Namasté
Que la divinité qui est en moi salue la divinité qui est en toi...
Ressentir corps et âme la douce ivresse, au point de s’oublier et d’oublier le monde, ainsi va le miracle de l’extase. Celui de Chaiyya Chaiyya. Et celui du cinéma indien.
Walk in the shadow, find the paradise...
Nous sommes faits de la même matière que les rêves (William Shakespeare).
Je ne demandais rien. Je restais debout à la lisière du bois derrière l’arbre.
Les yeux de l’aurore étaient encore couverts de langueur et la rosée était dans l’air.
La paresseuse senteur de l’herbe était suspendue dans le mince brouillard qui planait sur la terre.
Pour traire la vache avec vos mains tendres et fraîches comme du beurre, vous étiez sous le bananier.
Je restai immobile.
Je ne dis pas un mot ; seul l’oiseau chanta caché dans le buisson.
Les fleurs du manguier tombaient sur la route du village et une à une les abeilles venaient bourdonner autour d’elles.
Du côté de l’étang la grille du temple de Shiva était ouverte et l’adorateur avait commencé ses chants.
La jarre sur vos genoux, vous trayiez la vache.
Je restai debout avec ma cruche vide.
Je ne m’approchai pas de vous.
Le jour s’éveilla avec le son du gong dans le temple.
La poussière s’éleva de la route sous les sabots des bêtes du troupeau.
Les femmes revenaient de la rivière portant sur leurs hanches leurs cruches glougloutantes.
Vos bracelets tintaient et l’écume du lait débordait de votre jarre.
La matinée s’écoula, et je ne m’approchai pas de vous.
Rabindranâth Tagore, Le jardinier d’amour.
सुरक्षित यात्रा
Bon voyage.
La complainte du sentier
Des mains qui réchauffent un corps transi, des mains charnelles et nourricières, une main gauche chapardeuse, une main droite qui repose en paix.
Dans La complainte du sentier, l’immense réalisateur indien Satyajit Ray accorde aux mains des personnages une première importance. Jusqu’à leur faire incarner une âme en partance. Dans un geste éminemment poétique et poignant.
Paresseuse, pourquoi t’entêtes-tu à attendre la pluie ?
La journée s’achève. L’eau du saint étang s’assombrit. Le ciel a trop bu et gronde son ennui. Les araignées d’eau s’affolent à l’annonce de la grosse averse et les nuages noirs menacent également la quiétude de ton foyer.
Qu’attends-tu, jeune fille, pour rentrer à la maison ?
Paresseuse, pourquoi restes-tu là à danser sous la pluie ?
Paresseuse, pourquoi restes-tu là à jouer avec tes bracelets ?
Remplis ta cruche, il est temps pour toi de rentrer à la maison.
Paresseuse, pourquoi de tes mains agites-tu l’eau,
tandis que ton regard capricieux s’amuse à chercher
quelqu’un sur la route.
Remplis ta cruche et rentre à la maison.
La matinée s’achève. L’eau sombre s’épanche.
Les vagues paresseuses rient et chuchotent entre elles
en jouant.
Les nuages errants s’amoncellent à l’horizon sur les collines lointaines.
Ils s’attardent paresseusement à regarder ton visage
et s’amusent à lui sourire.
Remplis ta cruche et rentre à la maison.
Rabindranâth Tagore, Le jardinier d’amour.
Des trains et Apu
Le cinéma est né avec un train. Filmer des trains pour mieux filmer les hommes, c’est ainsi que Naruse, Ozu, Melville, dans un registre forcément différent, étaient passés maître dans l’art d’associer les deux. Naruse et Ozu, pour filmer des tourments et des solitudes au féminin. Melville, pour filmer des hommes en quête de liberté (Le cercle rouge, Le deuxième souffle). D’autres cinéastes, autant de mobiles. Leone, pour filmer avec mélancolie la conquète de l’Ouest. Spielberg, pour filmer l’horreur nazie. Renoir, pour évoquer des pulsions homicides à envergure encore humaine. Ratnam, et avant lui (en beaucoup plus frigide et donc avec beaucoup moins de talent), Hitchcock, pour filmer des ébats sexuels (Dil se, La mort aux trousses). Le plus grand de ces cinéastes ferroviaires, l’un des plus grands tout court, est Satyajit Ray, immense poète et immense humaniste (on ne le dira jamais assez), pour qui la vie d’Apu, le héros de sa trilogie, se conjugue au rythme des wagons et des locomotives. Un dragon en fer qui crache sa fumée noire au milieu d’une campagne et d’une végégation immaculée, à peine aperçu, fantasmagorique et mythologique, dans le premier opus La complainte du sentier pour évoquer l’enfance rêveuse et aventureuse de son héros. Un moyen de locomotion pour le conduire à la ville et à ses études, dans le second opus L’invaincu, pour évoquer son adolescence et son avidité de connaissances du monde moderne, qui le contraindra à quitter sa mère. Enfin, un moyen pour en finir dans le dernier opus Le monde d’Apu, pour mieux filmer la cruauté de l’âge adulte. Le génie du cinéaste indien nous vaut des scènes à chaque fois chargées d’émotion contenue et de pudeur à pleurer. Un train qui fait le bonheur et le malheur de la mère d’Apu, un train qu’Apu rate exprès pour faire plaisir à sa mère, un train qu’il prend trop tard pour pouvoir la revoir encore en vie, un train qu’il ne prend pas à temps pour assister à l’accouchement funeste de son épouse, un train qu’il préfère finalement frôler au lieu de s’y abandonner. Frôler la tête baissée, l’âme dévastée.
L'adversaire
Dire de L’adversaire qu’il raconte l’obsession première de son auteur : voir, entendre, sentir et goûter à nouveau son enfance perdue, pour retrouver sa pureté et son innocence, son âme farouche et rebelle.
Dire que le cinéma de Satyajit Ray est voué à retrouver l’odeur envoûtante du frangipanier au pied duquel il se réfugiait pour révasser et se prélasser, à réintégrer la lumière d’un paradis immaculé duquel il s’est exilé, à en réacquérir ses bruits et ses charmes, à percevoir de nouveau le chant d’un oiseau, qui, jamais, ne pourra chanter le même refrain enchanté dans une cage d’un marché de Calcutta (figurant du même coup le sort de l’homme qui ne peut reproduire le même refrain dans une ville où, encagé, il est soumis à la promiscuité de ses contemporains). Dire enfin que Satyajit Ray, précellent à filmer des jeunes filles en fleurs, l’est aussi à filmer de suprêmes échappées, et de sublimes haikus…
Dire que le cinéma de Satyajit Ray est voué à retrouver l’odeur envoûtante du frangipanier au pied duquel il se réfugiait pour révasser et se prélasser, à réintégrer la lumière d’un paradis immaculé duquel il s’est exilé, à en réacquérir ses bruits et ses charmes, à percevoir de nouveau le chant d’un oiseau, qui, jamais, ne pourra chanter le même refrain enchanté dans une cage d’un marché de Calcutta (figurant du même coup le sort de l’homme qui ne peut reproduire le même refrain dans une ville où, encagé, il est soumis à la promiscuité de ses contemporains). Dire enfin que Satyajit Ray, précellent à filmer des jeunes filles en fleurs, l’est aussi à filmer de suprêmes échappées, et de sublimes haikus…
Chaiyya Chaiyya
Expert dans le langage du coeur, le cinéma indien l’est tout autant dans celui du corps.
Dil se n’est pas seulement la traduction de son titre. Dans le langage bollywoodien, “du fond du coeur” veut bien souvent dire “du fond du corps”.
Chaiyya Chaiyya en est l’éclatante démonstration : çà parle d’amour, mais çà chante et çà danse sexe. Faire parler les voix et les corps avec une charge érogène à couper le souffle, leur faire dire autre chose que le sens de la chanson, telle est la voie du réalisateur Mani Ratnam et de sa chorégraphe Farah Khan, grâce à l’éblouissante interprétation des acteurs, Malaika Arora et Shah Rukh Khan, et à l’immense composition des chanteurs, Sapna Awasthi et Sukhwinder Singh.
Ici, les personnages se livrent à une chorégraphie du corps sans équivoque. Dans un cadre éminemment sexué : un train, des tunnels. Les paroles et la musique, obsédantes et lancinantes, dominées par les répétitions et les percussions, épousent le mouvement du train, évoquent l’acte sexuel et son entraînant train-train.
Au commencement, la sublime ghaziya (son fabuleux racolage tant vestimentaire que gestuel en souligne la parenté) s’éveille au milieu des hommes. S’étire lascivement, adresse une moue faussement boudeuse, en réalité des plus suggestives. Profonde et charnelle, du tréfond du corps, sa voix, très haut, s’élève : sans ambiguité est l’appel. La donzelle réclame du plaisir. Quand elle se lève, tous les hommes sont à genoux autour d’elle. Subjugués devant sa divine beauté. Au Shah, émerveillé, de sauter littéralement à ses pieds. Dégageant le pouvoir hypnotique d’une sirène, elle se déhanche, d’abord langoureusement, de plus en plus rapidement, de plus en plus franchement, agite son popotin, rentre le ventre, l’exulte, attire et repousse, accueille et expulse. Ainsi de suite, donnant le la du rapport amoureux. La chorégraphie de l’actrice emprunte ainsi beaucoup au coït, à ses va-et-vients, à ses diverses contorsions. Avec la volonté de faire tourner les têtes. Ici à prendre au pied de la lettre tant celle de Shah Rukh et des figurants sont en quasi-perpetuel mouvement circulaire.
Quant à la chorégraphie de l’acteur, tantôt fougueuse, tantôt idolâtre, elle est toute dédiée à répondre aux invites incessantes de sa partenaire.
A me faire également tourner la mienne de tête, au-delà de toute autre séquence de cinéma, Chaiyya Chaiyya est un monument de sensualité et d’érotisme.
Crois à l’amour, même s’il est une source de douleur.
Ne ferme pas ton coeur.
Non, mon ami, vos paroles sont obscures, je ne puis les comprendre.
Le coeur n’est fait que pour se donner avec une larme et une chanson,
mon aimée.
Non, mon ami, vos paroles ont obscures, je ne puis les comprendre.
La joie est frêle comme une goutte de rosée, en souriant elle meurt.
Mais le chagrin est fort et tenace. Laisse un douloureux amour s’éveiller dans tes yeux.
Non, mon ami, vos paroles sont obscures, je ne puis les comprendre.
Le lotus préfère s’épanouir au soleil et mourir, plutôt que de vivre en bouton
un éternel hiver.
Non, mon ami, vos paroles sont obscures, je ne puis les comprendre.
Rabindranâth Tagore, Le jardinier d’amour.
Toujours, tu te tiens solitaire par-delà les ondes de mes chants.
Les vagues de mes harmonies baignent tes pieds,
mais je ne sais comment les atteindre.
Et ce que je joue pour toi est une musique trop lointaine.
C’est la douleur de la séparation qui s’est faite mélodie : elle chante par ma flûte.
Et j’attends l’heure où ta barque traversera l’eau jusqu’à mon rivage,
et où tu prendras ma flûte dans tes mains.
Ecoute, mon coeur ; dans cette flûte chante
la musique du parfum des fleurs sauvages,
des feuilles étincelantes et de l’eau qui brille ;
la musique d’ombres sonores, d’un bruit d’ailes et d’abeilles.
La flûte a ravi son sourire des lèvres
de mon ami et le répand sur sa vie.
Rabindranâth Tagore, La corbeille de fruits.
Née pour être étoile
A Bollywood, les mannequins ne comptent pas seulement pour des choux à la crême. Deepika Padukone, 21 ans à peine, est la nouvelle étoile du cinéma indien. Elle est l’incarnation d’une beauté à la fois sublime et fragile. Une beauté qui, à l’invite de ses prunelles, vous fait miroiter le nirvana et le voyage inter-sidéral. Une beauté qui, à l’image de son sourire, n’a pas oublié la candeur de l’adolescence. Miss Padukone crève l’écran dans Om Shanti Om, son premier film. Aux côtés de Shah Rukh Khan et sous la direction de la grande chorégraphe Farah Khan (à qui on doit l’inestimable Chaiyya Chaiyya), elle interprète deux rôles, avec le brio des confirmées et la fraîcheur des débutantes : Shanti, une star de cinéma des années 60 assassinée par un très méchant producteur, et sa sosie maladroite recrutée par Om pour venger la première. Elle danse comme une apsara et fait des bulles avec son chewing gum comme personne.
Reflets d'étoile
Extase du regard, celui, extra-terrestre, d’Aishwarya, éternelle Paro de Devdas, invite au vertige des sens et au voyage astral…
La famille indienne
Le titre original, Kabhi Khushi Khabie Gham, donne le programme d’emblée : “que ce soit dans la joie ou les larmes”.
Tout va bien dans la famille indienne, jusqu’à ce que Rahul (Shah Rukh Khan), héritier désigné d’un empire financier et promis à la belle Naina (Rani Mukerji), tombe amoureux de la pétillante Anjali (Kajol), de condition modeste. Fidèle à la tradition des mariages arrangés au sein de la même classe sociale, le père adoptif de Rahul s’oppose à l’union ; l’union sera scellée sous la pluie, lors des funérailles du père d’Anjali.
Rahul s’exile en Angleterre pour y fonder une nouvelle famille, partagée entre l’exhubérance indienne (incarnée par Anjali) et la préciosité anglaise (incarnée par sa soeur Pooja), entre l’identité indienne et les faux-semblants occidentaux. Tandis qu’Anjali exprime haut et fort sa culture, au grand désespoir de ses voisins, porte toujours aussi fièrement ses couleurs et le sari, apprend l’amour de son pays à son fils (déjà à moitié anglais), Pooja (“Marcie”) a adopté tous les pires clichés du mode de vie occidental. L’interprétation fabuleuse de Kajol (qui vole la vedette à Shah Rukh) confère alors au film un ton comique irrésistible, à l’image de son personnage imitant l’accent britannique, ou se moquant en hindi d’une anglaise au snobisme bon teint.
Dans sa première partie en Inde, le film oppose le faste des nantis, déjà occidentalisé, gagné par la perte des traditions, et la sincérité folklorique du quartier pauvre où vit la famille d’Anjali. Chez les riches, on ne s’habille plus à l’indienne (sauf la mère), on inclut une tonalité occidentale dans les danses et les chansons, les hommes se complaisent avec des jeunes femmes légèrement vêtues. “Trop, c’est trop”, l’épouse reproche à son mari de se déhancher trop près d’une jeune danseuse occidentalisée. Le double sens est alors flagrant : la pudeur indienne (héritée de la colonisation britannique et de la pudibonderie victorienne !) interdit un tel rapprochement (qui plus est à l’égard d’une autre femme) et s’approcher trop près de l’occident nuit à l’intégrité indienne. Le père ne retient des traditions que ce qui l’arrange, celle des unions arrangées, pour conforter et maintenir la position sociale de sa famille.
Le message du réalisateur est ici décliné à travers le personnage de la mère, garante des traditions tout en ayant adopté un esprit moderne : la modernité des rapports humains (venue de l’occident) n’exclut pas la conservation des belles traditions, le respect des aînés ne doit pas aller contre celui des enfants, contre leurs sentiments.
Dans sa seconde partie en Angleterre, le film oppose les manifestations de l’identité indienne à la dictature de l’apparence qui règne dans les pays riches. La tenue et les bijoux portés par Anjali, outre leur beauté chatoyante et leur belle sonorité, veulent dire quelque chose. Pooja porte, elle, des vêtements de marque mais n’a plus d’identité.
Le happy end de Kabhi Khushi Khabie Gham a ici plus d’un sens : la famille est à nouveau réunie, le fils perdu a retrouvé ses parents, et son pays ; la famille, en tenue traditionnelle, a retrouvé son identité et son harmonie ; elle a aboli en son sein le système des castes ; elle s’est affranchie de l’omnipotence du père ; elle a adopté les bonnes choses de l’occident et écarté les mauvaises. Bien-sûr, on pourra voir en cette famille une métaphore à peine voilée de l’Inde rêvée par le réalisateur.
Le film de Karan Johar (Kuch Kuch Hota Hai), au-delà de ses atours de comédie musicale follement enjouée aux accents mélodramatiques, se veut aussi un grand film identitaire.
Dilwale Dulhania Le Jayenge
Les chants des rossignols, au printemps,
Evoquent les souvenirs des bons moments,
Il est encore temps de se prélasser
Sous les branches des grands figuiers,
Reviens, voyageur,
Ton pays te réclame avec ardeur…
Le charme du cinéma indien tient beaucoup en sa faculté d’abolir les frontières spatio-temporelles, de s’affranchir de la gravité terrestre, à sa relation unique et privilégiée avec l’univers. Dans le cas du film d’Aditya Chopra, il s’agit de traduire avec force éloquence et force poésie l’état d’âme de ses personnages.
Ainsi, la séquence d’ouverture témoigne de cette propension à faire usage de la téléportation comme moyen d’évasion. De se soustraire à l’exil. De retrouver une sérennité perdue. Chaudhry Baldev Singh, dans un square de Londres, donne à manger à des pigeons. Avant de fermer les yeux pour se projeter au Penjab, et nourrir des colombes qui comprennent son langage. Les champs et les jeunes filles en fleurs, leurs couleurs chatoyantes et leurs parfums enivrants, viennent remplacer les tristes et gris pavés londoniens, leurs chants mélodieux appellant au retour du voyageur succèdent au son cérémonieux des cloches anglicanes.
Aussi, Simran, fille de Chaudhry Baldev Singh, promise à une brute et recluse dans une maison qui ne veut pas son bonheur, fera le chemin inverse. Après avoir croisé une vache germaine, et entendu le joli son de sa cloche, Simran retrouve son prince charmant et charmeur. Avant de se projeter en Europe, sur ses terres bucoliques et romantiques.
Surtout, dans les yeux flamboyants de Simran et de Raj, outre le reflet de l’âme soeur, il est aisé de capter que nous pouvons être davantage que poussière, il est aisé de se convaincre que nous sommes, en réalité et comme toute chose, matière d’étoile.
Enfin, nulle autre poésie ne parvient à traduire aussi bien ce que peut procurer le cinéma indien :
Tes larmes qui ont coulé de mes yeux ont redonné le sourire à mes peines.
Kajol shatoyée
Reflets de Shah Rukh dans les yeux en or de Kajol…
Le Shah kajolé
A voir dans Kal Ho Naa Ho, juste avant sa crise cardiaque, Shah Rukh Khan (Aman) croiser le regard de Kajol (Kajol), habituellement son âme soeur au cinéma, mais pas dans ce film où elle n’apparaît que lors de cette très brève occasion, on peut mesurer combien ce couple vampirise la carrière de ces deux immenses acteurs, combien ce couple est plus entraînant et plus flamboyant que les plus légendaires des couples hollywoodiens, combien l’alchimie entre les deux étoiles est totale. Pour elles, nul besoin de baisers enflammés pour la faire ressentir, leurs sourires, leurs oeillades, leurs chants, leurs danses suffisant à traduire cette complicité unique.
A (vouloir) donner au spectateur, dans cette apparition magique, un immense plaisir et une immense émotion, à lui offrir ce merveilleux cadeau, on peut mesurer à quel point le cinéma de Bollywood est tout entier voué à ces objectifs et construit pour les atteindre, à quel point aussi ce cinéma-là hérite de cette croyance hindouïste qui veut que, lors de chaque réincarnation, les âmes soeurs sont destinées à se retrouver, à quel point ce cinéma veut nous le faire croire. Et si tout cela était vrai…
Des mendiantes à New York ?
(Ce ne sont pas des mendiantes, c’est notre grand-mère)
Oh, Dadi. Jennifer Lopez ! Les Spice Girls ! :
Aman à Vieille sorcière.
Tout chercheur de cinéma(s) se doit de voir New York Masala. D’abord pour mesurer le bonheur immense que peut procurer le cinéma de Bollywood, y compris quand il s’épanouit aux Etats Unis. Mais aussi pour mesurer la grandiose interpretation de Shah Rukh Khan, qui, dans le rôle d’Aman (un ange qui passe mais qui reste dans les coeurs et les esprits), donne là l’une de ses plus grandes partitions : comique, romantique et tragique.
Aman débarque donc à New York et fait la connaissance d’une jeune femme au sourire éteint, qui vit dans le souvenir d’un père bien-aimé, qui ne cherche plus son âme soeur. Aman va lui réapprendre à sourire, et en profitera pour bouleverser son petit monde, sa mère propriétaire d’un restaurant indien (qui n’a pas de succès parce qu’il a oublié qu’il était indien), sa grand-mère dite Vieille sorcière dite Jennifer Lopez dite Spice Girl (qui invoque les Dieux en malmenant les oreilles de ses voisins), la petite Gia (sa demi-soeur, souffre-douleur de Vieille sorcière), la douce Sweetu (qui cherche déséspérement son prince charmant), Rohit, son ami de toujours (amoureux d’elle en vérité). Après avoir conquis le coeur de Naina, parce que son coeur à lui n’en a plus pour longtemps, Aman va jouer les cupidon. Avant de revoir sa Kajol lors d’une danse effrénée. Avant de faire pleurer tout le monde, y compris le spectateur. Kal Ho Naa Ho…
(Ce ne sont pas des mendiantes, c’est notre grand-mère)
Oh, Dadi. Jennifer Lopez ! Les Spice Girls ! :
Aman à Vieille sorcière.
Tout chercheur de cinéma(s) se doit de voir New York Masala. D’abord pour mesurer le bonheur immense que peut procurer le cinéma de Bollywood, y compris quand il s’épanouit aux Etats Unis. Mais aussi pour mesurer la grandiose interpretation de Shah Rukh Khan, qui, dans le rôle d’Aman (un ange qui passe mais qui reste dans les coeurs et les esprits), donne là l’une de ses plus grandes partitions : comique, romantique et tragique.
Aman débarque donc à New York et fait la connaissance d’une jeune femme au sourire éteint, qui vit dans le souvenir d’un père bien-aimé, qui ne cherche plus son âme soeur. Aman va lui réapprendre à sourire, et en profitera pour bouleverser son petit monde, sa mère propriétaire d’un restaurant indien (qui n’a pas de succès parce qu’il a oublié qu’il était indien), sa grand-mère dite Vieille sorcière dite Jennifer Lopez dite Spice Girl (qui invoque les Dieux en malmenant les oreilles de ses voisins), la petite Gia (sa demi-soeur, souffre-douleur de Vieille sorcière), la douce Sweetu (qui cherche déséspérement son prince charmant), Rohit, son ami de toujours (amoureux d’elle en vérité). Après avoir conquis le coeur de Naina, parce que son coeur à lui n’en a plus pour longtemps, Aman va jouer les cupidon. Avant de revoir sa Kajol lors d’une danse effrénée. Avant de faire pleurer tout le monde, y compris le spectateur. Kal Ho Naa Ho…
Swades
Ingénieur en chef pour la Nasa, Mohan (Shah Rukh Khan), Indien naturalisé Américain, prend des vacances et Air India pour retrouver sa nourrice. En revenant sur et surtout à sa terre nourricière, Mohan va comprendre qu’il est plus proche des étoiles auprès de Gita, la belle maîtresse d’école (qui a adopté sa nourrice et ne veut pas la voir partir en Amérique), auprès de Mela, le cuistot adepte du rêve américain, auprès du postier (lutteur à ses heures perdues et qui a soif d’internet), auprès des enfants de Charanpur, qu’au sein de l’agence spatiale américaine et qu’au contact de ses satellites. Car Mohan va trouver en Inde non seulement son âme soeur mais aussi un but : aider Charanpur à sortir du moyen-âge, dans les têtes (l’influence persistante du système des castes) et dans les infrastructures (l’électricité aléatoire).
Dénonçant la parade favorite des Indiens qui évoque la tradition pour faire obstacle au progrès (“j’ai comme l’impression que vous commencez à aimer l’obscurité”), le réalisateur ajoute une vertu sociale au spectacle toujours aussi coloré et enchanteur. A l’image de Mohan qui, en compagnie des enfants de Charanpur, chante les étoiles devant une toile géante victime d’une coupure d’électricité.
Mon coeur, oiseau du désert, a trouvé son ciel dans tes yeux.
Ils sont le berceau du matin, ils sont le royaume des étoiles.
Leur abîme engloutit mes chants.
Dans ce ciel immense et solitaire laisse-moi planer.
Laisse-moi fendre ses nuages et déployer mes ailes dans son soleil.
Rabindranâth Tagore, Le jardinier d’amour.
Bombay
“Ne nous ramène pas une fille du Gujarat ou du Penjab !” : Shekar choisira donc une fille de son village. "Ils vont te trancher la main !" "J’en ai deux, çà ira" : Shekar n’est pas à une main près, il n’y a pas de lumière sans flamme, il n’y a pas de corps sans âme, et sa flamme à lui, son âme à lui, depuis qu’un coup de vent a dévoilé le mystère de son visage, s’appelle Shaïla Banu, la fille de Bachir le musulman, lui le fils de Narayanan l’hindou. Qu’importe le courroux des parents, qu’importe la discorde entre les deux familles, les deux tourtereaux vont s’exiler à Bombay, s’y marier et donner au monde deux jumeaux, deux espoirs : Kabir Narayanan et Kamal Bachir.
Si la première partie de Bombay est dédiée aux subterfuges amoureux de Shekar et Shaïla, la seconde partie est ancrée dans l’histoire de l’Inde. Une histoire récente, une histoire moderne, une histoire vieille comme les religions : 1992, des fondamentalistes hindous détruisent une mosquée de 400 ans, pour y célébrer le lieu de naissance très présumé de Rama. Des émeutes inter-religieuses plongent Bombay dans le chaos. Dénonçant avec beaucoup de force et de courage le fanatisme religieux, le réalisateur Mani Ratnam va plonger Shekar et Shaïla au coeur du volcan. Avec beaucoup d’à propos, il choisit ce moment pour réaccorder les deux familles.
Evidemment symbolique, la séparation de Kabir et Kamal lors des émeutes et leur difficulté à se retrouver donnent l’occasion au réalisateur tamoul de montrer l’étendue de ses talents pour faire surgir la lumière au coeur des ténèbres, la beauté au coeur de la laideur, l’amour au coeur de la haine. A l’image d’un regard et d’un sourire magnifique illuminant un visage portant les stigmates des incendies ayant ravagé la ville : le regard et le sourire de Kabir Narayanan retrouvant son frère Kamal Bachir.
Si la première partie de Bombay est dédiée aux subterfuges amoureux de Shekar et Shaïla, la seconde partie est ancrée dans l’histoire de l’Inde. Une histoire récente, une histoire moderne, une histoire vieille comme les religions : 1992, des fondamentalistes hindous détruisent une mosquée de 400 ans, pour y célébrer le lieu de naissance très présumé de Rama. Des émeutes inter-religieuses plongent Bombay dans le chaos. Dénonçant avec beaucoup de force et de courage le fanatisme religieux, le réalisateur Mani Ratnam va plonger Shekar et Shaïla au coeur du volcan. Avec beaucoup d’à propos, il choisit ce moment pour réaccorder les deux familles.
Evidemment symbolique, la séparation de Kabir et Kamal lors des émeutes et leur difficulté à se retrouver donnent l’occasion au réalisateur tamoul de montrer l’étendue de ses talents pour faire surgir la lumière au coeur des ténèbres, la beauté au coeur de la laideur, l’amour au coeur de la haine. A l’image d’un regard et d’un sourire magnifique illuminant un visage portant les stigmates des incendies ayant ravagé la ville : le regard et le sourire de Kabir Narayanan retrouvant son frère Kamal Bachir.
My name is Khan
Répare presque tout.
Même les coeurs en miettes. Même les consciences dévoyées ou erronées. A quelques abrutis et fanatiques près. Ainsi, Rizvan Khan a le don de réparer non seulement les machines et les églises, mais aussi et surtout les hommes en butte à la bêtise traumatique, parfois foncière, post-11 septembre, ou d’alleger les souffrances d’une population abandonnée à quelque ouragan. Ainsi aussi, Shah Rukh Khan et ses films ont ce don précieux de mettre du baume au coeur des spectateurs. De les réparer le cas échéant. Cette pancarte qui dit donc beaucoup du film de Karan Johar vaut en effet également à cet acteur merveilleux et essentiel, qui après une séparation forcée retrouve ici son âme soeur de cinéma : Kajol alias Mandira. Vers qui va notre coeur. Tandis que notre conscience va à cet autiste qui, pour rentrer chez lui et retrouver sa lumière, Mandira donc, doit délivrer un message au Président des Etats-Unis, qui, bien entendu, ne sera pas George Bush, mais Barack Obama, l’âme magnifique, brillante et épurée de Khan n’étant pas accessible au premier. Mon nom est Khan et je ne suis pas un terroriste. Et je me marie avec qui je veux. Ce cri et ce choix, vous l'aurez compris, proviennent tout autant de Shah Rukh. Car Shah Rukh Khan est grand.
Dirty yellow.
Le lion du soleil
Une âme poète ?
Une âme tzigane qui danse avec les étoiles
et flirte avec la lune,
qui chante l’univers et enchante les anges.
Elle seule connait le langage secret du lotus et de la rosée,
des fleurs et des abeilles,
de la Nuit et du Ciel.
Elle seule reconnaît le chemin antique de l’Extase.
Ivre de beauté et de plaisirs charnels,
le poète cherche à dissuader l’ascète.
C’est pourquoi, de sa prison mortelle,
il fait de ses grâces un rêve immortel.
Prends garde, ami voyageur,
l’âme rom de Rabindranâth Tagore le bangali connait les chemins de ton coeur secret.
Une âme tzigane qui danse avec les étoiles
et flirte avec la lune,
qui chante l’univers et enchante les anges.
Elle seule connait le langage secret du lotus et de la rosée,
des fleurs et des abeilles,
de la Nuit et du Ciel.
Elle seule reconnaît le chemin antique de l’Extase.
Ivre de beauté et de plaisirs charnels,
le poète cherche à dissuader l’ascète.
C’est pourquoi, de sa prison mortelle,
il fait de ses grâces un rêve immortel.
Prends garde, ami voyageur,
l’âme rom de Rabindranâth Tagore le bangali connait les chemins de ton coeur secret.
Aux temps frivoles
Aux voix, aux soupirs,
des temps lointains ou des confins de l’Univers,
le poète est obligé.
Aux voix perdues des antiques rivages, comme aux voix langoureuses des quantiques archipels,
le poète, la nuit, s’enivre.
Aux soupirs des sirènes du Nil ou du Sarasvatî, comme aux soupirs des sirènes des Mondes inconnus, à leurs chants captivants qui, dans les coeurs des voyageurs, échouent pour, jamais, ne s’y retirer,
le poète, envoûté, s’abandonne tout entier.
A l’heure misérable où le voile, de morte rigueur, soustrait et ne dit Rien,
le poète se souvient
des voiles pleins de charmes et d’éclats qui, il y a trois mille ans, ne soustrayaient pas au monde la grâce magique de ses sirènes, dévoilant de fiers monts et de fières merveilles, de splendides chairs cuivrées ou dorées.
A l’heure moyen-âgeuse où le voile efface et interdit, où toute prétendue pudeur n’est qu’alibi pour rester dans l’ombre de,
le poète rêve les rêves des papillons et les voiles érotiques de Demain ou d’Ailleurs.
Aux temps des lions qui, aux pieds des gazelles, ne leur faisaient pas ombrages.
A l’heure où la sensualité entend être reprimée,
le poète pense aux temps où la flûte guidait les pas de danses célestes des maharis ou des devadasis.
Aux temps de Khajuraho.
Aux temps anciens où le Ciel, multiple et léger, n’imposait d’apparences et de rigueurs insensées.
Aux temps futurs où les Voyageurs de l’Infini, attirés par des mélodies inconnues, viendront à nouveau échouer aux pieds d’autres Circé, d’autres Durga.
Aux temps lyriques et frivoles.
Aux temps extatiques.
A toutes les Circé. A toutes les Durga.
des temps lointains ou des confins de l’Univers,
le poète est obligé.
Aux voix perdues des antiques rivages, comme aux voix langoureuses des quantiques archipels,
le poète, la nuit, s’enivre.
Aux soupirs des sirènes du Nil ou du Sarasvatî, comme aux soupirs des sirènes des Mondes inconnus, à leurs chants captivants qui, dans les coeurs des voyageurs, échouent pour, jamais, ne s’y retirer,
le poète, envoûté, s’abandonne tout entier.
A l’heure misérable où le voile, de morte rigueur, soustrait et ne dit Rien,
le poète se souvient
des voiles pleins de charmes et d’éclats qui, il y a trois mille ans, ne soustrayaient pas au monde la grâce magique de ses sirènes, dévoilant de fiers monts et de fières merveilles, de splendides chairs cuivrées ou dorées.
A l’heure moyen-âgeuse où le voile efface et interdit, où toute prétendue pudeur n’est qu’alibi pour rester dans l’ombre de,
le poète rêve les rêves des papillons et les voiles érotiques de Demain ou d’Ailleurs.
Aux temps des lions qui, aux pieds des gazelles, ne leur faisaient pas ombrages.
A l’heure où la sensualité entend être reprimée,
le poète pense aux temps où la flûte guidait les pas de danses célestes des maharis ou des devadasis.
Aux temps de Khajuraho.
Aux temps anciens où le Ciel, multiple et léger, n’imposait d’apparences et de rigueurs insensées.
Aux temps futurs où les Voyageurs de l’Infini, attirés par des mélodies inconnues, viendront à nouveau échouer aux pieds d’autres Circé, d’autres Durga.
Aux temps lyriques et frivoles.
Aux temps extatiques.
A toutes les Circé. A toutes les Durga.
Mon bras pressait ta taille frêle
Et souple comme le roseau ;
Ton sein palpitait comme l’aile
D’un jeune oiseau.
Longtemps muets, nous contemplâmes
Le ciel où s’éteignait le jour.
Que se passait-il dans nos âmes ?
Amour ! Amour !
Comme un ange qui se dévoile,
Tu me regardais, dans ma nuit,
Avec ton beau regard d’étoile,
Qui m’éblouit.
Victor Hugo.