid, est revenue de la ville en compagnie de très bons clients, une vieille chouette prénommée Caroline (un joli nom de cloche), un anglais bon teint (qui visite les églises mais ne veut pas aider à les construire), un futur héritier et sa future, un français de la haute pur jus.
A toute cette riche clientèle (très bête au demeurant), Martin donnera son meilleur cochon (nourri aux hormones chrétiennes) et sa meilleure tisane (pour aider à dormir, en guise d’anesthésie). Tandis que le moinillon contera fleurette à la jolie Mathilde (qui ne veut pas qu’on lui fasse du mal), et après avoir clamé à Marie Martin que tout cela n’est pas bien grave, le bon moine, lors d’un exercice d’équilibriste anthologique, essaiera de faire fuir la clientèle de Pierre, sans pour autant trahir le secret de la confession.
La suite donne une morale à toute cette histoire : bien mal acquis ne profite jamais, morale qui sied tout aussi bien aux clients fortunés des Martin.
La suite donne une morale à toute cette histoire : bien mal acquis ne profite jamais, morale qui sied tout aussi bien aux clients fortunés des Martin.
L’auberge rouge appartient à la légende du cinéma français, lorsqu’il était fait d’or.
Les petits meurtres d'Agatha Christie
(Cette maison doit valoir une coquette somme)
Je ne l’ai pas tué ! COMPRIS ?
La so british Agatha Christie et son univers peuvent-ils s’accomoder de l’esprit et de la langue de Molière ? La vénérable romancière peut-elle se décliner sans recourir à ses deux piliers, ses deux plus fins limiers que sont le belge Hercule Poirot et l’anglaise Miss Marple ? A ces interrogations, la série Les petits meurtres d’Agatha Christie répond on ne peut plus brillamment que la campagne (le chnord en particulier) ou les côtes françaises sont un parfait terreau pour abriter les intrigues et mettre en scène les meurtres alambiqués de la reine du polar. Mais pas seulement. La série rend aussi un hommage appuyé aux plus grands poètes. A Hugo, à Verlaine, à Rimbaud... En les citant régulièrement via la bouche du Commissaire Larosière, poète en presque toutes circonstances. Voire parfois en mettant en scène leurs poèmes, du dormeur du Val à Ophélia. On le voit, Agatha Christie n’est pas la seule raison d’être de cette aventure télévisuelle. Qui, outre de terribles crimes, dit aussi de belles rimes. Qui renvoie de beaux regards de filles, et de beaux sourires de garçons. Qui, outre de belles et inquiétantes forêts fauves, montre aussi qu’un ciel noir de menaces a parfois aussi rendez-vous avec une lune de miel. Que les corbeaux y sont aussi d’Edgar Allan Poe, que nos étangs peuvent être également dédiés et dévolus à toute Ophélie qui s’y échouerait et reposerait (La plume empoisonnée). Q’une neige soudaine, outre de provoquer un beau moment suspendu, peut saluer une belle union (Am stram gram). Qui raconte des baisers volés ou fugitifs, de belles réconciliations (la fin de Petits meurtres en famille), de poignants ou drôlatiques attachements (Angélique et Emilie, Angélique et le petit cochon, dans La plume empoisonnée), ou encore une foi inaltérable (en une gueule cassée, celle de Denis Lavant dans Les meurtres ABC). Qui dit qu’un vol de voiture peut avoir tout d’un envol, tout en scellant une paternité et une filiation retardées (Le chat et les souris).
A ces interrogations donc, Les petits meurtres d’Agatha Christie affirme que Marius Colucci (le digne fils de son père) dans le rôle du gaffeur et très attachant Inspecteur Emile Lampion et Antoine Dulery dans celui du fringant Commissaire Jean Larosière, tous deux formidables, donnent une truculence bienvenue aux arabesques de la redoutable Agatha, que ses scénaristes et réalisateurs ont, malgré tout le respect et l’attachement que nous portons au Poirot de Suchet ou d’Ustinov, non seulement concocté la meilleure adaptation faite aux romans d’Agatha Christie, mais aussi écrit l’une des plus belles pages de l’histoire de la télé française. Si ce n’est la plus attachante. Aux côtés de son illustre et très poético-littéraire Rocambole. Pourquoi "petits" ?
Hein ma pépette. Bisou Maman.
Je ne l’ai pas tué ! COMPRIS ?
La so british Agatha Christie et son univers peuvent-ils s’accomoder de l’esprit et de la langue de Molière ? La vénérable romancière peut-elle se décliner sans recourir à ses deux piliers, ses deux plus fins limiers que sont le belge Hercule Poirot et l’anglaise Miss Marple ? A ces interrogations, la série Les petits meurtres d’Agatha Christie répond on ne peut plus brillamment que la campagne (le chnord en particulier) ou les côtes françaises sont un parfait terreau pour abriter les intrigues et mettre en scène les meurtres alambiqués de la reine du polar. Mais pas seulement. La série rend aussi un hommage appuyé aux plus grands poètes. A Hugo, à Verlaine, à Rimbaud... En les citant régulièrement via la bouche du Commissaire Larosière, poète en presque toutes circonstances. Voire parfois en mettant en scène leurs poèmes, du dormeur du Val à Ophélia. On le voit, Agatha Christie n’est pas la seule raison d’être de cette aventure télévisuelle. Qui, outre de terribles crimes, dit aussi de belles rimes. Qui renvoie de beaux regards de filles, et de beaux sourires de garçons. Qui, outre de belles et inquiétantes forêts fauves, montre aussi qu’un ciel noir de menaces a parfois aussi rendez-vous avec une lune de miel. Que les corbeaux y sont aussi d’Edgar Allan Poe, que nos étangs peuvent être également dédiés et dévolus à toute Ophélie qui s’y échouerait et reposerait (La plume empoisonnée). Q’une neige soudaine, outre de provoquer un beau moment suspendu, peut saluer une belle union (Am stram gram). Qui raconte des baisers volés ou fugitifs, de belles réconciliations (la fin de Petits meurtres en famille), de poignants ou drôlatiques attachements (Angélique et Emilie, Angélique et le petit cochon, dans La plume empoisonnée), ou encore une foi inaltérable (en une gueule cassée, celle de Denis Lavant dans Les meurtres ABC). Qui dit qu’un vol de voiture peut avoir tout d’un envol, tout en scellant une paternité et une filiation retardées (Le chat et les souris).
A ces interrogations donc, Les petits meurtres d’Agatha Christie affirme que Marius Colucci (le digne fils de son père) dans le rôle du gaffeur et très attachant Inspecteur Emile Lampion et Antoine Dulery dans celui du fringant Commissaire Jean Larosière, tous deux formidables, donnent une truculence bienvenue aux arabesques de la redoutable Agatha, que ses scénaristes et réalisateurs ont, malgré tout le respect et l’attachement que nous portons au Poirot de Suchet ou d’Ustinov, non seulement concocté la meilleure adaptation faite aux romans d’Agatha Christie, mais aussi écrit l’une des plus belles pages de l’histoire de la télé française. Si ce n’est la plus attachante. Aux côtés de son illustre et très poético-littéraire Rocambole. Pourquoi "petits" ?
Hein ma pépette. Bisou Maman.
Ne nous fâchons pas
Et une fois le choléra à l’abri, on prend contact avec le british, et on se farcit un gentleman agrement. Voilà. Quelque chose qui te gêne ?
(Et bien moi, j’aimerai mieux discuter armistice en position de force. Et sans aller jusqu’à le buter, on pourrait lui filer le tralzir au colonel, non ?)
Et bien, c’est pas en lui filant le tralzir comme tu dis que Gandhi a possédé les Anglais. Et bien, nous, on les possédera avec les mêmes armes : non violence, persuasion, grâce…
Intermède explosif.
(Alors qu’est-ce qu’on fait ? On continue dans la grâce ?)
On va aviser. Mais aviser dans le calme, à tête reposée, se méfier de nos nerfs…
69 minutes et 44 secondes plus tard :
Ben dis-donc, pendant que t’y es, rajoutes-moi 50 kilos de TNT et 2 ou 3 litres de nitro, des fois qu’on viendrait à manquer…
Allons, allons, ne nous fâchons pas…
Depuis qu’il est rangé des affaires bancaires et qu’il tient un commerce, Antoine Beretto (ne l’appelez plus Tonio) a décidé de ne plus se fâcher. L’oubli du pré-générique ne saurait entacher une retraite intérieure exemplaire. A vouloir aider deux représentants en souvenirs à échapper aux sanguinaires de l’anti-gang, Monsieur Antoine en vient à faire la connaissance de l’engeance absolue de l’espèce humaine, son fléau suprême, le belfeghor des hippodromes (tout le monde le rejette, personne ne l’aime) : le dénommé Léonard Michalon, frère ainé de Julien. Rien ne va plus dès lors pour le bel Antoine qui, à cause d’un mec dans un coffre, va s’attirer l’inimitié de la perfide albion.
Confronté à l’armée du Colonel (des minets en mob adeptes du flower power), Antoine Beretto, tout en jouant les Saint Bernard des cockers, va s’ériger en Gandhi de la côte d’azur, repoussant sans cesse l’échéance des hostilités. Au grand dam de Jeff pour qui la cueillette des champignons ne doit pas passer avant l’honneur des hommes.
C’est que le bel Antoine a trouvé l’élue de son coeur en la personne de la douce et tendre Eglantine, épouse légitime du choléra Léonard.
Léonard : Eglantine, tu sais à quoi je pense ?
Eglantine : Oui.
Une baffe dans la gueule de Léonard. Et lacher de vaisselle.
Re-baffe.
Léonard : Bon, ben, ny pensons plus.
Le bel Antoine ne tient pas non plus à engager une nouvelle guerre de cents ans (il n’en verrait pas le bout) : avant d’envisager de recourir à des mesures coercitives (entendez radicales et chirurgicales), il entend entamer des négociations. Négociations qui, après 1h19 de métrage, vont fort logiquement échouer, le jusqu’au-boutisme britannique ayant conduit successivement au dynamitage de son commerce, à celui du restaurant de Jeff, de sa belle et sportive R 8, à celui de la gentille fermette (façon ranch) d’Eglantine. Acculé sans cesse dans son dernier retranchement (la promiscuité d’une camionnette relativement humiliante), le bel Antoine finira par écouter les bons conseils de son ami Jeff. Tout en veillant à maîtriser ses nerfs, notablement au détriment de Léonard.
Jeff : Tu me permettras de te dire que j’admire ton calme.
Antoine : Pourquoi je serais pas calme ? On peut tout faire dans le calme.
De ces bonnes paroles, tout un chacun pourra en tirer une morale fort utile. L’autre morale de l’histoire est bien entendu que l’Anglais ne sera jamais maître sur la terre de France.
Tuco Benedicto Pacifico Juan-Maria Ramirez
Recherché dans 14 comtés de cet Etat, le condamné Tuco Benedicto Pacifico Juan-Maria Ramirez a été reconnu coupable de meurtre, attaque à main armée de citoyens, de banques et de postes, vol d’objets sacrés, incendie criminel, faux témoignage, bigamie, abandon du domicile conjugal, incitation à la prostitution, kidnapping, extorsion de fonds, vente et recel d’objets volés, émission de fausse monnaie, utilisation de cartes biseautées, meurtre, viol d’une vierge de race blanche, détournement d’une mineure de race noire.
Autrement dit, le truand du titre est un code pénal à lui tout seul et le héros de l’histoire chez Sergio Leone.
La dernière caravane
A bien des égards, Le dernier des mohicans fait écho à La dernière caravane. A plus d’un titre, le cinéma de Michael Mann répond à celui de Delmer Daves. Même lyrisme, mêmes échappées élégiaques, mêmes trouées dans l’âme humaine. Sans raconter la même histoire, La dernière caravane et Le dernier des mohicans parlent de la même chose, l’impossible cohabitation et l’incommunicabilité entre les races, mettent en scène le même personnage investi de deux cultures (Daniel Day Lewis et Richard Widmark).
Western somptueux réalisé par l’auteur de 3h10 pour Yuma, tourné en scope et en couleurs (parmi les plus belles vues sur un écran), La dernière caravane raconte la survie en territoire hostile (de magnifiques montagnes escarpées), celui des Apaches mescaleros, d’un blanc élevé par les Commanches recherché pour meurtres, d’un jeune garçon et de sa grande soeur (délicieuse et sensuelle Felicia Farr), de deux soeurs (l’une blanche, l’autre métisse), et de deux blancs becs. Des personnages qui ont droit à beaucoup d’attention de la part du réalisateur. A commencer par celui joué par Widmark, héros né de la tragédie : sa femme et ses enfants, Commanches, ont été massacrés par des blancs, d’où les meurtres commis pour les venger. Sans oublier l’autre héros de l’histoire, le père de la métisse, guide de la caravane mais aussi guide spirituel de la communauté, modèle d’intégrité, modèle à suivre.
Si le film laisse entrevoir la question de l’héritage (la métisse revendique le sang de sa mère, notablement à travers ses vêtements chatoyants), La dernière caravane n’est pas pour autant un western « pro-indien » mais le récit d’une aventure humaine dont l’épilogue est un intense plaidoyer, celui du personnage de Widmark comparaissant devant ses juges, et dont le pic émotionnel est un frère portant le corps sans vie de sa petite soeur tuée par les Apaches.
M
Du meurtre des deux fillettes dans M le maudit, Lang ne montre rien tout en montrant beaucoup plus : deux ballons vagabonds, deux ballons orphelins…
John Rambo
La botte est birmane, l’enfant qui va mourir est karen, une minorité ethnique en rebellion contre la junte militaire au pouvoir au Myanmar. Stallone a donc choisi pour ce Rambo-là une guerre actuelle. Loin d’être américaine. Loin d’être hollywoodienne. Loin d’être une revanche. Pas même une vengeance. On aurait pu s’attendre à ce que le véteran du Vietnam aille dénicher le grand barbu dans ses grottes moyenageuses d’un Pakistan tribal. Sly déjoua les pronostics en choisissant un terrain moins médiatique, en plongeant son héros au coeur d’une terreur qui n’intéresse pas grand monde. Dans son élement et son territoire : la jungle. La vraie, l’originelle, la préhistorique, la primitive. Où les cavernes sont à nouveau le seul refuge des hommes. Une jungle régressive qui plus que jamais colle à sa peau. Tendue comme jamais. Rambo n’est pas locace, Stallone si. Avec des images d’une radicalité totale et une mise en images sidérante. Rambo n’ira pas jusqu’à Rangoon, mais putain que çà fait du bien de le voir réacquérir son prénom en arrachant les gorges à main nue, en décapitant, en éventrant des humains qui donnent à manger aux porcs leurs rares prisonniers, qui jettent au feu des enfants et violent les survivants. De le voir retourner au monde en atomisant un pan de jungle infesté de ces ordures. De le voir réintégrer son identité en décimant toute une compagnie de petits hommes verts, déchiquetés à grandes rafales de mitrailleuse, faisant passer celles de La horde sauvage pour des tirs de 22 long rifle. De le voir sortir de son long cauchemar en rentrant finalement à la maison.
John Rambo, on le voit, n’est pas seulement un film d’action sauvage et monstrueux, le dernier né de Stallone est un grand film exutoire. Peckinpah est mort, vive Stallone. Mais davantage que l’auteur de La horde sauvage, Milius et son Conan le barbare, Mc Tiernan et son 13ème guerrier, sont la plus sûre filiation du film de Stallone. Ecouter le générique de fin pour s’en convaincre totalement. John Rambo, c’est le film du feu et du fer, du sang et des ténèbres.