Les yeux grands ouverts
Je suis HAL 9000...
Eyes wide shut
L’affiche minimaliste du film n’en est pas moins explicite : Tom (Bill) esquisse un baiser à Nicole (Alice). Le grain est jaune : symbole de trahison. Tom a les yeux grands fermés : les yeux du titre. Nicole, elle, a les yeux ouverts, mais regarde ailleurs. Déjà, le principal est dit. Le couple n’est plus en phase. A l’écran seulement ? Bill ne voit plus sa femme. Le regard bleu d’Alice reflète mille fantasmes, mille interdits, vécus par le spectateur grâce à la jalousie de Bill et à son irresistible envie de voir (quand il l’imagine en train de faire l’amour à un marin et quand il assiste à l’orgie, comme une correspondance aux rêves d’Alice). La tentation est dans les deux camps. La fissure provient autant d’Alice que de Bill. Bill et Alice sont comme deux plaques tectoniques désaccordées qui veulent se chevaucher (forcément au détriment de l’une), éprises de liberté, de rompre le quotidien. Pour Alice, la tentation de l’autre s’exprime dans son cerveau. Pour Bill, la tentation, tentaculaire (trioliste, vénale, orgiaque, nécrophile), se dévoile, principalement masquée ou symbolique, dans ses échappées nocturnes. Dans des errances quasi somnambules. Une fois de plus chez Kubrick, la vue est l’enjeu. Ici, il est question de celle de Bill, de sa capacité de voir pour retrouver sa libido perdue. La vue d’Alice, comme sa parole, est aiguisée comme un couteau. Témoin d’une lucidité grande ouverte, la scène où, pourtant embrumée de marijuana, elle démonte une à une les malheureuses tentatives de son mari de nier la tentation. La vue de Bill, elle, est defaillante, falsifiée, victime de dédoublement, entre mascarade et réalité, refoulée par l’absence de libido et la prédominance des simulacres. Point d’orgue de cette vue théatralisée, le rituel pré-orgiaque qui voudrait diviniser l’acte sexuel, durant lequel s’exprime toute la maestria géométrique de Kubrick, toute la magnificence de son style période Barry Lyndon. Mais les accouplements, même superbement chorégraphiés, orchestrés en véritable danse infernale, apparaissent dans toute leur trivialité.
C’est aussi le sens du dernier mot prononcé par Alice. A Bill qui lui demande ce qu’elle veut faire, elle répond crûment : “Baiser”. Kubrick, après nous avoir parlé de perte d’identité et de repères, nous adresse son ultime message, il nous lance à la face une dernière fois notre animalité : l’homme, qui a beau se parer d’amour, de tabous, de rituels destinés à anoblir la sexualité, n’en reste pas moins un être de chair destiné à la chair, vivante ou morte. Une chair promise davantage à la pénétration qu’à la caresse.
Les vampires de Stanley Kubrick
Je te frapperai sans colère
Et sans haine, — comme un boucher !
Comme Moïse le rocher,
— Et je ferai de ta paupière,
Pour abreuver mon Saharah,
Jaillir les eaux de la souffrance ;
Mon désir gonflé d’espérance
Sur tes pleurs salés nagera
Comme un vaisseau qui prend le large,
Et dans mon cœur qu’ils soûleront
Tes chers sanglots retentiront
Comme un tambour qui bat la charge !
Ne suis-je pas un faux accord
Dans la divine symphonie,
Grâce à la vorace Ironie
Qui me secoue et qui me mord ?
Elle est dans ma voix, la criarde !
C’est tout mon sang, ce poison noir !
Je suis le sinistre miroir
Où la mégère se regarde.
Je suis la plaie et le couteau !
Je suis le soufflet et la joue !
Je suis les membres et la roue,
Et la victime et le bourreau !
Je suis de mon cœur le vampire,
— Un de ces grands abandonnés
Au rire éternel condamnés,
Et qui ne peuvent plus sourire !
Charles Baudelaire.
L'enfer blanc
Chez Kubrick, un film en contredit souvent un autre. Sans invalider leurs messages. Sans que l’ensemble de son oeuvre n’en perde sa cohérence. Le contre-pied n’est jamais gratuit. Le cas le plus flagrant : 2001 l’odyssée de l’espace et Shining.
Quand 2001 parlait d’évolution, Shining raconte une régression. Dans 2001, un monolithe déclenchait la métamorphose du singe en homme à la conquète des étoiles. Un monolithe noir pour épouser la lumière.Shining raconte l'inverse. Ici, le rôle du monolithe contraire est dévolu à l'hôtel Overlook. Un monolithe blanc pour rejoindre les ténèbres. Un labyrinthe hivernal propice à une infernale célébration, éminent refuge de la mémoire. Celle de l'homme civilisé qui, très rapidement sous nos yeux, se métamorphose en primate. Physiquement : démarche, regard et langage simiesques témoignent de la saisissante mutation. Et mentalement : Jack Torrance, à la fin, se révélera incacapable de revenir sur ses pas pour sortir du labyrinthe. Et finira gelé ! Ramassé et replié sur lui-même, les yeux exhorbités, tel le singe dans sa caverne au commencement de L’odyssée. Dans 2001, les os extraits des animaux morts servaient à l’évolution. La violence était salutaire : tuer pour tutoyer les étoiles. Dans Shining, la batte de base-ball sert à revenir aux origines. La violence est vide de sens, elle tourne en rond. Dans Shining, le paysage autour de l’hotel a beau être grandiose, l’homme en est réduit à se renfermer, à ne plus vouloir quitter son habitat. Et sa maison est en péril. L’homme accepte de suivre la voie et la voix de ses fantômes. Ne plus progresser revient à régresser. L’homme a perdu le sens de la conquête. Après les missions Apollo, l’homme a renoncé à aller plus loin.
Shining célèbre une pause, un intermède, dans l’âge de l’homme conquérant.
Collateral
Max est chauffeur de taxi. Vincent est tueur à gage. Vincent ressemble à un loup. Un loup gris. Max rêve des Maldives. Vincent ne rêve plus à rien, depuis longtemps. Au début, Max échange son rêve, sa carte postale des Maldives, avec la carte de visite d’une jolie cliente, autre paradis possible.
Une nuit, Vincent loue les services de Max. Max ne comprend pas tout de suite quand un type explose son pare-brise et le toit de son taxi : çà va, mec ? Cette nuit-là, on a commandé cinq courses à Vincent. Cette nuit-là, Max et Vincent vont même croiser des coyotes. Des vrais. Même que les yeux de ces coyotes brillent dans les phares du taxi. Même que pour la première fois on voit aussi une lueur dans ceux de Vincent. Reconnaissance des siens ? Beauté de l’apparition ? Beaucoup des deux sans doute. Des loups d’Amérique venus du désert perdus dans la ville, perdus dans la ville des lumières, perdus dans Los Angeles. La ville de Mann.
Au dernier arrêt, Max veut en finir et envoie son taxi sur le toit. Vincent quitte Max sans en finir avec lui, Max poursuit Vincent pour l’empecher de tuer son paradis.
Et Vincent de terminer son existence comme Batty le Nexus six terminait la sienne. Devant sa proie, la tête baissée. Et de comprendre le prix de l’existence, en la terminant.
Une nuit, Vincent loue les services de Max. Max ne comprend pas tout de suite quand un type explose son pare-brise et le toit de son taxi : çà va, mec ? Cette nuit-là, on a commandé cinq courses à Vincent. Cette nuit-là, Max et Vincent vont même croiser des coyotes. Des vrais. Même que les yeux de ces coyotes brillent dans les phares du taxi. Même que pour la première fois on voit aussi une lueur dans ceux de Vincent. Reconnaissance des siens ? Beauté de l’apparition ? Beaucoup des deux sans doute. Des loups d’Amérique venus du désert perdus dans la ville, perdus dans la ville des lumières, perdus dans Los Angeles. La ville de Mann.
Au dernier arrêt, Max veut en finir et envoie son taxi sur le toit. Vincent quitte Max sans en finir avec lui, Max poursuit Vincent pour l’empecher de tuer son paradis.
Et Vincent de terminer son existence comme Batty le Nexus six terminait la sienne. Devant sa proie, la tête baissée. Et de comprendre le prix de l’existence, en la terminant.
Taxi Driver
Max : Alors tu es quoi ?
Vincent : Au milieu d’un milliard d’étoiles, un point sur l’une d’entre elle. On est perdus dans l’espace. Le flic, toi, moi, qui nous remarque ?
Max : Qu’est-ce que tu as ? Si quelqu’un te pointe avec son arme et te dis : “ "dis-moi ce que ce type pense, ou je te tue. Qu’est-ce qui l’anime ? A quoi pense t-il ?” " Tu ne pourrais pas répondre, n’est-ce pas ? Je pense que tu vas mal, l’ami. Très mal. Tu es qui ? Un de ces types élevés par l’institution ? Il y a quelqu’un là-dedans ? Tout ce que les gens sont censés avoir en eux, toi tu ne l’as pas. Et pourquoi tu ne m’as pas encore tué ?
Vincent : Sur tous les taxis de L.A, je devais tomber sur Max, Freud et Dr Ruth. Regarde-toi, serviettes en papier, taxi nickel, un beau projet… Un jour ? “ "Un jour, mon rêve viendra” " ? Une nuit, tu te réveilleras, et tu verras que tu n’as rien fait… D’un coup, tu seras vieux… Tu le retarderas sans cesse, et tu finiras par l’oublier… C’est comme cette fille, tu n’oses même pas l’appeler. Qu’est-ce que tu fous à conduire ton taxi ?
Max : J’ai essayé de m’en sortir mais c’était perdu d’avance.
Vincent : Ralentis.
Max : J’aurais pu le faire à n’importe quel moment.
Vincent : Le feu est rouge.
Max : Mais tu sais quoi ? Il y a du nouveau. çà n’a plus d’importance. Pourquoi cela en aurait-il ? On n’est rien du tout, perdus au milieu de nulle part. La quatrième dimension, mon cul ! Dixit le psychopathe à l’arrière… Quelle importance ? Aucune, rien à foutre. Qu’est-ce qu’on a à perdre, hein ?
Vincent : Ralentis.
Max : Pourquoi ? Tu vas tirer ? Tu vas tirer et nous tuer ?
… Vas-y alors ! Tire-moi dessus !
Vincent : Ralentis.
Max : Tu sais quoi, Vincent ? Va te faire foutre !
Véritable épicentre du film, la séquence ne libère pas seulement le personnage de Max, elle traduit toute l’ambivalence de Mann. Et de son cinéma. Détaché du monde, acéré dans sa perception. Le cinéma de Mann est fait de vues affutées et d’images troubles ou déformées, reflets de l’état des âmes, reflets d’âmes en quête d’un autre part, voire d’évaporation. Le regard de Mann, mélancolique et néanmoins perçant, se confond avec celui de ce coyote brillant dans les phares du taxi de Max.
Bien plus qu’un dialogue entre deux personnages contraires (l’un a une âme en quête d’ailleurs, l’autre l’a perdu en cours de route et ne trouve aucun intérêt à en avoir une), on assiste surtout au monologue d’un cinéaste sur la condition humaine. Sur sa condition.
Vertigineux, en ce que l’on peut percevoir que Max et Vincent sont en réalité les deux faces de Michael Mann. Un rêveur et un expert dans le langage du monde. Un taxi driver pour qui la ville de Los Angeles n’a forcément plus de secrets mais dont la tête est pleine de lagons et un expert dans les technologies de son temps. Un nostalgique d’un paradis révolu imaginaire et un professionnel bien ancré dans son époque. Il est primordial de comprendre que le second est au service du premier, et non l’inverse. Que le second n’a jamais pris l’ascendant sur le premier. Un virtuose de l’image, un psychopathe de sa mise en forme, pour mieux radiographier les âmes, ainsi pourrait-on définir Michael Mann.
Vertigineux, en ce que beaucoup peuvent se retrouver dans ce monologue. En ce que Max, en envoyant son taxi sur le toit, s’il avait pour dessein d’arrêter Vincent, ratifiait aussi le premier acte d’une nouvelle existence. En finir avec le cauchemar, pas avec les Maldives, même quand au final elles auront le visage d’Annie. En ce que Mann nous dit finalement à travers ces paroles tellement intenses et lourdes de sens que la dépression n’est pas exclusive de la lucidité.
A provoquer la lucidité de Max, la dépression de Vincent pour la première fois était salutaire.
Vincent : Au milieu d’un milliard d’étoiles, un point sur l’une d’entre elle. On est perdus dans l’espace. Le flic, toi, moi, qui nous remarque ?
Max : Qu’est-ce que tu as ? Si quelqu’un te pointe avec son arme et te dis : “ "dis-moi ce que ce type pense, ou je te tue. Qu’est-ce qui l’anime ? A quoi pense t-il ?” " Tu ne pourrais pas répondre, n’est-ce pas ? Je pense que tu vas mal, l’ami. Très mal. Tu es qui ? Un de ces types élevés par l’institution ? Il y a quelqu’un là-dedans ? Tout ce que les gens sont censés avoir en eux, toi tu ne l’as pas. Et pourquoi tu ne m’as pas encore tué ?
Vincent : Sur tous les taxis de L.A, je devais tomber sur Max, Freud et Dr Ruth. Regarde-toi, serviettes en papier, taxi nickel, un beau projet… Un jour ? “ "Un jour, mon rêve viendra” " ? Une nuit, tu te réveilleras, et tu verras que tu n’as rien fait… D’un coup, tu seras vieux… Tu le retarderas sans cesse, et tu finiras par l’oublier… C’est comme cette fille, tu n’oses même pas l’appeler. Qu’est-ce que tu fous à conduire ton taxi ?
Max : J’ai essayé de m’en sortir mais c’était perdu d’avance.
Vincent : Ralentis.
Max : J’aurais pu le faire à n’importe quel moment.
Vincent : Le feu est rouge.
Max : Mais tu sais quoi ? Il y a du nouveau. çà n’a plus d’importance. Pourquoi cela en aurait-il ? On n’est rien du tout, perdus au milieu de nulle part. La quatrième dimension, mon cul ! Dixit le psychopathe à l’arrière… Quelle importance ? Aucune, rien à foutre. Qu’est-ce qu’on a à perdre, hein ?
Vincent : Ralentis.
Max : Pourquoi ? Tu vas tirer ? Tu vas tirer et nous tuer ?
… Vas-y alors ! Tire-moi dessus !
Vincent : Ralentis.
Max : Tu sais quoi, Vincent ? Va te faire foutre !
Véritable épicentre du film, la séquence ne libère pas seulement le personnage de Max, elle traduit toute l’ambivalence de Mann. Et de son cinéma. Détaché du monde, acéré dans sa perception. Le cinéma de Mann est fait de vues affutées et d’images troubles ou déformées, reflets de l’état des âmes, reflets d’âmes en quête d’un autre part, voire d’évaporation. Le regard de Mann, mélancolique et néanmoins perçant, se confond avec celui de ce coyote brillant dans les phares du taxi de Max.
Bien plus qu’un dialogue entre deux personnages contraires (l’un a une âme en quête d’ailleurs, l’autre l’a perdu en cours de route et ne trouve aucun intérêt à en avoir une), on assiste surtout au monologue d’un cinéaste sur la condition humaine. Sur sa condition.
Vertigineux, en ce que l’on peut percevoir que Max et Vincent sont en réalité les deux faces de Michael Mann. Un rêveur et un expert dans le langage du monde. Un taxi driver pour qui la ville de Los Angeles n’a forcément plus de secrets mais dont la tête est pleine de lagons et un expert dans les technologies de son temps. Un nostalgique d’un paradis révolu imaginaire et un professionnel bien ancré dans son époque. Il est primordial de comprendre que le second est au service du premier, et non l’inverse. Que le second n’a jamais pris l’ascendant sur le premier. Un virtuose de l’image, un psychopathe de sa mise en forme, pour mieux radiographier les âmes, ainsi pourrait-on définir Michael Mann.
Vertigineux, en ce que beaucoup peuvent se retrouver dans ce monologue. En ce que Max, en envoyant son taxi sur le toit, s’il avait pour dessein d’arrêter Vincent, ratifiait aussi le premier acte d’une nouvelle existence. En finir avec le cauchemar, pas avec les Maldives, même quand au final elles auront le visage d’Annie. En ce que Mann nous dit finalement à travers ces paroles tellement intenses et lourdes de sens que la dépression n’est pas exclusive de la lucidité.
A provoquer la lucidité de Max, la dépression de Vincent pour la première fois était salutaire.
Le sixième sens
Qui, comme Michael Mann, raconte des histoires de solitudes, raconte forcément des désirs d’étreinte, donc le désir farouche et irrépressible de sentir gonflés un coeur désert(é) ou inassouvi et le coeur d’autrui, fut-il déjà épris et fut-il dans la peur et la mort. Qui raconte des désirs de coeurs gonflés peut raconter aussi des histoires de tueurs et de chasseurs.
Le sixième sens raconte ainsi des obsessions contraires, celles en premier lieu d’un chasseur qui pour capturer un tueur se projette dans son esprit torturé tout en essayant de conserver son intégrité, celles du tueur ensuite qui tue pour partager une intimité (l’intimité d’une famille en l’occurence) et qui, tout en aspirant à l’invisibilité (en aveuglant ses proies, ou ne laissant pas ”voir” les traits disgrâcieux de son visage), rêve d’étreindre les étoiles (des étoiles en poster dans sa tanière et qu’il associe à ses victimes), celles enfin du spectateur qui, fasciné (donc dérangé), se prête à l’expérience en pénétrant et le cerveau du serial killer et celui du profiler. A preuve la scène où Dragon rouge invite une aveugle à caresser un tigre endormi et à s’enivrer des battements de son coeur (l’invitant en réalité à écouter son coeur à lui), Michael Mann nous oblige avec une grande subtilité à partager l’ivresse pacifique de Dollarhyde, avant de partager devant un lit d’étoiles sa première expérience charnelle dénuée de violence.
Le sixième sens raconte ainsi des obsessions contraires, celles en premier lieu d’un chasseur qui pour capturer un tueur se projette dans son esprit torturé tout en essayant de conserver son intégrité, celles du tueur ensuite qui tue pour partager une intimité (l’intimité d’une famille en l’occurence) et qui, tout en aspirant à l’invisibilité (en aveuglant ses proies, ou ne laissant pas ”voir” les traits disgrâcieux de son visage), rêve d’étreindre les étoiles (des étoiles en poster dans sa tanière et qu’il associe à ses victimes), celles enfin du spectateur qui, fasciné (donc dérangé), se prête à l’expérience en pénétrant et le cerveau du serial killer et celui du profiler. A preuve la scène où Dragon rouge invite une aveugle à caresser un tigre endormi et à s’enivrer des battements de son coeur (l’invitant en réalité à écouter son coeur à lui), Michael Mann nous oblige avec une grande subtilité à partager l’ivresse pacifique de Dollarhyde, avant de partager devant un lit d’étoiles sa première expérience charnelle dénuée de violence.
Miami Vice
C’est bien mal connaître le cinéma de Michael Mann que d’avoir attendu de Miami Vice un théorème d’action explosif évoluant dans le cadre d’une intrigue et d’une narration formatées et confortables. L’histoire, la mission undercover de deux flics à Miami et dans les bouges de Port-au-Prince ou d’Amérique latine, avec une échappée récréative et nostalgique à Cuba, n’est pas au coeur du projet. Les aventures de Sonny Crockett et Ricardo Tubbs servent en réalité de carburant à Michael Mann pour parvenir à son véritable dessein, clair comme de l’eau de roche : tendre à l’élégie, à la mélancolie, au sensationnel (au sens noble) à chaque instant du film, chaque plan, chaque regard, chaque geste, chaque gunfight. En un mot, tendre à l’épure. Combler le regard, l’oreille et l’âme du spectateur. Effets de loupe, visages irradiés par les néons d’une autoroute, par surexposition solaire ou lunaire, ciel nuiteux incandescent, caméra filmant au ras du sol, vues aériennes splendides (sur des chutes belles à couper le souffle), survols magiques (de Miami, de Colombie), scores planants ou enveloppants, techno-rap excitant, salsas cubaines intenses et entraînantes, arrêt sur l’image de deux mains qui se retrouvent, sont là pour faire ressentir au plus près, jusqu’à l’extase, les errances des personnages, la fièvre qui les anime, la mort qui les appelle, la vie qui les (ré)unit. On pense souvent à Soy Cuba dans cette façon qu’a Michael Mann de filmer en apesanteur et de célébrer la Vie. Complicité des sourires et des regards, complicité des attentions et des hochements de menton, danses séductrices et amoureuses lors d’une escale à La Havane, ou dans une boîte de nuit de Colombie, rappellent aussi combien Mann est un cinéaste de la sensualité, à l’instar du grand Delmer Daves. Les séquences romantiques à La Havane (havre de paix mais aussi havre d’un passé révolu) ont le même pouvoir et le même intérêt que les premières minutes de 3h10 pour Yuma dans le saloon. A l’image des moments intimes de Ben Wade et Emmy, ceux de Sonny et Isabella, magnifiques (holà chica ; holà chico) et touchants de franchise, sont la respiration du film, ses battements de coeur, davantage que les gunfights.
Aussi tétanisantes soient les fusillades, les temps forts de Miami Vice sont dans ses moments suspendus. Le plus beau d’entre eux montre des enfants courir dans la rue à l’arrière plan d’Isabella qui, dans un bar de La Havane, s’offre à Sonny en lui décochant la plus douce des caresses et en lui délivrant le plus tendre des sourires.
Aussi tétanisantes soient les fusillades, les temps forts de Miami Vice sont dans ses moments suspendus. Le plus beau d’entre eux montre des enfants courir dans la rue à l’arrière plan d’Isabella qui, dans un bar de La Havane, s’offre à Sonny en lui décochant la plus douce des caresses et en lui délivrant le plus tendre des sourires.
Holà chica
La nuit s’achève sur Miami. Le fracas des armes et le fracas des âmes se sont tus. Le fracas des corps aussi. Juste avant que la nuit ne s’oublie, encore à contre-courant du monde, par-delà le monde, loin du monde, Sonny et Isabella échangent une dernière caresse, un dernier baiser, un dernier regard. Face à l’océan houleux, Sonny le flic dit adieu à Isabella le vice, et réintègre le courant, en retournant vers les siens. Vers Ricardo. Sonny et Max réintègrent le monde aux premières lueurs du jour. Miami Vice et Collateral s’achèvent à l’aube.
La nuit, orageuse et douloureuse, électrique et fièvreuse, fut traversée par deux ondes contraires, Sonny et Isabella. Contraires au mouvement du monde. Durant une brève échappée. Sur les terres cubaines où les jours et les nuits, à l’image des corps, fébriles et fragiles, denses et intenses, se déroulent hors du temps. Où la vie ne se reflète pas sur un écran espion mais sur le visage ensoleillé d’Isabella. Où la vie ne se projette pas sur des écrans géants high tech, mais dans les yeux et le sourire amoureux de la chica. Où la vie ne se mesure pas en kilomètres seconde, mais dans l’air du temps. Où elle ne se calcule pas dans l’urgence du moment, dans une boîte de nuit ou dans une limousine, mais s’épanouit dans un lit serein ou sous une douche irradiée. Où l’âme ne se revèle pas sur une bande vide d’autoroute, où seule la mort y a un sens, mais dans des ruelles encore foulées, encore animées par des rires d’enfants. Où elle ne se dévoile pas dans d’immaculées villas, vides de passé, vides d’avenir, mais dans de blanches casas ou de jaunes cafés, chargés de souvenirs, chargés de vie. Où la musique, joyeuse et sensuelle, à ciel ouvert, épouse la volonté d’ivresse des corps et des esprits, au lieu de vouloir les exciter dans la frénétique sonorité. Où le fracas des coeurs n’est pas dicté par les saillies automatiques et la blanche explosion, où les coeurs battent et s’emballent en concert et dans l’harmonie. Plus que jamais vivants. C’était trop beau pour durer.
La nuit, orageuse et douloureuse, électrique et fièvreuse, fut traversée par deux ondes contraires, Sonny et Isabella. Contraires au mouvement du monde. Durant une brève échappée. Sur les terres cubaines où les jours et les nuits, à l’image des corps, fébriles et fragiles, denses et intenses, se déroulent hors du temps. Où la vie ne se reflète pas sur un écran espion mais sur le visage ensoleillé d’Isabella. Où la vie ne se projette pas sur des écrans géants high tech, mais dans les yeux et le sourire amoureux de la chica. Où la vie ne se mesure pas en kilomètres seconde, mais dans l’air du temps. Où elle ne se calcule pas dans l’urgence du moment, dans une boîte de nuit ou dans une limousine, mais s’épanouit dans un lit serein ou sous une douche irradiée. Où l’âme ne se revèle pas sur une bande vide d’autoroute, où seule la mort y a un sens, mais dans des ruelles encore foulées, encore animées par des rires d’enfants. Où elle ne se dévoile pas dans d’immaculées villas, vides de passé, vides d’avenir, mais dans de blanches casas ou de jaunes cafés, chargés de souvenirs, chargés de vie. Où la musique, joyeuse et sensuelle, à ciel ouvert, épouse la volonté d’ivresse des corps et des esprits, au lieu de vouloir les exciter dans la frénétique sonorité. Où le fracas des coeurs n’est pas dicté par les saillies automatiques et la blanche explosion, où les coeurs battent et s’emballent en concert et dans l’harmonie. Plus que jamais vivants. C’était trop beau pour durer.
Public enemies
Où est-ce que tu vas ?
On peut dire du dernier Michael Mann qu’il est né du désir de voir un gangster légendaire pleurer son lagon perdu et de voir un flic dur à cuire exécuter sa dernière volonté. De voir un lagon pleurer son écueil. Et vice versa. De voir aussi des flics et des truands échappés de l’univers noir de James Ellroy se livrer une guerre sans merci, des flics et des truands qui n’oublient pas de mourir les yeux ouverts en crachant leur dernier souffle. De filmer des ombres fuyantes jouer à cache cache dans un bois au clair de lune, à déchirer sa nuit haute définition avec des sulfateuses. D’associer les dix millions d’esclaves d’Otis Taylor à la rebellion et aux évasions du prince des voleurs John Dillinger. Un John Dillinger qui n’est pas le remake mélancolique de McCauley, qui a déjà trouvé son lagon. Un John Dillinger qui a brisé ses chaînes pour les briser aux banques et à Hoover. Après que les banques soient devenues les raisins de la colère de millions d’Américains. Avant qu’Hoover ne place les Etats Unis d’Amérique sur écoute. Avant qu’Hoover ne les brise à Michael Mann. Avant qu’il ne devienne son ennemi intime et secrètement l’ennemi public de l’Amérique. Au rythme à la fois langoureux et effréné de la magnifique chanson et guitare d’Otis, désormais hymne à Dillinger, le cinéma radicalement triste de Mann vient de contracter aussi la grande fièvre. Celle des grandes cavales, celle des grandes chasses à l’homme. Généreux, il vient également de nous offrir ses deux plus belles signatures : les larmes d’un jaguar, les larmes d’une franco-indienne. D’autant plus précieuses que les larmes chez Michael Mann étaient jusqu’à présent une denrée quasi melvillienne, très rare.
Le dernier né de Michael Mann, nouvelle éloge de la nuit, beau comme un astre, est beau à couper le souffle, beau à pleurer. D’ailleurs, Billie m’a fait pleurer.
Bye Bye, Blackbird.
On peut dire du dernier Michael Mann qu’il est né du désir de voir un gangster légendaire pleurer son lagon perdu et de voir un flic dur à cuire exécuter sa dernière volonté. De voir un lagon pleurer son écueil. Et vice versa. De voir aussi des flics et des truands échappés de l’univers noir de James Ellroy se livrer une guerre sans merci, des flics et des truands qui n’oublient pas de mourir les yeux ouverts en crachant leur dernier souffle. De filmer des ombres fuyantes jouer à cache cache dans un bois au clair de lune, à déchirer sa nuit haute définition avec des sulfateuses. D’associer les dix millions d’esclaves d’Otis Taylor à la rebellion et aux évasions du prince des voleurs John Dillinger. Un John Dillinger qui n’est pas le remake mélancolique de McCauley, qui a déjà trouvé son lagon. Un John Dillinger qui a brisé ses chaînes pour les briser aux banques et à Hoover. Après que les banques soient devenues les raisins de la colère de millions d’Américains. Avant qu’Hoover ne place les Etats Unis d’Amérique sur écoute. Avant qu’Hoover ne les brise à Michael Mann. Avant qu’il ne devienne son ennemi intime et secrètement l’ennemi public de l’Amérique. Au rythme à la fois langoureux et effréné de la magnifique chanson et guitare d’Otis, désormais hymne à Dillinger, le cinéma radicalement triste de Mann vient de contracter aussi la grande fièvre. Celle des grandes cavales, celle des grandes chasses à l’homme. Généreux, il vient également de nous offrir ses deux plus belles signatures : les larmes d’un jaguar, les larmes d’une franco-indienne. D’autant plus précieuses que les larmes chez Michael Mann étaient jusqu’à présent une denrée quasi melvillienne, très rare.
Le dernier né de Michael Mann, nouvelle éloge de la nuit, beau comme un astre, est beau à couper le souffle, beau à pleurer. D’ailleurs, Billie m’a fait pleurer.
Bye Bye, Blackbird.
Kill Jason Bourne
L’élément liquide, omniprésent dans la trilogie consacrée à la peau de Jason Bourne, colle à la quête identitaire du personnage et à sa mémoire en marmelade comme la mise en scène colle à son cerveau-ordinateur. De son corps flottant sur une mer déchaînée au début du premier volet, Jason Bourne, à la fin du dernier, coule en position foetale dans la mer matricielle et calme de Manhattan pour, en guise de renaissance, se réveiller et vouloir retrouver la surface. L’ex-assassin, précédemment endurci et lobotomisé dans les baignoires de la CIA, aura perdu puis réacquis sa mémoire, et sa conscience au passage, au contact d’une eau multi-formes et multi-expériences, traumatiques et/ou salvatrices.
La mise en scène des deux derniers Bourne, en aucun cas gratuite, renferme et dégage au contraire une énergie et une densité dramatique de chaque instant qui se met au diapason de la mémoire en charpie du héros ainsi que des capacités hors du commun de son corps et de son cerveau. Forme d’expression ultime, donc vertigineuse, la réalisation de Paul Greengrass revêt une dimension physique et neurologique relevant d’une épure. Non d’une bouillie sans âme. Une épure dressée par une caméra à la fois experte et fiévreuse. Une épure tantôt géométrique, tantôt fragile, épousant aussi bien la vitesse d’analyse et d’exécution des personnages que leurs confusions et leurs incertitudes. Les mouvements de caméra quasi incessants trouvent leur raison d’être non dans une concession mercantile à la “culture” pub mais dans les équations et les impulsions électriques d’un monde-cerveau sans cesse en état d’alerte et en mode résolution. Echouant parfois en mode échec et en messages d’erreur quand Bourne, souffrant de migraines, essaie en vain de récupérer des données effacées. Un monde où l’oeil-caméra, toujours à l’affût, ne se repose qu’à de rares et poignantes occasions. Une expérience pour le spectateur forcément éprouvante mais davantage sensationnelle. Il y a une beauté urgente et sauvage dans la sécheresse et la fulgurance des corps à corps ou des gunfights, une forme de beauté surréaliste dans les courses poursuites démentielles. Jason Bourne, héros moderne par excellence campé par un sidérant Matt Damon, incarne cette beauté convulsive quasi toute puissante. Mais une puissance qui n’a pas oublié la douleur, une beauté en deuil qui n’aurait pas oublié sa pertinence. Où l’action et l’intime ne s’excluent pas l’un l’autre. Où l’action la plus spectaculaire peut accoucher d’une séquence suspendue belle à couper le souffle, un bouche à bouche et un baiser aquatique en apesanteur, une jeune endormie confiée à l’éternité sereine d’une rivière, une voix tremblante qui ne veut pas mourir, un ex-assassin qui, dans un face à face terrassant, revendique deux morts pour mieux tuer le fantôme Jason Bourne et libérer une autre mémoire fracassée, une larme qui coule sur la joue d’une jolie brindille slave.
Où va aller le nouveau né ?
La mise en scène des deux derniers Bourne, en aucun cas gratuite, renferme et dégage au contraire une énergie et une densité dramatique de chaque instant qui se met au diapason de la mémoire en charpie du héros ainsi que des capacités hors du commun de son corps et de son cerveau. Forme d’expression ultime, donc vertigineuse, la réalisation de Paul Greengrass revêt une dimension physique et neurologique relevant d’une épure. Non d’une bouillie sans âme. Une épure dressée par une caméra à la fois experte et fiévreuse. Une épure tantôt géométrique, tantôt fragile, épousant aussi bien la vitesse d’analyse et d’exécution des personnages que leurs confusions et leurs incertitudes. Les mouvements de caméra quasi incessants trouvent leur raison d’être non dans une concession mercantile à la “culture” pub mais dans les équations et les impulsions électriques d’un monde-cerveau sans cesse en état d’alerte et en mode résolution. Echouant parfois en mode échec et en messages d’erreur quand Bourne, souffrant de migraines, essaie en vain de récupérer des données effacées. Un monde où l’oeil-caméra, toujours à l’affût, ne se repose qu’à de rares et poignantes occasions. Une expérience pour le spectateur forcément éprouvante mais davantage sensationnelle. Il y a une beauté urgente et sauvage dans la sécheresse et la fulgurance des corps à corps ou des gunfights, une forme de beauté surréaliste dans les courses poursuites démentielles. Jason Bourne, héros moderne par excellence campé par un sidérant Matt Damon, incarne cette beauté convulsive quasi toute puissante. Mais une puissance qui n’a pas oublié la douleur, une beauté en deuil qui n’aurait pas oublié sa pertinence. Où l’action et l’intime ne s’excluent pas l’un l’autre. Où l’action la plus spectaculaire peut accoucher d’une séquence suspendue belle à couper le souffle, un bouche à bouche et un baiser aquatique en apesanteur, une jeune endormie confiée à l’éternité sereine d’une rivière, une voix tremblante qui ne veut pas mourir, un ex-assassin qui, dans un face à face terrassant, revendique deux morts pour mieux tuer le fantôme Jason Bourne et libérer une autre mémoire fracassée, une larme qui coule sur la joue d’une jolie brindille slave.
Où va aller le nouveau né ?
Une faille dans le cosmos
Ma petite Elise,
En ce jour électrique, les nuages souffrent de ta grave mélancolie, et la nuit qui gronde n’empêche pas les âmes solitaires de dormir,
En ce jour funèbre, tes enfants en porcelaine déambulent comme à leur habitude, et le temps qui bégaie ne veut pas les voir partir,
En ce jour si beau et si affreux, ta douce mélodie vient bercer ceux qui vont mourir.
Aujourd’hui, deux électrons libres ayant hâte de s’enfuir ont rendez-vous avec le cosmos,
A la fin de ce jour d’apocalypse, le soleil et la lune, à nouveau, te saluent.
En ce jour électrique, les nuages souffrent de ta grave mélancolie, et la nuit qui gronde n’empêche pas les âmes solitaires de dormir,
En ce jour funèbre, tes enfants en porcelaine déambulent comme à leur habitude, et le temps qui bégaie ne veut pas les voir partir,
En ce jour si beau et si affreux, ta douce mélodie vient bercer ceux qui vont mourir.
Aujourd’hui, deux électrons libres ayant hâte de s’enfuir ont rendez-vous avec le cosmos,
A la fin de ce jour d’apocalypse, le soleil et la lune, à nouveau, te saluent.
Elephant
Am stram gram, pic et pic et colle gram, bourre et bourre et ratatam, am stram gram…
Bang Bang, Gus Van Sant m’a tué…
Bang Bang, Gus Van Sant m’a tué…
Daniela
On aurait tort de sous-estimer la valeur de Cold Case. Davantage que la somme de simples whodunits, Cold Case n'est pas une série policière comme les autres. Loin de tout manichéisme, la série est toute entière dédiée à rendre hommage aux victimes. A les exhumer de l'oubli. En donnant justement un nom et un visage aux responsables de leur disparition. Et si les victimes de Cold Case ont beaucoup de choses à dire, c’est aussi parce qu’on n’a guère l’habitude de les entendre ailleurs. Preuve en est Daniela. Daniela est un joli brin de fille porto-ricaine. Sauf qu’elle est un garçon. Ne l’appelez plus Edwin. Tel est son parcours, telle est sa tragédie. Pas parce qu’elle est fille dans sa tête mais parce que le monde ne la verra jamais comme telle. Un soir, James rencontra Daniela qui faisait la manche. L’imposture physique révélée, l’histoire d’amour, en d’autres lieux, aurait muté en histoire de haine meurtrière. Mais pas dans Cold Case. Daniela, c’est l’histoire de James qui a vu Daniela et non Edwin, qui avait conscience qu’elle était ce qui pouvait lui arriver de mieux. Une lucidité exprimée un bref instant trop tard. Daniela, c’est également l’histoire d’une brève trahison. Celle d’intimes funérailles aussi. Toujours à l’abri des regards. Tel est son parcours, telle est sa tragédie.
Récurrents dans la série, la culpabilité, le remords et la rédemption participent au travail d’exhumation. Enterrées dans d’imposantes et poignantes archives, les affaires en question gagnent ainsi en véracité et en intensité. Enterrées trop tôt ? Pas toujours. Le temps est parfois le gage d’une rédemption réussie. Exhumer ces affaires non élucidées n’est donc pas seulement l’affaire de Lily Rush et de ses collègues. Dans le cas de Daniela, il s’agissait de mettre un nom sur un carton et d’y adjoindre un visage. Lily Rush choisira celui de Daniela. Et c’est à James que Daniela reservera sa cathartique apparition. Daniela qui l’accueillera avec une danse et un magnifique sourire. Un sourire bouleversant et inoubliable.
Récurrents dans la série, la culpabilité, le remords et la rédemption participent au travail d’exhumation. Enterrées dans d’imposantes et poignantes archives, les affaires en question gagnent ainsi en véracité et en intensité. Enterrées trop tôt ? Pas toujours. Le temps est parfois le gage d’une rédemption réussie. Exhumer ces affaires non élucidées n’est donc pas seulement l’affaire de Lily Rush et de ses collègues. Dans le cas de Daniela, il s’agissait de mettre un nom sur un carton et d’y adjoindre un visage. Lily Rush choisira celui de Daniela. Et c’est à James que Daniela reservera sa cathartique apparition. Daniela qui l’accueillera avec une danse et un magnifique sourire. Un sourire bouleversant et inoubliable.
Lost Highway
A corps et âmes perdus,
Dans les ténèbres ou la blanche et aveuglante clarté,
Langage du corps, sans le décor…
A coeurs sauvages,
Echangisme amnésique, mais mémoire de la peau…
Dans les ténèbres ou la blanche et aveuglante clarté,
Langage du corps, sans le décor…
A coeurs sauvages,
Echangisme amnésique, mais mémoire de la peau…
G Point
Un ange non pas déchu, mais qui, au contraire, échoit ; le héros étheré, épuré, de Zabriskie Point meurt d’avoir atterri. Après avoir plané, après avoir connu l’extase, il s’évanouit à temps. A temps avant de fouler à nouveau l’asphalte. Avant de s’y associer, avant d’en être corrompu, avant de s’y consumer. Son âme amante, mais pas jumelle, sur-vit d’avoir fait exploser la civilisation. Un Fuck you au consumérisme effrené de l’Amérique, orchestré par un descendant de son inventeur.
Zabriskie Point revisite le mythe d’Adam et Eve. Antonioni en crée une version errante et anarchiste dans le cadre du rêve américain. Un rêve qu’il purifie, jusqu’à le réduire à une partouze tellurique, à des ébats fusionnels avec la Terre des origines, en parfait accord avec une Terre à nouveau familière et génitrice. Chez Antonioni, le rêve américain est débarassé d’une trame, de ses oripeaux hollywoodiens, de son matérialisme. Il n’en conserve que l’essentiel : le vertige des sens, l’évasion grâce au véhicule. Un véhicule en guise d’appendice à un corps trop limité. Un monomoteur pour Adam. Une auto pour Eve. Un Adam en jean et à la coupe rebelle qui a la tête dans un ciel virginal. Une Eve qui n’a pas dit son dernier mot terrestre. Une Eve qui, le corps chevillé à la terre, la cuisse belle, ne pourra retenir son Adam volage, et qui, toujours marquée de son empreinte légère, va s’offrir un méga-orgasme final solitaire. Un méga-orgasme à répétitions.
Zabriskie Point revisite le mythe d’Adam et Eve. Antonioni en crée une version errante et anarchiste dans le cadre du rêve américain. Un rêve qu’il purifie, jusqu’à le réduire à une partouze tellurique, à des ébats fusionnels avec la Terre des origines, en parfait accord avec une Terre à nouveau familière et génitrice. Chez Antonioni, le rêve américain est débarassé d’une trame, de ses oripeaux hollywoodiens, de son matérialisme. Il n’en conserve que l’essentiel : le vertige des sens, l’évasion grâce au véhicule. Un véhicule en guise d’appendice à un corps trop limité. Un monomoteur pour Adam. Une auto pour Eve. Un Adam en jean et à la coupe rebelle qui a la tête dans un ciel virginal. Une Eve qui n’a pas dit son dernier mot terrestre. Une Eve qui, le corps chevillé à la terre, la cuisse belle, ne pourra retenir son Adam volage, et qui, toujours marquée de son empreinte légère, va s’offrir un méga-orgasme final solitaire. Un méga-orgasme à répétitions.
Innocenzia
Levez-vous ma fille. Approchez.
(Mon père)
Venez près de moi et asseyez-vous à côté de votre père qui vous attend depuis si longtemps.
El laberinto del fauno. Una pelicula de Guillermo Del Toro.
(Mon père)
Venez près de moi et asseyez-vous à côté de votre père qui vous attend depuis si longtemps.
El laberinto del fauno. Una pelicula de Guillermo Del Toro.
Rome
Les Soprano et Rome, deux séries produites par la fameuse compagnie HBO (la référence en termes d’intensité et de qualité d’écriture), ont, outre leurs racines latines, bien des points communs. Avant tout, celui de pulvériser les limites connues des genres auxquelles elles se rattachent, réduisant à de simples nota bene les meilleurs films évoquant la mafia et la Rome antique. Le sexe, la violence, le pouvoir, thèmes inhérents à ces deux genres cousins, ne trouvent ici aucune censure. Les Soprano et Rome plongent le spectateur dans des documentaires crus et sans ambages, mais ô combien fascinants, sur les moeurs des mafiosi et des Romains (dévoilés dès le fantastique générique à travers des graffitis animés), rendant les histoires qu’elles racontent plus précieuses que celles des Corleone ou de Maximus. Les aventures de Pullo et Vorenus, davantage que celles de César et Pompée, valent tous les livres d’histoire. Mais si les chroniques de Tony Soprano s’apparentent à la comédie humaine, celles de Titus Pullo invoquent la tragédie. Antique mais distillée avec la plus grande des subtilités. Les morceaux de bravoure de la série ne se logent pas dans les batailles mais dans les rapports intimes des personnages. Dans un lit, dans un enclos pour esclaves, dans un sénat, dans une minuscule arène. Les petites histoires valent bien plus que la grande. Milius le grand forgeron fait taire la tragédie épique de Conan pour celle, infiniment pudique, de cet enfant gaulois réduit en esclavage qui, le regard hébété, reste blotti contre le corps putréfié de sa mère morte de dyssentrie. Pour celle du grand chef gaulois Vercingetorix qui, après avoir été étranglé en grandes pompes lors du sacre de César, voit son corps jeté en patures dans une porcherie, puis, à la nuit tombée, s’en voit soustrait par des esclaves gaulois pour d’émouvantes et dignes funérailles. A la lueur des flambeaux.
La première saison de Rome ne se clôt pas sur l’assassinat de César, mais sur une image magnifique, celle montrant Pullo le vétéran des guerres de César, une brute au coeur tendre (une projection de Milius), s’en aller, main dans la main, avec la belle Irène. La belle affranchie.
La première saison de Rome ne se clôt pas sur l’assassinat de César, mais sur une image magnifique, celle montrant Pullo le vétéran des guerres de César, une brute au coeur tendre (une projection de Milius), s’en aller, main dans la main, avec la belle Irène. La belle affranchie.
Le corps de Marc-Antoine
De prime importance chez Milius, le corps, avant tout, signe l’appartenance de son locataire à une tribu, un peuple, une vengeance, une mission. Mieux, à une âme soeur. Toujours dédicacé. Celui de Marc Antoine était tout dédié à Cléopâtre. Marqué d’un serpent, côté coeur. Jusqu’à la main qui la caressait tant. Le corps de Marc Antoine, décadent et grimé, était devenu le temple de Cléopâtre. La dernière reine d’Egypte en avait fait son temple érotique, son temple païen, son temple égyptien. Version fin de civilisation. Le corps autrefois romain n’était pas aussi sensuel. Vorenus aura beau redonner à Marc Antoine son corps d’origine, en le rêvetant de son armure romaine, en le statufiant, en le théatralisant, les larmes et les baisers de Cléopâtre viendront lui rendre son corps de coeur. Son corps aimant, son corps amant. Et presque lui donner une seconde vie. Avant que la petite reine d’Egypte n’offre à l’aspic son corps à elle.
Une luciole
éclaire
une autre luciole morte
Koi Nagata
éclaire
une autre luciole morte
Koi Nagata
La passion de Marc-Antoine
Cléopâtre et Marc Antoine, un couple hollywoodien jusque-là. Délavé, très anglo-saxon. Dénaturé, glamour, bienséant, très respectable. Très Taylor et Burton. Très Mankiewicz. Jusqu’à Rome, jusqu’à John Milius qui dynamite le mythe. Qui le rend caduque. Sans pour autant annuler Elisabeth et Richard. Son Cléopâtre et Marc Antoine, follement passionné et débauché, est friand de partouzes géantes. Tandis qu’Octave, futur Auguste, est tout occupé à essayer de “civiliser” les moeurs des Romains. Bientôt chrétiens. Les préparer au sexe réprimé, opprimé, restreint. Monothéiste, monogame, monotone. Le triumvir de Rome et la dernière reine d’Egypte, eux, baisent dans chaque recoin de leur palais d’Alexandrie. Contre chacune de ses colonnes papyriformes. Débarassés de l’apparat royal. Lui, en gypsy magnifique, des bijoux plein la poitrine, fardé et voilé à l’oriental. Elle, en sauvage amazone. Jouant au tir à l’arc aux dépens de ses conseillers. Ambiance décadente et orgiaque fin de règne, très fellinien. Fin dynastique, fin des Ptolémées. Fin de la grandiose Egypte, déjà bien consommée. Avant ce fameux double suicide, désaccordé. A l’épée romaine et à l’aspic égyptien.
Babylon 5
Ici la flotte White Star. Nous refusons de nous rendre. Nous ne nous retirerons pas, le commandeur Susan Ivanova à la tête des vaisseaux Rangers.
(Qui est-ce ? Identifiez-vous)
Qui suis-je ? Je suis Susan Ivanova. Commandeur. La fille d’Andreï et de Sophie Ivanov. Je suis le bras de la vengeance et le pied qui va botter vos pauvres fesses, et vous renvoyer sur la Terre, mon coeur. Je suis l’incarnation de la mort. Et la dernière chose vivante que vous verrez. Dieu m’envoie.
Ni reddition, ni retraite, telle est la devise de la série et tel est l’esprit qui anime le Capitaine John Sheridan, commandant de Babylon 5, vétéran et héros de la guerre contre les Minbaris (dont la capitulation, à la veille d’anéantir la race humaine, compte parmi les nombreuses énigmes de la série) et son second, le Commander Susan Ivanova.
Babylon 5 raconte l’histoire d’une station spatiale dont la mission, outre de favoriser les échanges commerciaux inter-planétaires, est de maintenir la paix au sein de la Galaxie. De “port d’escale pour les diplomates, les entrepreneurs, les escrocs, les vagabonds” où se rencontrent humains, Minbaris, Narns, Centauris, Drazis, Brakiris, Pak’ma’ras et maintes autres races, elle va se transformer en “ "balise étincelante dans l’espace, seule dans la nuit” " lorsqu’elle sera conduite, sous le commandement de Sheridan, à jouer un rôle majeur dans les soubresauts de l’univers, dans le choc entre les grandes puissances et les puissances émergentes à la recherche de leur affranchissement, dans l’émancipation des peuples opprimés. Le refuge des derniers espoirs. Une forteresse de lumière pour affronter l’Obscurité. Créée par J. Michael Straczynski (grand animateur et figure de proue des comics books), Babylon 5 est un monument de la SF. Car B5, dans ses thèmes (l’imperialisme colonial, le concept divin…), ses circonvolutions (les jeux de pouvoirs), ses enjeux à l’échelle de la Galaxie, matérialise sur écran les visions et préoccupations des meilleurs romans de science-fiction, ceux de l’âge d’or, ceux de Robert A. Heinlein, d’A.E Van Vogt, en vérité les influences majeures de la série.
Rejoignant le sujet d’A la poursuite des Slans sur les affres de la télépathie (le roman parle de la persecution dont sont victimes les télépathes ; la communauté de Byron répond à celle de Jommy Cross), Babylon 5 a le souffle libertaire de Révolte sur la Lune, celui, épique et flamboyant, des spaces operas d’Edmond Hamilton (les Drakhs ont la même démarche que les H’harns), tout en prolongeant le message que voulait transmettre Kubrick dans 2001 : la théorie du chaos et de l’évolution, celle diffusée par le monolithe noir (l’homme ne gagnera les étoiles que parce que son ancêtre le singe aura appris à tuer), l’explication rationnelle et la définition scientifique du divin.
A une époque lointaine où les ancêtres de l’homme se détachaient en rampant du limon originel, il a du y avoir dans l’univers des civilisations qui ont envoyé leurs vaisseaux spatiaux explorer les bords les plus reculés du cosmos et conquérir les secrets de la nature. De telles intelligences cosmiques, qui ont augmenté leurs connaissances pendant des éternités de temps, seraient aussi éloignés de l’homme que nous le sommes des fourmis. Ils peuvent être en communication télépathique instantanée à travers l’univers ; ils ont peut-être conquis le contrôle de la matière et peuvent se télétransporter télékinétiquement en un instant à travers les galaxies comme consciences immortelles et incorporelles. En commençant à envisager ces possibilités, vous vous rendez bien compte que les implications religieuses sont inévitables, parce que tous les attributs fondamentaux de ces intelligences extraterrestres sont les attributs que nous donnons à Dieu.
Ainsi parlait Stanley Kubrick.
Babylon 5 s’épanouit dans la rage comme dans le mariage, celui des corps et celui des esprits : la communion de Kosh avec son vaisseau organique (son dernier vol, aussi bouleversant que magnifique), celle de Sheridan et de Kosh, en sont les plus beaux témoignages. Hautement symbolique, Babylon 5 l’est d’abord dans les corps et les formes. Si l’aspect des vaisseaux reflète l’âme de leurs locataires, l’aspect des races en dit tout aussi long sur leurs velléités : des êtres de lumière qui se cachent sous une armure et qui, lorsqu’ils doivent apparaître au grand jour (le sauvetage de Sheridan, l’apparition de Valen), s’adaptent à leurs spectateurs et ne dévoilent pas leur vrai “visage” ; des êtres arachnéens furtifs, qui tissent leurs toiles et tirent les ficelles ; des humanoïdes soucieux de leur apparence (fiers comme des paons) et qui, tels des vampires, ont les dents longues et affutées ; des êtres reptiliens parés de peaux splendides, ou sommaires.
En suivant les aventures de Sheridan et Kosh, de G’Kar et Lyta, d’Ivanova et Marcus, le spectateur verra les rayons fabuleux et les navires en feu qu’évoquait Batty le Nexus, car Babylon 5 est, à l’image de Blade Runner, un grandiose poème du futur, car Babylon 5 est, après BSG, le plus beau des opéras et la plus belle des odyssées, car Babylon 5 se vit autant qu’elle se voit, car le spectateur dont il est question aura gagné un supplément d’âme, car le spectateur que je suis n’aura plus qu’une seule pensée en tête : exister en 2258 et s’en aller vagabonder en compagnie de Lyta et G’Kar…
Enchanté, Mr Garibaldi.
Nos séparations sous-entendent des retrouvailles, ailleurs, en d’autres temps, au cours d’autres vies. Nos âmes font partie de ces lieux. Et nous repasserons encore par ici.
Paix à l’âme d’Andreas Katsulas, merveilleux en G’Kar, qui a quitté ce monde pour rejoindre les étoiles, et, sans aucun doute, la planète Narn.
(Qui est-ce ? Identifiez-vous)
Qui suis-je ? Je suis Susan Ivanova. Commandeur. La fille d’Andreï et de Sophie Ivanov. Je suis le bras de la vengeance et le pied qui va botter vos pauvres fesses, et vous renvoyer sur la Terre, mon coeur. Je suis l’incarnation de la mort. Et la dernière chose vivante que vous verrez. Dieu m’envoie.
Ni reddition, ni retraite, telle est la devise de la série et tel est l’esprit qui anime le Capitaine John Sheridan, commandant de Babylon 5, vétéran et héros de la guerre contre les Minbaris (dont la capitulation, à la veille d’anéantir la race humaine, compte parmi les nombreuses énigmes de la série) et son second, le Commander Susan Ivanova.
Babylon 5 raconte l’histoire d’une station spatiale dont la mission, outre de favoriser les échanges commerciaux inter-planétaires, est de maintenir la paix au sein de la Galaxie. De “port d’escale pour les diplomates, les entrepreneurs, les escrocs, les vagabonds” où se rencontrent humains, Minbaris, Narns, Centauris, Drazis, Brakiris, Pak’ma’ras et maintes autres races, elle va se transformer en “ "balise étincelante dans l’espace, seule dans la nuit” " lorsqu’elle sera conduite, sous le commandement de Sheridan, à jouer un rôle majeur dans les soubresauts de l’univers, dans le choc entre les grandes puissances et les puissances émergentes à la recherche de leur affranchissement, dans l’émancipation des peuples opprimés. Le refuge des derniers espoirs. Une forteresse de lumière pour affronter l’Obscurité. Créée par J. Michael Straczynski (grand animateur et figure de proue des comics books), Babylon 5 est un monument de la SF. Car B5, dans ses thèmes (l’imperialisme colonial, le concept divin…), ses circonvolutions (les jeux de pouvoirs), ses enjeux à l’échelle de la Galaxie, matérialise sur écran les visions et préoccupations des meilleurs romans de science-fiction, ceux de l’âge d’or, ceux de Robert A. Heinlein, d’A.E Van Vogt, en vérité les influences majeures de la série.
Rejoignant le sujet d’A la poursuite des Slans sur les affres de la télépathie (le roman parle de la persecution dont sont victimes les télépathes ; la communauté de Byron répond à celle de Jommy Cross), Babylon 5 a le souffle libertaire de Révolte sur la Lune, celui, épique et flamboyant, des spaces operas d’Edmond Hamilton (les Drakhs ont la même démarche que les H’harns), tout en prolongeant le message que voulait transmettre Kubrick dans 2001 : la théorie du chaos et de l’évolution, celle diffusée par le monolithe noir (l’homme ne gagnera les étoiles que parce que son ancêtre le singe aura appris à tuer), l’explication rationnelle et la définition scientifique du divin.
A une époque lointaine où les ancêtres de l’homme se détachaient en rampant du limon originel, il a du y avoir dans l’univers des civilisations qui ont envoyé leurs vaisseaux spatiaux explorer les bords les plus reculés du cosmos et conquérir les secrets de la nature. De telles intelligences cosmiques, qui ont augmenté leurs connaissances pendant des éternités de temps, seraient aussi éloignés de l’homme que nous le sommes des fourmis. Ils peuvent être en communication télépathique instantanée à travers l’univers ; ils ont peut-être conquis le contrôle de la matière et peuvent se télétransporter télékinétiquement en un instant à travers les galaxies comme consciences immortelles et incorporelles. En commençant à envisager ces possibilités, vous vous rendez bien compte que les implications religieuses sont inévitables, parce que tous les attributs fondamentaux de ces intelligences extraterrestres sont les attributs que nous donnons à Dieu.
Ainsi parlait Stanley Kubrick.
Babylon 5 s’épanouit dans la rage comme dans le mariage, celui des corps et celui des esprits : la communion de Kosh avec son vaisseau organique (son dernier vol, aussi bouleversant que magnifique), celle de Sheridan et de Kosh, en sont les plus beaux témoignages. Hautement symbolique, Babylon 5 l’est d’abord dans les corps et les formes. Si l’aspect des vaisseaux reflète l’âme de leurs locataires, l’aspect des races en dit tout aussi long sur leurs velléités : des êtres de lumière qui se cachent sous une armure et qui, lorsqu’ils doivent apparaître au grand jour (le sauvetage de Sheridan, l’apparition de Valen), s’adaptent à leurs spectateurs et ne dévoilent pas leur vrai “visage” ; des êtres arachnéens furtifs, qui tissent leurs toiles et tirent les ficelles ; des humanoïdes soucieux de leur apparence (fiers comme des paons) et qui, tels des vampires, ont les dents longues et affutées ; des êtres reptiliens parés de peaux splendides, ou sommaires.
En suivant les aventures de Sheridan et Kosh, de G’Kar et Lyta, d’Ivanova et Marcus, le spectateur verra les rayons fabuleux et les navires en feu qu’évoquait Batty le Nexus, car Babylon 5 est, à l’image de Blade Runner, un grandiose poème du futur, car Babylon 5 est, après BSG, le plus beau des opéras et la plus belle des odyssées, car Babylon 5 se vit autant qu’elle se voit, car le spectateur dont il est question aura gagné un supplément d’âme, car le spectateur que je suis n’aura plus qu’une seule pensée en tête : exister en 2258 et s’en aller vagabonder en compagnie de Lyta et G’Kar…
Enchanté, Mr Garibaldi.
Nos séparations sous-entendent des retrouvailles, ailleurs, en d’autres temps, au cours d’autres vies. Nos âmes font partie de ces lieux. Et nous repasserons encore par ici.
Paix à l’âme d’Andreas Katsulas, merveilleux en G’Kar, qui a quitté ce monde pour rejoindre les étoiles, et, sans aucun doute, la planète Narn.
Qui êtes-vous ?
Que voulez-vous ?
Pourquoi êtes-vous ici ?
Où allez-vous ?
(Lorien !)
Croyiez-vous avoir été oublié ?
Nous vous attendions.
(Au-delà des limbes)
Oui.
(Pourrais-je revenir ?)
Non.
Ce voyage se termine.
Un autre commence.
Il est temps de se reposer maintenant.
(Eh bien… Regardez-çà. Le soleil se lève.)
Nous venons des étoiles, nous retournons aux étoiles …
Andreas
Nous sommes tous la somme de nos larmes. Si elles sont rares, naît l’aridité, où rien ne pousse. Si elles abondent, elles effacent le meilleur en nous. Ma saison des pluies s’en est allée pour l’heure. La vôtre commence.
Voyez-vous, quand nous quittons un endroit, nous en emmenons quelque chose. Et quelque chose de nous reste. Allez n’importe où dans la station, quand le silence règne. Et écoutez. Vous finirez par entendre l’écho de nos conversations. Chaque pensée, chaque mot prononcé. Longtemps après notre disparition, nos voix s’attarderont sur ces murs. Aussi longtemps que ce lieu vivra. Mais j’avoue que la part de moi-même qui s’en va regrettera la part de vous qui reste…
Ainsi parlait G’Kar le Narn.
Par ce billet, je souhaite vous rendre un vibrant hommage, Monsieur Katsulas. Pas seulement parce que vous étiez un immense acteur et que vous prêtiez votre voix à un magnifique personnage. Mais surtout parce que vous lui prêtiez bien davantage qu’une voix, parce qu’il fait nul doute pour moi que vous lui accordiez également votre âme et votre coeur, que chaque pensée, chaque mot de G’Kar vous appartiennent aussi, soufflés par une âme et un coeur magnifiques. Parce que cette voix qui était la votre, si chaleureuse, était aussi profondément sincère.
Bien que vous nous ayez quitté, Monsieur Katsulas, aussi longtemps qu’un médium existera pour diffuser la série qui vous abritait, aussi longtemps que vous continuerez à irradier ceux qui vous ont connu, vous G’Kar, vous Andreas, aussi longtemps que nous les irradiés vivrons, vous vivrez, et l’écho de chacune de vos pensées, de chacune de vos paroles, continuera à nous border, à résonner en nous comme un doux et noble murmure…
Voyez-vous, quand nous quittons un endroit, nous en emmenons quelque chose. Et quelque chose de nous reste. Allez n’importe où dans la station, quand le silence règne. Et écoutez. Vous finirez par entendre l’écho de nos conversations. Chaque pensée, chaque mot prononcé. Longtemps après notre disparition, nos voix s’attarderont sur ces murs. Aussi longtemps que ce lieu vivra. Mais j’avoue que la part de moi-même qui s’en va regrettera la part de vous qui reste…
Ainsi parlait G’Kar le Narn.
Par ce billet, je souhaite vous rendre un vibrant hommage, Monsieur Katsulas. Pas seulement parce que vous étiez un immense acteur et que vous prêtiez votre voix à un magnifique personnage. Mais surtout parce que vous lui prêtiez bien davantage qu’une voix, parce qu’il fait nul doute pour moi que vous lui accordiez également votre âme et votre coeur, que chaque pensée, chaque mot de G’Kar vous appartiennent aussi, soufflés par une âme et un coeur magnifiques. Parce que cette voix qui était la votre, si chaleureuse, était aussi profondément sincère.
Bien que vous nous ayez quitté, Monsieur Katsulas, aussi longtemps qu’un médium existera pour diffuser la série qui vous abritait, aussi longtemps que vous continuerez à irradier ceux qui vous ont connu, vous G’Kar, vous Andreas, aussi longtemps que nous les irradiés vivrons, vous vivrez, et l’écho de chacune de vos pensées, de chacune de vos paroles, continuera à nous border, à résonner en nous comme un doux et noble murmure…
La voie lactée
Aux étoiles j’ai dit un soir :
“Vous ne paraissez pas heureuses” ;
Vos lueurs, dans l’infini noir,
Ont des tendresses douloureuses ;
Et je crois voir au firmament
Un deuil blanc mené par des vierges
Qui portent d’innombrables cierges
Et se suivent languissamment.
Êtes-vous toujours en prière ?
Êtes-vous des astres blessés ?
Car ce sont des pleurs de lumière,
Non des rayons, que vous versez.
Vous, les étoiles, les aïeules
Des créatures et des dieux,
Vous avez des pleurs dans les yeux…”
Elles m’ont dit : “Nous sommes seules…
Chacune de nous est très loin
Des soeurs dont tu la crois voisine ;
Sa clarté caressante et fine
Dans sa patrie est sans témoin ;
Et l’intime ardeur de ses flammes
Expire aux cieux indifférents.”
Je leur ait dit : “Je vous comprends !
Car vous ressemblez à des âmes :
Ainsi que vous, chacune luit
Loin des soeurs qui semblent près d’elle.
Et la solitaire immortelle
Brûle en silence dans la nuit.”
Sully Prudhomme, Les solitudes.
Avatar
Espace, frontière de l’infini, vers laquelle voyage notre vaisseau spatial. Sa mission : exploiter de nouveaux mondes étranges, ruiner de nouvelles vies, d’autres civilisations, et au mépris du danger, avancer vers l’inconnu…
Avatar, avant d’adapter la légende de Pocahontas en mode science fiction (l’apprentissage de l’étranger, la romance inter-raciale, la volonté impérialiste et vorace des uns, la volonté et la capacité résistante de leurs victimes), raconte l’aventure d’un homme qui voit, entend, vole, communie avec le cosmos, fait l’amour, s’extasie, fait l’expérience du vert et innocent Paradis de Baudelaire, en dormant. Chacun de ses réveils se révélant forcément de plus en plus douloureux, l’homme en question, cloué sur un fauteuil roulant, étant aveugle (de par son appartenance au clan des guerriers aux crânes rasés mais aussi par nature). Jusqu’à cette mort et cette naissance finale, qui conduit à une image magnifique. Soit un regard immense et grandiose qui en évoque deux autres, celui d’Hera à la fin de Battlestar Galactica, celui de Motoko Kusanagi au début et à la fin de Ghost in the shell. Soit un regard-univers sur l’Univers. Un regard en osmose, qui lui rend hommage. Souligner qu’Avatar cite Mamoru Oshii et ses obsessions cybernético-robotiques (Ghost in the shell mais aussi Patlabor 2), Hayao Miyazaki (Mon voisin Totoro) ou Terrence Malick (Le nouveau monde) ne saurait faire affront à Cameron tant celui-ci prolonge leurs messages pour en faire une oeuvre littéralement universelle. Qui intéresse autant notre planète et ses habitants, actuels, futurs ou ex (Avatar venge tous les Indiens d’Amérique, spécialement ceux d’Amazonie) que les milliards de Pandora de l’Univers. Et d’où il ressort que la magie dudit Univers s’accomode mal de la civilisation.
Au coeur d’Avatar, comme pour Ghost in the shell, il est donc question de l’âme et de son véhicule. Mais aussi d’un grand collectif. Pour le film d’Oshii, un arbre électro-informatique nommé Net. Pour le film de Cameron, un collectif électro-chimique auquel chaque être vivant est connecté, un collectif représenté par un arbre au sein duquel les âmes sont reversées à la mort de leur véhicule. Un collectif qui s’enrichit ainsi, qui renvoie au concept naturaliste (voire panthéiste) du divin, plus poétique (voire plus sensé) que le concept monothéiste nourri par des religions égocentriques. Des religions dont l’homme s’est entouré et qui l’ont en grande partie défini, et qui, à travers leurs us et coutumes souvent arriérés (voire débiles), se sont préoccupés essentiellement de trafic d’influence (sociale et politique), et si peu pour l’univers qui entoure l’être humain.
Souligner aussi qu’avec Avatar, James Cameron dresse la nouvelle limite au pouvoir d’immersion du cinéma. Pour tout ce qui a été dit précédemment, mais aussi grâce au pouvoir extraordinaire en trompe l’oeil de la 3D, procédé qui, pour ce cinéaste révolutionnaire et sincère, n’est en aucun cas un gadget pour gogos. Car le spectateur, en vivant les aventures de Jake Sully et Neytiri, aura rarement autant vu. Et eu autant vertige.
Nous avons vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez pas croire, ni voir ; nous avons vu des cascades de cristal arroser des nuages, et vu ces nuages ravir le coeur de nos frères, nous avons vu de grands et terribles fauves pleurer la grâce de nos soeurs, et vu nos soeurs dompter leurs rêves de conquête ; car nos yeux sont plein de joies et de chimères, et que nos lits sont faits de mousse et d’étoiles, nos âmes sont argentines et nos palais infinis…
Avatar, avant d’adapter la légende de Pocahontas en mode science fiction (l’apprentissage de l’étranger, la romance inter-raciale, la volonté impérialiste et vorace des uns, la volonté et la capacité résistante de leurs victimes), raconte l’aventure d’un homme qui voit, entend, vole, communie avec le cosmos, fait l’amour, s’extasie, fait l’expérience du vert et innocent Paradis de Baudelaire, en dormant. Chacun de ses réveils se révélant forcément de plus en plus douloureux, l’homme en question, cloué sur un fauteuil roulant, étant aveugle (de par son appartenance au clan des guerriers aux crânes rasés mais aussi par nature). Jusqu’à cette mort et cette naissance finale, qui conduit à une image magnifique. Soit un regard immense et grandiose qui en évoque deux autres, celui d’Hera à la fin de Battlestar Galactica, celui de Motoko Kusanagi au début et à la fin de Ghost in the shell. Soit un regard-univers sur l’Univers. Un regard en osmose, qui lui rend hommage. Souligner qu’Avatar cite Mamoru Oshii et ses obsessions cybernético-robotiques (Ghost in the shell mais aussi Patlabor 2), Hayao Miyazaki (Mon voisin Totoro) ou Terrence Malick (Le nouveau monde) ne saurait faire affront à Cameron tant celui-ci prolonge leurs messages pour en faire une oeuvre littéralement universelle. Qui intéresse autant notre planète et ses habitants, actuels, futurs ou ex (Avatar venge tous les Indiens d’Amérique, spécialement ceux d’Amazonie) que les milliards de Pandora de l’Univers. Et d’où il ressort que la magie dudit Univers s’accomode mal de la civilisation.
Au coeur d’Avatar, comme pour Ghost in the shell, il est donc question de l’âme et de son véhicule. Mais aussi d’un grand collectif. Pour le film d’Oshii, un arbre électro-informatique nommé Net. Pour le film de Cameron, un collectif électro-chimique auquel chaque être vivant est connecté, un collectif représenté par un arbre au sein duquel les âmes sont reversées à la mort de leur véhicule. Un collectif qui s’enrichit ainsi, qui renvoie au concept naturaliste (voire panthéiste) du divin, plus poétique (voire plus sensé) que le concept monothéiste nourri par des religions égocentriques. Des religions dont l’homme s’est entouré et qui l’ont en grande partie défini, et qui, à travers leurs us et coutumes souvent arriérés (voire débiles), se sont préoccupés essentiellement de trafic d’influence (sociale et politique), et si peu pour l’univers qui entoure l’être humain.
Souligner aussi qu’avec Avatar, James Cameron dresse la nouvelle limite au pouvoir d’immersion du cinéma. Pour tout ce qui a été dit précédemment, mais aussi grâce au pouvoir extraordinaire en trompe l’oeil de la 3D, procédé qui, pour ce cinéaste révolutionnaire et sincère, n’est en aucun cas un gadget pour gogos. Car le spectateur, en vivant les aventures de Jake Sully et Neytiri, aura rarement autant vu. Et eu autant vertige.
Nous avons vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez pas croire, ni voir ; nous avons vu des cascades de cristal arroser des nuages, et vu ces nuages ravir le coeur de nos frères, nous avons vu de grands et terribles fauves pleurer la grâce de nos soeurs, et vu nos soeurs dompter leurs rêves de conquête ; car nos yeux sont plein de joies et de chimères, et que nos lits sont faits de mousse et d’étoiles, nos âmes sont argentines et nos palais infinis…
Guerre, amour et compagnon
Accompagné de Spock, du Dr Mc Coy et d’une médiatrice de la Fédération, Kirk, à bord de la navette Galilée, doit se rendre sur une planète en guerre dans le cadre d’une mission diplomatique, mais échoue sur un astéroïde après sa rencontre avec une forme gazeuse d’origine inconnue. L’astéroïde, contre toute attente, est habité. Par un humain, confortablement installé, et par l’entité à l’origine du crash de la navette, entité dénommée Compagnon, qui entretient d’étranges rapports avec cet homme qui prétend se nommer Zefram Cochran, inventeur de la distorsion, censé être mort depuis un siècle et demi.
Prisonniers de cet astéroïde, dans l’impossibilité de contacter l’Enterprise, les rescapés vont devoir lutter contre la volonté de Compagnon de donner à Cochran de la compagnie humaine.
L’aspect kitsch de Star Trek Classic (le carton-pâte des décors), loin d’être un défaut, donne à ses histoires toute la poésie qu’elles méritent, exhale des couleurs uniques, reconnaissables entre milles, lui confèrant un charme que le temps ne peut fletrir. Les idées les plus simples sont souvent les plus belles et les plus durables. Ainsi, il y a cette scène magnifique, l’une des plus poétiques vues sur un écran, où Compagnon, après avoir investi le corps mourant de la médiatrice, pour retrouver son regard d’avant, place devant son nouveau visage un chale multicolore pour contempler l’être aimé.
Prisonniers de cet astéroïde, dans l’impossibilité de contacter l’Enterprise, les rescapés vont devoir lutter contre la volonté de Compagnon de donner à Cochran de la compagnie humaine.
L’aspect kitsch de Star Trek Classic (le carton-pâte des décors), loin d’être un défaut, donne à ses histoires toute la poésie qu’elles méritent, exhale des couleurs uniques, reconnaissables entre milles, lui confèrant un charme que le temps ne peut fletrir. Les idées les plus simples sont souvent les plus belles et les plus durables. Ainsi, il y a cette scène magnifique, l’une des plus poétiques vues sur un écran, où Compagnon, après avoir investi le corps mourant de la médiatrice, pour retrouver son regard d’avant, place devant son nouveau visage un chale multicolore pour contempler l’être aimé.
Serenity
Serenity est un vaisseau spatial. Un vieux coucou qui porte mal son nom. Un personnage à part entière, qui ressemble beaucoup au Bebop de Watanabe. Mal, le Capitaine du Serenity, ressemble aussi beaucoup au cowboy de l’espace. Mal est le héros et le vétéran d’une guerre perdue. Une guerre de sécession. Pour emmerder le vainqueur, il est devenu un hors-la-loi. Mal, comme tous les champions de Whedon, s’est entouré d’une famille : Zoe, la seconde ; Kaylee, la jolie mécano qui en a ras-le-bol des plaisirs tirés de gadgets à pile ; Jayne, le gros bras qui, à chaque casse, beugle le nom de Mal ; Wash, le pilote ; deux auto-stoppeurs, un docteur et sa soeur, River, une jeune télépathe aux talents cachés qui, en partie, vont se révéler ; Inara, la belle princesse, une courtisane désormais formatrice (elle apprend à mentir dans un palais du plaisir). Comme Buffy, Mal est confronté à un Caleb. Un croyant. Un pur de dur. C’est aussi son histoire. Whedon n’a de cesse de délivrer le même message : le mal réside et s’épanouit dans l’uniformité, le conformisme, l’intégrisme, le puritanisme, et ses serviteurs ont l’apparence de prêcheurs ou de yuppies (des morts-vivants en vérité) : l’opérateur dans Serenity, Caleb et ses larbins aveugles dans Buffy, les employés de Wolfram et Hart dans Angel. Le mal dans Serenity et chez Whedon se manifeste dans la lumière (la planète Miranda baignée d’une lumière blanche et aveuglante, les projecteurs des vaisseaux termites), les décors immaculés et asseptisés (les laboratoires de l’Alliance, ceux de l’Initiative dans Buffy, les bureaux de Wolfram et Hart dans Angel). Le bien, au contraire, se révèle dans les ténèbres, dans les décors rongés par la rouille, dans le bordel et le cosmopolisme. Celui de Blade Runner : le refuge du Serenity et de son équipage.
Serenity, le film, est un western et un road-movie galactique : les nouvelles terres formatées ont remplacé les déserts d’Amérique et d’Australie. Ceux de Billy et de Max.
Serenity est aussi une balade irlandaise. Au début de l’histoire, lorsque le Serenity a du mal à pénétrer l’atmosphère d’une planète pour permettre à son équipage d’y commettre un hold-up. Au milieu de l’histoire, lorsque Mal retrouve Book et sa communauté. A la fin de l’histoire, lorsque le Serenity décolle à nouveau, pour fendre un orage, en laissant un morceau de sa carlingue. Pour continuer l’aventure.
Serenity, comme souvent chez Whedon, met également en scène un couple : une robot femelle mélancolique et son créateur, un génie baptisé Mr Univers, autrement dit la projection de Joss.
Serenity, après celle d’April et de Buffy, raconte aussi une balançoire. Et celle-ci est en feu.
Serenity, le film, est un western et un road-movie galactique : les nouvelles terres formatées ont remplacé les déserts d’Amérique et d’Australie. Ceux de Billy et de Max.
Serenity est aussi une balade irlandaise. Au début de l’histoire, lorsque le Serenity a du mal à pénétrer l’atmosphère d’une planète pour permettre à son équipage d’y commettre un hold-up. Au milieu de l’histoire, lorsque Mal retrouve Book et sa communauté. A la fin de l’histoire, lorsque le Serenity décolle à nouveau, pour fendre un orage, en laissant un morceau de sa carlingue. Pour continuer l’aventure.
Serenity, comme souvent chez Whedon, met également en scène un couple : une robot femelle mélancolique et son créateur, un génie baptisé Mr Univers, autrement dit la projection de Joss.
Serenity, après celle d’April et de Buffy, raconte aussi une balançoire. Et celle-ci est en feu.
I Robot
Les hommes, ce sont encore les histoires de robots qui en parlent le mieux. Dixit Eve et Wall-E, les Cylons métaphysiques de Battlestar Galactica, Rachel et les réplicants parricides de Blade Runner, la cyborg existentielle de Ghost in the shell, Hal l’ordinateur capital de 2001, les androïdes de compagnie d’A.I, le Borg One de Voyager, le Data de The Next Generation, l’April romantique et mélancolique de Buffy, le Buffybot, Nono et Nénette…
Coquilles
C’est la gorge serrée que le spectateur finit cet épisode d’Angel. Winifred Burkle quitte le foyer parental pour prendre la route de la Cité des Anges. Et vivre les aventures fantastiques que l’on sait. Survivre dans une dimension où les humains sont nommés vaches. Et traités comme tels. Avant de rejoindre l’équipe d’Angel. Avant Un trou dans le monde. Avant que le démon Illyria ne prenne possession de son enveloppe corporelle. Et ne prenne l’habitude d’adresser des mensonges à Wes. Des mensonges ?
Ancien ayant régné sur la Terre bien avant l’avènement des humains, du Loup, du Belier et du Cerf, après avoir sommeillé des millions d’années dans le trou du monde, Illyria a la ferme intention de reconquérir son royaume en levant une nouvelle fois sa grandiose armée. Mais l’armée en question n’est plus que cendres et poussière depuis longtemps. Et son majestueux palais n’est plus que ruines. L’immense statue qui le représentait jadis ne lui renvoie plus la gloire qui fut la sienne. Coincé dans un monde trop petit pour son ego, Illyria, débarrassé de son Qwa’ha Xahn par un Wesley qui n’écoute plus Angel, va devoir apprendre à ses côtés le travail d’équipe. Et à gérer sa nouvelle coquille. Comme son titre l’indique, Shells, mais aussi les derniers épisodes d’Angel, racontent une histoire de coquilles. De flammes et d’étincelles encore davantage. La plus poignante jamais racontée et mise en scène. Nothing less. In loving memory of Fred…
Ancien ayant régné sur la Terre bien avant l’avènement des humains, du Loup, du Belier et du Cerf, après avoir sommeillé des millions d’années dans le trou du monde, Illyria a la ferme intention de reconquérir son royaume en levant une nouvelle fois sa grandiose armée. Mais l’armée en question n’est plus que cendres et poussière depuis longtemps. Et son majestueux palais n’est plus que ruines. L’immense statue qui le représentait jadis ne lui renvoie plus la gloire qui fut la sienne. Coincé dans un monde trop petit pour son ego, Illyria, débarrassé de son Qwa’ha Xahn par un Wesley qui n’écoute plus Angel, va devoir apprendre à ses côtés le travail d’équipe. Et à gérer sa nouvelle coquille. Comme son titre l’indique, Shells, mais aussi les derniers épisodes d’Angel, racontent une histoire de coquilles. De flammes et d’étincelles encore davantage. La plus poignante jamais racontée et mise en scène. Nothing less. In loving memory of Fred…
Illyria : Veux-tu que je te mentes maintenant ?
Wesley : Oui.
Gunn : Des nouvelles de Wes ?
Illyria : Wesley est mort. J’en ressens un chagrin que je suis incapable de contrôler.
Je souhaite me livrer à plus de violence.
Gunn : Je crois là que tu vas être comblée ma grande…
Bon alors. Prenez les 30000 démons à gauche et je…
Illyria : C’est peine perdue. Tu ne tiendras pas 10 minutes.
Gunn : Alors qu’elles soient mémorables !
Spike: Et au niveau plan ?
Angel : On se bat.
Spike : Tu ne peux pas préciser un peu ?
Angel : Eh bien, personnellement, çà me dirais bien de me faire le dragon.
Allez, au boulot !
Chagrin d'amour
I was made to love you raconte l’histoire d’April, un superbe robot femelle créée pour être amoureuse de son créateur (qui ne le mérite pas), Warren (un futur méchant pour Buffy, une future “victime” de Dark Willow) qui l’a abandonné pour convoler avec une “vraie” femme. Après avoir retrouvée le chemin de Sunnydale, April cherche Warren dans toute la ville, "questionne" tous ses habitants (Spike va mordre la poussière : April ne sert que Warren), se heurte à Buffy (en réalité l’inverse), retrouve Warren après avoir trouvé sa nouvelle compagne, malmène celle-ci, se heurte à nouveau à Buffy, lui grogne même après. Après avoir mis fin aux hostilités, Buffy et April se retrouvent sur une balançoire, à évoquer la perte de l’être cher. April n’a plus d’énergie, elle sourit avant de s’éteindre.
On l’aura compris, Chagrin d’amour est un épisode irrésistible, mais son final est l’un des plus beaux, l’un des plus mélancoliques jamais vus sur un écran.
On l’aura compris, Chagrin d’amour est un épisode irrésistible, mais son final est l’un des plus beaux, l’un des plus mélancoliques jamais vus sur un écran.
Cookie
Buffy : Ok. Je suis un gâteau. Je n’ai pas fini de cuire. Je n’ai pas encore pris ma forme définitive de joli gâteau.
Je dois traverser cette épreuve, puis une autre, et peut-être qu’un jour, je m’apercevrai que je suis prête.
Que je suis un gâteau. Et si alors, je veux que quelqu’un me bouffe, ou plutôt se régale d’une petite part de mon délicieux
gâteau tout chaud, çà me va très bien. Ce sera le moment. Quand je serai cuite.
Angel : La pensée qu’on puisse se régaler… Je dois reprendre ton histoire de gâteau ?
Je dois traverser cette épreuve, puis une autre, et peut-être qu’un jour, je m’apercevrai que je suis prête.
Que je suis un gâteau. Et si alors, je veux que quelqu’un me bouffe, ou plutôt se régale d’une petite part de mon délicieux
gâteau tout chaud, çà me va très bien. Ce sera le moment. Quand je serai cuite.
Angel : La pensée qu’on puisse se régaler… Je dois reprendre ton histoire de gâteau ?
Un missionnaire passionné et sanguinaire pour Angel, une levrette sauvage (voire plus si affinités) et des chevauchées fantastiques pour Spike. Buffy tout contre les vampires : une fois n'est pas coutume, et quand bien même ce ne fut pas intentionnel, le titre français de la série sied davantage aux aventures de la baiseuse de vampires. La création de Whedon, sous couvert d'une mission, est le récit d'une initiation, d'une éducation, donc d'une transformation. Profondément et intensément sexuelle. Les trois personnages principaux de la série, les héros de Whedon en général, sont tous à la recherche d'un cadeau, Spike désire une âme (une flamme ardente) pour pénétrer le coeur de Buffy, pour que le feu marche avec eux ("Je la sens, Buffy...mon âme. Le spectacle est garanti"), Angel désire un coeur (et un pardon) pour pénétrer l'âme de la jeune femme (la tueuse et le vampire maudit sont liés par le sang, seul Angel s'abreuvera de celui de Buffy, elle ne le confiera à personne d'autre !), Buffy l'ado (le cookie qui n'a pas fini de cuire) est quant à elle à la recherche d'un statut. Celui d'une femme affranchie qui n'entend pas être pénétrée sans pénétrer ses partenaires. Buffy relate donc une histoire de pénétrations contradictoires, réussies ou manquées, et de jouissances. Donc aussi d'abandons. Autrement dit, Buffy relate l'histoire d'une jeune femme qui manie des pieux. A l'envie.
Les exemples de pénétrations ou de velleités de pénétrations abondent, voici parmi les plus fameux :
"Que le spectacle commence", annonce le démon chanteur dans l'épisode musical Once more with feeling, avant que Buffy ne pénètre son repaire, après avoir, sur une note spaghetti, envoyé valdinguer sa porte d'entrée.
"Je n'ai jamais avalé quelque chose d'aussi bon", déclare Buffy au principal Wood qui l'avait invité à dîner dans un restaurant français.
"Tu es prête à en finir, salope", lance Caleb à Buffy, avant d'engager un combat titanesque duquel il ne pourra finir qu'émasculé. Après qu'Angel ait déclaré : "Encore un truc que tu veux finir toute seule" !
"What more you want", Buffy ?
"Que le spectacle commence", annonce le démon chanteur dans l'épisode musical Once more with feeling, avant que Buffy ne pénètre son repaire, après avoir, sur une note spaghetti, envoyé valdinguer sa porte d'entrée.
"Je n'ai jamais avalé quelque chose d'aussi bon", déclare Buffy au principal Wood qui l'avait invité à dîner dans un restaurant français.
"Tu es prête à en finir, salope", lance Caleb à Buffy, avant d'engager un combat titanesque duquel il ne pourra finir qu'émasculé. Après qu'Angel ait déclaré : "Encore un truc que tu veux finir toute seule" !
"What more you want", Buffy ?
Angel
Bien plus qu’un simple dérivé, Angel crée son propre univers, un univers multi-dimensionnel (donc, d’une richesse infinie) peuplé de démons qui, paradoxalement, en disent long sur l’humanité et sur le mal qui la ronge. Angel, le Vampire, a autant de choses à dire que Buffy, la Tueuse de vampires : sa quête rédemptrice est aussi intense que la quête identitaire de Buffy, ses exploits seront aussi légendaires que ceux de son âme soeur. Les membres de son équipe, adultes cette fois, ont autant de comptes à régler avec les démons. Avec leurs démons également. Bien-sûr, Angel, après avoir quitté Sunnydale, la ville balnéaire (trop étriquée pour ce qu’il avait à accomplir), et Buffy (qui, par sa présence, le freinait dans sa mission et son ascension), ne pouvait atterrir qu’à Los Angeles, la Cité des Anges, ville de prédilection des noctambules (donc, des créatures de la nuit), ville qui ne dort jamais, et refuge des âmes perdues, terreau idéal pour démons en tous genres, et des êtres en quête de pardon. Angel doit oublier et faire oublier Angelus. Plus ancrée dans les tourments de l’humanité que sa série soeur (Buffy l’était surtout dans les affres de l’adolescence), Angel donnera l’occasion à son héros et à son équipe d’affronter l’Apocalypse, la vraie, celle que l’humanité endure tous les jours. Les associés de Wolfram et Hart (qui prend la forme d’un cabinet d’avocats !) ne sont que le reflet de l’âme humaine. L’équation est simple : le Bien ne vaincra jamais le Mal, et le Mal ne vaincra jamais le Bien. Angel, le bi-centenaire (une moitié passée au service du Mal), ne pouvait finir comme Buffy, l’ado devenue femme. La victoire de Buffy se devait d’être totale (les certitudes de la jeunesse), celle d’Angel plus incertaine et moins radicale (les incertitudes de la sagesse). Car le but d’Angel, en déclarant la guerre au Loup, au Bélier et au Cerf, n’est pas seulement d’adresser un grand coup de pied dans la fourmilière, il est aussi et surtout de donner l’exemple, de dire que la somme de petites victoires (fussent-elles grandes) est finalement importante. Le message d’Angel et donc de Whedon est clair : ce qui compte finalement, c’est combattre. C’est ce que veut dire le final en suspens de la série.
Plus mythologique que Buffy contre les vampires, Angel raconte donc une ascension, celle de son héros, au rang d’agent mythologique du Bien (si le final est si beau, c’est aussi parce qu’on comprend qu’il en acquiert les galons à ce moment-là) pour rétablir l’équilibre avec ce qu’il fut en tant qu’Angelus, un agent mythologique du Mal.
Plus mythologique que Buffy contre les vampires, Angel raconte donc une ascension, celle de son héros, au rang d’agent mythologique du Bien (si le final est si beau, c’est aussi parce qu’on comprend qu’il en acquiert les galons à ce moment-là) pour rétablir l’équilibre avec ce qu’il fut en tant qu’Angelus, un agent mythologique du Mal.