Une fée est cachée en tout ce que tu vois.
Victor Hugo.
Victor Hugo.
Je ne puis trouver le repos.
J'ai soif d'infini.
Mon âme languissante aspire aux inconnus lointains.
Grand Au-delà, O le poignant appel de ta flûte.
Rabindranâth Tagore.
J'ai soif d'infini.
Mon âme languissante aspire aux inconnus lointains.
Grand Au-delà, O le poignant appel de ta flûte.
Rabindranâth Tagore.
42
Voyageur, entends-tu la Grande Voix de l’Univers ?
Qu’il n’est de frontières pour étouffer la quête des âmes libertines, ni de vents pour en emporter le souffle flamboyant, elles, qui depuis la nuit des temps, aiment à endosser des corps fragiles et à vivre des joies mutines, les danses et les orgies de l’Inde des Dieux bénie, le premier baiser qui affole le sein nubile, à éprouver et éclairer toute douleur aussi, Anne qui pour retrouver le sourire des cieux, au bourreau tend un cou gracieux, un âne qui avant de quitter le monde méchant des hommes cherche la caresse d’un troupeau de brebis, une petite fille qui, à sa poupée de chiffon, avant de s’éteindre, dit comme à un ange, adieu,
Qu’il n’est de mesures pour en mesurer les extases, ni de musiques pour en consoler, elles, qui entendent et s’enivrent de tous charmes, le tigre qui gronde sa compagne, l'orgasme des jeunes filles qui parle aux Anges, la mésange qui parle à Dieu,
Qu’il n’est de commandements pour en reprimer les ivresses, elles, qui avec délice, font l’amour à toute soeur ou à toute beauté éclair,
Qu’il n’est de créatures dans le Cosmos infini à n'en accueillir, ni de solitudes pour en languir les songes, elles, qui avec malice, égaient les rêves des mortels solitaires,
Qu’il n’est d’ombres pour en limiter la vision, ni de lumière pour en brider la vitesse, elles, qui d’un battement d’ailes, et pour s’enquerir de tout secret, l’hirondelle qui fait son nid, l’étoile qui fait son lit, surpassent les vaisseaux les plus rapides, les civilisations les plus aventureuses et les plus avancées,
Qu’il n’est d’orages pour en effrayer, elles qui, sans ciller, voient les soleils exploser et les mondes s’effondrer,
Qu’il n’est de gouffres impossibles pour elles de sonder, ni d'immensités impossibles d'explorer, elles qui, à n’en perdre jamais haleine, courent les Nébuleuses et les Galaxies pour s’éblouir de fabuleux rayons,
Qu’il n’est d’atmosphères dans l’univers pour en retenir, ni soleil pour en consumer les ailes, car les astres, pour une âme folâtre, sont pareils aux fleurs pour le papillon.
Qu’il n’est de frontières pour étouffer la quête des âmes libertines, ni de vents pour en emporter le souffle flamboyant, elles, qui depuis la nuit des temps, aiment à endosser des corps fragiles et à vivre des joies mutines, les danses et les orgies de l’Inde des Dieux bénie, le premier baiser qui affole le sein nubile, à éprouver et éclairer toute douleur aussi, Anne qui pour retrouver le sourire des cieux, au bourreau tend un cou gracieux, un âne qui avant de quitter le monde méchant des hommes cherche la caresse d’un troupeau de brebis, une petite fille qui, à sa poupée de chiffon, avant de s’éteindre, dit comme à un ange, adieu,
Qu’il n’est de mesures pour en mesurer les extases, ni de musiques pour en consoler, elles, qui entendent et s’enivrent de tous charmes, le tigre qui gronde sa compagne, l'orgasme des jeunes filles qui parle aux Anges, la mésange qui parle à Dieu,
Qu’il n’est de commandements pour en reprimer les ivresses, elles, qui avec délice, font l’amour à toute soeur ou à toute beauté éclair,
Qu’il n’est de créatures dans le Cosmos infini à n'en accueillir, ni de solitudes pour en languir les songes, elles, qui avec malice, égaient les rêves des mortels solitaires,
Qu’il n’est d’ombres pour en limiter la vision, ni de lumière pour en brider la vitesse, elles, qui d’un battement d’ailes, et pour s’enquerir de tout secret, l’hirondelle qui fait son nid, l’étoile qui fait son lit, surpassent les vaisseaux les plus rapides, les civilisations les plus aventureuses et les plus avancées,
Qu’il n’est d’orages pour en effrayer, elles qui, sans ciller, voient les soleils exploser et les mondes s’effondrer,
Qu’il n’est de gouffres impossibles pour elles de sonder, ni d'immensités impossibles d'explorer, elles qui, à n’en perdre jamais haleine, courent les Nébuleuses et les Galaxies pour s’éblouir de fabuleux rayons,
Qu’il n’est d’atmosphères dans l’univers pour en retenir, ni soleil pour en consumer les ailes, car les astres, pour une âme folâtre, sont pareils aux fleurs pour le papillon.
A la recherche de Balthazar
To-o kami emi tame...
A la recherche d'Anne Boleyn
Sur ce, je prends mon congé du monde et de vous tous, et je vous demande du fond du cœur de prier pour moi. Ô Seigneur, ayez pitié de moi, à Vous je recommande mon âme.
Anne Boleyn, Les Tudors. Balthazar aussi.
Les êtres étoilés que nous nommons archanges
La bercent dans leurs bras au milieu des louanges,
Et, parmi les clartés, les lyres, les chansons,
D’en haut elle sourit à nous qui gémissons.
Elle sourit, et dit aux anges sous leurs voiles :
Est-ce qu’il est permis de cueillir des étoiles ?
Victor Hugo, Les contemplations.
Anne Boleyn, Les Tudors. Balthazar aussi.
Les êtres étoilés que nous nommons archanges
La bercent dans leurs bras au milieu des louanges,
Et, parmi les clartés, les lyres, les chansons,
D’en haut elle sourit à nous qui gémissons.
Elle sourit, et dit aux anges sous leurs voiles :
Est-ce qu’il est permis de cueillir des étoiles ?
Victor Hugo, Les contemplations.
Les déserts de John Ford
Dire aussi que les plus beaux Ford parlent de séparations, de déracinements, d’exils. De retrait pour le personnage de John Wayne dans La prisonnière du désert. Le cinéma de John Ford est fait de soustractions, donc de douleurs, celui de son ami Howard Hawks est fait d’additions, donc d’excitations.
Dire encore que The Searchers raconte comment, depuis le seuil d’une maison, île d’humanité au milieu d’un grand nulle part ou du grand Tout, oasis de vie au milieu d’une mer de silences et de splendeurs immobiles, on regarde un cavalier partir, puis revenir. Et inversement.
“La dernière fois que je suis allé le voir, nous nous sommes dit au revoir. Puis je suis sorti et je me suis arrêté pour parler à sa fille, et il a crié : “Howard est-il déjà parti ?”. Elle a répondu que non. “Je veux le voir !” Il m’a lancé : “Je veux te dire au revoir.” Je l’ai quitté à nouveau. Il a encore crié : “Est-il toujours là ?” Et il a ajouté : “Je veux te dire adieu.” Alors j’ai appelé Duke Wayne. “Duke”, lui ai-je dit, “tu ferais mieux d’y aller. Je crois qu’il va mourir.” Duke a pris un hélicoptère et il y est allé, et le jour suivant il est mort…” : Howard Hawks à propos de John Ford, Hawks par Hawks, Joseph Mc Bride.
Dire encore que The Searchers raconte comment, depuis le seuil d’une maison, île d’humanité au milieu d’un grand nulle part ou du grand Tout, oasis de vie au milieu d’une mer de silences et de splendeurs immobiles, on regarde un cavalier partir, puis revenir. Et inversement.
“La dernière fois que je suis allé le voir, nous nous sommes dit au revoir. Puis je suis sorti et je me suis arrêté pour parler à sa fille, et il a crié : “Howard est-il déjà parti ?”. Elle a répondu que non. “Je veux le voir !” Il m’a lancé : “Je veux te dire au revoir.” Je l’ai quitté à nouveau. Il a encore crié : “Est-il toujours là ?” Et il a ajouté : “Je veux te dire adieu.” Alors j’ai appelé Duke Wayne. “Duke”, lui ai-je dit, “tu ferais mieux d’y aller. Je crois qu’il va mourir.” Duke a pris un hélicoptère et il y est allé, et le jour suivant il est mort…” : Howard Hawks à propos de John Ford, Hawks par Hawks, Joseph Mc Bride.
La prisonnière du désert
Quelle est la beauté première du cinéma de John Ford ? Un désir d’étreinte. Avec un être cher trop tôt arraché. Bien souvent, avec une épouse trop tôt enfouie. Autrement dit, avec le ciel. Quelle est celle de La prisonnière du désert ? Le désir d’étreinte d’une petite fille avec sa poupée trop tôt retirée, entre une jeune fille perdue et un oncle qui, s’il n’avait prêté serment, aurait pu être son père. Le titre original le sous-entend, l’action de chercher n’implique pas forcément la réussite de trouver, et la quête vaut autant que la réussite. Au-delà de la recherche de la jeune Debbie enlevée par des Comanches, au-delà du sommet plastique de l’oeuvre, John Ford entreprend une quête qui transcende l’histoire de la famille Edwards, l’histoire de son pays via la conquête de l’Ouest, l’histoire des hommes tout court. Une quête qu’il connait bien pour s’y être frotté à de nombreuses reprises. Jamais aussi intensément, et avec autant d’accomplissement. Une quête de paix et d’éternité. Une quête d’absolu donc. L’éternité de John Ford dans The Searchers ? Un désir d’étreinte entre le ciel et les buttes rocheuses de Monument Valley, formellement et pleinement assouvi quand John Wayne/Ethan Edwards soulève Nathalie Wood/Debbie pour la porter jusqu’au ciel. Et nous avec. Avant de l’étreindre. Au lieu de tuer, John Wayne serre dans ses bras. Le cosmos vient de retrouver son harmonie. Sa paix intime. Une colère qui s’évanouit revêt toujours un caractère divin. John Ford n’est jamais allé aussi loin. John Wayne non plus. A de rares exceptions près, nous n’avons jamais été porté aussi haut. Ni emporté avec autant de force.
Les nuages de John Ford
Nuages, collines de vapeur,
collines, nuages de pierre,
désir d’étreinte
qui se poursuit dans le rêve du temps.
Rabindranâth Tagore, Les lucioles.
collines, nuages de pierre,
désir d’étreinte
qui se poursuit dans le rêve du temps.
Rabindranâth Tagore, Les lucioles.
Les deux cavaliers
Depuis peu elle m’appelle "Gus", j’ai d’abord cru qu’elle avait quelque chose de coincé entre les dents mais ça venait de plus loin. Elle a parlé mariage.
(Non ! C’est affreux, mariage !) …
Elle porte un stylet dans la jarretière.
(Je sais).
Comment le sais-tu ?
(Tu viens de me le dire)…
Elle s’y est prise en me demandant pourquoi je me contentais de 10 % de ses revenus alors qu’elle m’en offrait la moitié. Je touche 10 % de tout à Tascosa.
(Quel escroc !)
ça fait partie du boulot de marshall. Je ne peux pas vivre avec la paie d’un marshall : 100 dollars par mois.
(C’est 20 de plus que moi).
Je sais mais bon regarde-toi ! Tu te satisfais de peu. Moi, je suis un peu plus exigent.
“Cinquante ans dans ce putain de métier et j’arrive à quoi ? Diriger deux moumoutes sourdingues !”
Le port de la moumoute peut changer la face d’un film. James Stewart et Richard Widmark, dans Les deux cavaliers, sont chargés de ramener dans leur foyer des Blancs capturés par des Comanches. Au lieu de çà, au lieu de tourner un remake de La prisonnière du désert, ils passent leur temps à boire des bières et à fumer des cigares, à jouer les pipelettes au bord d’une rivière pour discuter mariage et savoir qui a le plus gros (salaire), à échanger des captifs rétifs en livrant des winchesters à un remake light du chef Comanche Scar, à finalement convoler, pour le grand échassier, avec une ex-squaw aux yeux de jais. Après avoir dire merde aux abrutis qui refusaient de danser avec la belle.
James Stewart en fait des tonnes parce ce que sa moumoute le rend sourd et que Ford n’est pas disposé à lui gueuler dessus pour le diriger. Ford pense à autre chose. Il pense à son ami Ward qui vient de mourir.
5 ans séparent Les deux cavaliers de La prisonnière du désert. Le lait millésimé de 56 a tourné en whisky “ Big Jack” 1961. Un whisky drôle et tragique qui dit beaucoup sur John Ford, à son corps défendant. Un John Ford déprimé qui ne contrôle plus grand chose et révèle encore davantage sur lui-même. “C’est la pire merde que j’ai tourné depuis vingt ans”, dira le cinéaste à propos des Deux Cavaliers. 1h44 de pire merde de John Ford vaut bien les 2 heures de son chef d’oeuvre absolu qu’est La prisonnière du désert.
(Non ! C’est affreux, mariage !) …
Elle porte un stylet dans la jarretière.
(Je sais).
Comment le sais-tu ?
(Tu viens de me le dire)…
Elle s’y est prise en me demandant pourquoi je me contentais de 10 % de ses revenus alors qu’elle m’en offrait la moitié. Je touche 10 % de tout à Tascosa.
(Quel escroc !)
ça fait partie du boulot de marshall. Je ne peux pas vivre avec la paie d’un marshall : 100 dollars par mois.
(C’est 20 de plus que moi).
Je sais mais bon regarde-toi ! Tu te satisfais de peu. Moi, je suis un peu plus exigent.
“Cinquante ans dans ce putain de métier et j’arrive à quoi ? Diriger deux moumoutes sourdingues !”
Le port de la moumoute peut changer la face d’un film. James Stewart et Richard Widmark, dans Les deux cavaliers, sont chargés de ramener dans leur foyer des Blancs capturés par des Comanches. Au lieu de çà, au lieu de tourner un remake de La prisonnière du désert, ils passent leur temps à boire des bières et à fumer des cigares, à jouer les pipelettes au bord d’une rivière pour discuter mariage et savoir qui a le plus gros (salaire), à échanger des captifs rétifs en livrant des winchesters à un remake light du chef Comanche Scar, à finalement convoler, pour le grand échassier, avec une ex-squaw aux yeux de jais. Après avoir dire merde aux abrutis qui refusaient de danser avec la belle.
James Stewart en fait des tonnes parce ce que sa moumoute le rend sourd et que Ford n’est pas disposé à lui gueuler dessus pour le diriger. Ford pense à autre chose. Il pense à son ami Ward qui vient de mourir.
5 ans séparent Les deux cavaliers de La prisonnière du désert. Le lait millésimé de 56 a tourné en whisky “ Big Jack” 1961. Un whisky drôle et tragique qui dit beaucoup sur John Ford, à son corps défendant. Un John Ford déprimé qui ne contrôle plus grand chose et révèle encore davantage sur lui-même. “C’est la pire merde que j’ai tourné depuis vingt ans”, dira le cinéaste à propos des Deux Cavaliers. 1h44 de pire merde de John Ford vaut bien les 2 heures de son chef d’oeuvre absolu qu’est La prisonnière du désert.
Les cavaliers de John Ford
A quoi songeaient les deux cavaliers…
La nuit était fort noire et la forêt très-sombre.
Hermann à mes côtés me paraissait une ombre.
Nos chevaux galopaient. A la garde de Dieu !
Les nuages du ciel ressemblaient à des marbres.
Les étoiles volaient dans les branches des arbres
Comme un essaim d’oiseaux de feu.
Je suis plein de regrets. Brisé par la souffrance,
L’esprit profond d’Hermann est vide d’espérance.
Je suis plein de regrets. O mes amours, dormez !
Or, tout en traversant ces solitudes vertes,
Hermann me dit : «Je songe aux tombes entr’ouvertes ;»
Et je lui dis : «Je pense aux tombeaux refermés.»
Lui regarde en avant : je regarde en arrière,
Nos chevaux galopaient à travers la clairière ;
Le vent nous apportait de lointains angelus; dit :
«Je songe à ceux que l’existence afflige,
A ceux qui sont, à ceux qui vivent. — Moi, lui dis-je,
Je pense à ceux qui ne sont plus !»
Les fontaines chantaient. Que disaient les fontaines ?
Les chênes murmuraient. Que murmuraient les chênes ?
Les buissons chuchotaient comme d’anciens amis.
Hermann me dit : «Jamais les vivants ne sommeillent.
En ce moment, des yeux pleurent, d’autres yeux veillent.»
Et je lui dis : «Hélas! d’autres sont endormis !»
Hermann reprit alors : «Le malheur, c’est la vie.
Les morts ne souffrent plus. Ils sont heureux ! j’envie
Leur fosse où l’herbe pousse, où s’effeuillent les bois.
Car la nuit les caresse avec ses douces flammes ;
Car le ciel rayonnant calme toutes les âmes
Dans tous les tombeaux à la fois !»
Et je lui dis : «Tais-toi ! respect au noir mystère !
Les morts gisent couchés sous nos pieds dans la terre.
Les morts, ce sont les coeurs qui t’aimaient autrefois
C’est ton ange expiré ! c’est ton père et ta mère !
Ne les attristons point par l’ironie amère.
Comme à travers un rêve ils entendent nos voix.»
Victor Hugo. John Ford aussi.
La nuit était fort noire et la forêt très-sombre.
Hermann à mes côtés me paraissait une ombre.
Nos chevaux galopaient. A la garde de Dieu !
Les nuages du ciel ressemblaient à des marbres.
Les étoiles volaient dans les branches des arbres
Comme un essaim d’oiseaux de feu.
Je suis plein de regrets. Brisé par la souffrance,
L’esprit profond d’Hermann est vide d’espérance.
Je suis plein de regrets. O mes amours, dormez !
Or, tout en traversant ces solitudes vertes,
Hermann me dit : «Je songe aux tombes entr’ouvertes ;»
Et je lui dis : «Je pense aux tombeaux refermés.»
Lui regarde en avant : je regarde en arrière,
Nos chevaux galopaient à travers la clairière ;
Le vent nous apportait de lointains angelus; dit :
«Je songe à ceux que l’existence afflige,
A ceux qui sont, à ceux qui vivent. — Moi, lui dis-je,
Je pense à ceux qui ne sont plus !»
Les fontaines chantaient. Que disaient les fontaines ?
Les chênes murmuraient. Que murmuraient les chênes ?
Les buissons chuchotaient comme d’anciens amis.
Hermann me dit : «Jamais les vivants ne sommeillent.
En ce moment, des yeux pleurent, d’autres yeux veillent.»
Et je lui dis : «Hélas! d’autres sont endormis !»
Hermann reprit alors : «Le malheur, c’est la vie.
Les morts ne souffrent plus. Ils sont heureux ! j’envie
Leur fosse où l’herbe pousse, où s’effeuillent les bois.
Car la nuit les caresse avec ses douces flammes ;
Car le ciel rayonnant calme toutes les âmes
Dans tous les tombeaux à la fois !»
Et je lui dis : «Tais-toi ! respect au noir mystère !
Les morts gisent couchés sous nos pieds dans la terre.
Les morts, ce sont les coeurs qui t’aimaient autrefois
C’est ton ange expiré ! c’est ton père et ta mère !
Ne les attristons point par l’ironie amère.
Comme à travers un rêve ils entendent nos voix.»
Victor Hugo. John Ford aussi.
Coulez mes larmes, dit John Ford...
Quand John Ford filmait des pierres tombales, il savait de quoi il parlait. Ford, sans doute mieux que personne, savait faire parler une tombe. Et ceux qui pleuraient sa ou son perpetuel locataire. De sorte que le spectateur, à chaque fois, en a la chair de poule. On le sait, Ford excellait à filmer les cavaliers et les paysages, mais la magnificence fordienne s’épanouissait et se révélait encore davantage à filmer des personnages causant à des sépultures. Chez Ford, les vivants continuent de parler aux morts et les morts continuent de conseiller et supporter les vivants. Impossible d’oublier John Wayne parlant à sa femme dans La charge héroïque. Et Ford de nous faire croire que l’épouse disparue l’écoute pour lui prodiguer les mêmes avis qu’autrefois. Les mêmes coups de pied au cul aussi.
Voir aussi, dans La conquête de l’ouest, l’aîné des Prescott se recueillant sur la tombe de sa mère avant de s’asseoir sur le perron de la maison familiale. L’espace et le temps d’une image magnifique, un fondu enchaîné le fait reposer contre la pierre tombale de sa mère. Chez Ford, les fondus enchaînés sont des espaces poétiques et mélancoliques destinés à donner à la séquence précédente sa touche la plus éloquente, à en être le climax.
Monument Valley en est témoin, les paysages chéris par Ford allaient jusqu’à évoquer des pierres tombales, et il n’en faut pas plus pour prétendre que Ford en filmant ses décors fétiches filmait en réalité d’immenses cimetières, imperméables au temps qui passe. Les westerns de Ford, les plus imposants, ressemblent à des enterrements de 1ère classe et à de flamboyants mausolées. L’enterrement d’une vie de chevauchées fantastiques et de quêtes élégiaques. John Ford filme les derniers bisons et les derniers Cheyennes, les derniers pionniers et les derniers Comanches, les derniers déserts d’Amérique et ses dernières terres sauvages. Après la fureur et les larmes, filmer des tombes pour retrouver l’éternité. A l’abri de la civilisation, des tombes immuables dans leur quiétude pour une éternité souveraine jamais muette. A une mémorable exception près : l’ombre du chef Comanche Scar qui, dans La prisonnière du désert, envahit la tombe où s’est réfugiée la petite Debbie. Avant de devenir sa captive.
La conquête de l’ouest selon John Ford passait forcément par les cimetières, théatre de ses plus belles pauses et exceptionnellement de ses plus grandes frayeurs.
Voir aussi, dans La conquête de l’ouest, l’aîné des Prescott se recueillant sur la tombe de sa mère avant de s’asseoir sur le perron de la maison familiale. L’espace et le temps d’une image magnifique, un fondu enchaîné le fait reposer contre la pierre tombale de sa mère. Chez Ford, les fondus enchaînés sont des espaces poétiques et mélancoliques destinés à donner à la séquence précédente sa touche la plus éloquente, à en être le climax.
Monument Valley en est témoin, les paysages chéris par Ford allaient jusqu’à évoquer des pierres tombales, et il n’en faut pas plus pour prétendre que Ford en filmant ses décors fétiches filmait en réalité d’immenses cimetières, imperméables au temps qui passe. Les westerns de Ford, les plus imposants, ressemblent à des enterrements de 1ère classe et à de flamboyants mausolées. L’enterrement d’une vie de chevauchées fantastiques et de quêtes élégiaques. John Ford filme les derniers bisons et les derniers Cheyennes, les derniers pionniers et les derniers Comanches, les derniers déserts d’Amérique et ses dernières terres sauvages. Après la fureur et les larmes, filmer des tombes pour retrouver l’éternité. A l’abri de la civilisation, des tombes immuables dans leur quiétude pour une éternité souveraine jamais muette. A une mémorable exception près : l’ombre du chef Comanche Scar qui, dans La prisonnière du désert, envahit la tombe où s’est réfugiée la petite Debbie. Avant de devenir sa captive.
La conquête de l’ouest selon John Ford passait forcément par les cimetières, théatre de ses plus belles pauses et exceptionnellement de ses plus grandes frayeurs.
L’immortel, ce joyau,
se vante, non de ses longues années,
mais de l’éclat lumineux d’un instant.
Rabindranâth Tagore, Les lucioles. John Ford aussi.
se vante, non de ses longues années,
mais de l’éclat lumineux d’un instant.
Rabindranâth Tagore, Les lucioles. John Ford aussi.
Le nouveau monde
Powhatan était parent du loup et de l’abeille,
Frère du noyer blanc.
Fils du coup de foudre écarlate
Et du chêne foudroyé.
Sa grâce féline s’épanouit chez la jeune femme
Qui riait dans les bourrasques et jouait
De sa fierté sauvage avec brio,
Charmant la forêt, les yeux ouverts,
Au printemps,
En Virginie,
Ô Notre Mère, Pocahontas.
Vachel Lindsay, Our Mother Pocahontas.
Frère du noyer blanc.
Fils du coup de foudre écarlate
Et du chêne foudroyé.
Sa grâce féline s’épanouit chez la jeune femme
Qui riait dans les bourrasques et jouait
De sa fierté sauvage avec brio,
Charmant la forêt, les yeux ouverts,
Au printemps,
En Virginie,
Ô Notre Mère, Pocahontas.
Vachel Lindsay, Our Mother Pocahontas.
Toute l’ambition de Malick conduit au Nouveau monde, tout grand cinéaste porte en lui un film rêvé, comme le fut Fièvre sur Anatahan pour Sternberg ou Tabu pour Murnau (un autre esthète, qui partage avec Malick la même vision panthéiste du monde). Tabu qui pourrait tout à fait être le premier acte de ce Nouveau monde.
Le film de Malick retrace l’histoire de Pocahontas, princesse indienne, et du Capitaine John Smith, aventurier et chercheur de nouveaux mondes . Cette histoire commence au moment où Smith s’arrête dans l’un de ces nouveaux mondes, le plus mythique : l’Amérique, terre fabuleuse et paradisiaque où ses habitants ne connaissaient ni mensonge ni convoiterie ni envie de possession, où les hommes vivaient en harmonie avec les bêtes et Dame Nature. Dame Nature si convoitée, si célébrée, si incantée, si invoquée par la caméra de Malick. Paradis perdu dès que l’homme de l’Est en foule la rive. L’homme de l’Est, incarné ici par John Smith et le planteur de tabac John Rolfe, y voit une nouvelle terre à découvrir (pour Smith), un nouveau commencement, une nouvelle terre à cultiver, en homme libre, débarassé des carcans du Vieux monde (pour Rolfe). Mais aucune terre ne sera jamais valorisée par cet homme-là.
Au début de ce nouveau commencement, les arbres serviront à construire des forts, symbole d’un repli sur soi (ce fort n’est pas le monde), camp de base pour une future colonie (l’autre homme de l’Est incarné par le personnage de Plummer). La nourriture sera consommée jusqu’à épuisement. La culture de la terre servira au commerce, donc à l’expansion. Lady Rebecca, anciennement Pocahontas, terre symbolique, mettra au monde un enfant unique, sans lendemain.
La découverte de l’Amerique par Smith passera donc par l’Espiègle, une princesse, la fille favorite de l’empereur des Algonquins, qui passe son temps à mimer les animaux de la forêt, à flirter avec le ciel, le soleil et l’océan, à leur offrir son coeur et son âme. Il y a dans ce film (l’un des plus beaux du monde, mais aussi l’un des plus tristes) des instants magiques, comme cet apprentissage de la langue anglaise par Pocahontas, comme cette indienne au visage blanchi scellant le sort de l’héroïne, la chassant symboliquement. Il y a ce dernier hommage du soleil à l’un de ses enfants bien-aimé, un enfant de la Terre qui a toujours vécu en harmonie avec ses éléments. Il y a aussi ce moment incroyable, où l’indien au visage peint en noir et blanc (le fou et le sage de la tribu) se dresse au milieu des hommes, mais seul au monde, et chancelle devant leur folie, temps suspendu en plein fracas des armes. Tout le cinéma de Malick conduit à ce plan, à ce regard sur le monde, à la fois détaché et lucide.
A la fin de l’histoire, la princesse (Q’Orianka Kilcher, sublime) n’épousera pas son beau prince (l’attrait de la découverte l’emportant sur sa tentation d’abandonner son nom et son ambition), mais fondera avec le planteur une nouvelle famille (trop curieuse de l’Autre, elle fut bannie des siens), un nouveau monde, un monde rêvé, un monde métissé, un monde utopique. Un monde qui restera lettre morte.